Arnaud Le Guern

Arnaud Le Guern

Une jeunesse en fuite

Livre 06'59"

Philippe Chauveau :

Dans ce qui est votre troisième roman « Une jeunesse en fuite » aux éditions du Rocher, vous nous emmenez en Bretagne, dans le Finistère, dans une petite ville du bord de mer. C'est l'été et le narrateur part avec sa fille et une copine de sa fille pour quelques semaines de vacances chez ses parents. Vous avez envie de nous raconter beaucoup de choses dans ce livre. On va évoquer la guerre du Golfe, on va évoquer les souvenirs de l'adolescence, on va évoquer les relations familiales, les années qui passent. Définissez ce roman, que raconte-t-il ?

Arnaud Le Guern :

Les souvenirs de ma jeunesse, les souvenirs de la jeunesse du narrateur qui ressemble beaucoup à l'auteur pour tout vous dire. J'ai eu envie de retrouver des années que je n'avais pas exploré d'un point de vue romanesque qui sont les années de mon adolescence. Une adolescence heureuse mais marquée par l'apparition d'une pointe d'angoisse qui a été liée au départ de mon père. Il était médecin militaire pour la première guerre du Golfe, qui était la première guerre des guerres qu'on connait aujourd'hui, qu'on voit sur les chaînes d'information continue, des guerres zéros morts mais très angoissantes, on suivait ça comme un spectacle. L'adolescent que j'étais, qui était en pleine éducation sentimentale, littéraire, cinématographique, s'est retrouvé avec quelque chose qu'il avait peu connu jusqu’alors, une forme de peur.

Philippe Chauveau :

Cet adolescent essaie de cacher son angoisse avec le cinéma, la musique, avec la découverte de l'amour, la rencontre des filles.

Arnaud Le Guern :

Oui, en continuant à vivre. Dans toute époque plus ou moins troublée, la vie ne s'arrête pas, la vie continue, il faut faire cohabiter les sentiments anxiogènes et un appétit pour la vie.

Philippe Chauveau :

Cet adolescent, ce narrateur, vous-même donc, cet adolescent des années 90, a grandi, a construit sa vie, il est en couple, il a une fille et nous nous retrouvons à l'été 2017 où il vient passer quelques jours de vacances chez ses parents. Son père est en retraite mais il a continué à exercer à l'hôpital. Une relation familiale plutôt sereine même si les échanges avec le père sont délicats. Voilà un fils et son père qui s'aiment et qui ne savent pas forcément bien se le dire. Entre-temps, il y a le terrorisme qui est arrivé, il y a eu les attentats de 2015 et il y a eu un effet peut-être boomerang où l'adolescent devenu adulte se rend compte que ce terrorisme d'aujourd'hui a peut-être germé dans ces années 90.

Arnaud Le Guern :

Oui, c'est ça. Cette année 2015 qui commence en janvier par les attentats contre Charlie Hebdo, se termine en novembre avec le Bataclan, les attentats visant notamment les terrasses des cafés parisiens. Là, effectivement, quand un aime la légèreté et le dilettantisme, on prend un gros coup dans l'aile. Cette année-là m'a ramené presque naturellement à l'année 1991, à la première guerre du Golfe, qui pourtant ne m'obsédait pas au jour le jour, loin de là.

Philippe Chauveau :

C'est un peu pour cela que notre narrateur, qui est devenu adulte et qui reprend ces années 90 comme un boomerang, a envie de redécouvrir son adolescence et demande à sa mère de relire les lettres que le père envoyait quand il était médecin. Il a envie de s'imprégner de ce qu'il s'est passé dans les années 90 là- bas.

Arnaud Le Guern :

Exactement parce qu'il y a, non pas une indifférence père-fils entre le narrateur et son père mais, peut-être une forme de pudeur. On parle plus de foot, de vin, de gastronomie que des choses graves ou personnelles. J'ai eu envie de relire ces lettres pour, n'ayant pas d'imagination, recréer ce monde d'avant et pour le revivre en essayant de retrouver les émotions d'alors. Peut-être de les recréer, ou de les réinventer.

Philippe Chauveau :

Ces lettre sont l'occasion d'essayer de comprendre ce que vivait le père pendant cette guerre et de mieux le connaître, de le découvrir peut-être puisqu'il y a cette difficulté à communiquer entre le père et le fils. Toute la force du roman, ce sont trois thèmes forts : il y a cette guerre du Golfe qui revient comme un effet boomerang aux yeux du narrateur que vous êtes, il y a ces souvenirs de jeunesse, ces années 90 que vous nous racontez dans lesquelles les lecteurs de votre génération se retrouveront forcément et le troisième thème fort, c'est la famille, les relations familiales. Ici, c’est une famille où tout est plutôt serein, il y a parfois des difficultés mais on s'aime sans très bien se le dire. Ce livre est peut-être un cadeau que vous aviez envie de faire aux parents ? Il y a dans les dernières pages de très belles phrases sur la relation parent-enfant. Etait-ce l’idée de départ de ce libre ? Sachant que dans un précédent roman, vous aviez déjà évoquer votre famille mais peut-être de façon plus incisive.

Arnaud Le Guern :

Oui, ce qui n'avait pas plu à toute la famille à l’époque. Je vis ce nouveau roman et je le perçois comme une forme de célébration. J'aime bien prendre le risque du vivant, je ne vois pas pourquoi il y aurait une période pendant laquelle on ne pourrait pas évoquer certaines personnes de sa famille. Pour parler de mon père, de ma mère, je n'avais pas envie qu'on les ait mis en terre.

Philippe Chauveau :

Vous tombez le masque dans ce roman ?

Arnaud Le Guern :

Pour en revenir au mentir-vrai, tantôt j'avance masqué, tantôt je le tombe mais est-ce que quand je le tombe ce n'est pas un autre masque ? Si je mens, c'est au nom de la littérature et au nom de la vérité romanesque.

Philippe Chauveau :

Beaucoup de délicatesse, de poésie et de sensibilité dans votre nouveau roman Arnaud Le Guern , « Une jeunesse en fuite », publié aux éditions du rocher.

Arnaud Le Guern :

Merci beaucoup.

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