Francesco Rapazzini a grandi entre Venise et Milan. Installé en France depuis plus de vingt ans, il est aujourd’hui journaliste correspondant pour des magazines et la radio italienne. En librairie, on connait Francesco Rapazzini pour son ouvrage sur le Moulin Rouge ou encore des biographies consacrées à Elisabeth de Grammont ou à chanteuse réaliste Damia. L’univers littéraire de Francesco Rapazzini est d’ailleurs très féminin. On ne s’en étonne pas quand on sait combien les femmes de sa famille ont été actives en Italie...
Un été vénitien de Francesco Rapazzini - Présentation - Suite
Philippe Chauveau : Bonjour Francesco Rapazzini.
Francesco Rapazzini : Bonjour Philippe.
Philippe Chauveau : Vous êtes dans l'actualité avec ce roman, votre troisième roman chez Bartillat, « Un été vénitien ». Je précise, troisième roman même si vous avez une bibliographie plus conséquente puisqu'il y a eu des biographies et des ouvrages collectifs. Vous êtes installé en France depuis une vingtaine d'années mais vous êtes toujours en lien avec l'Italie puisque vous travaillez pour une agence de presse et pour la...
Un été vénitien de Francesco Rapazzini - Portrait - Suite
Philippe Chauveau : Votre troisième roman Francesco Rapazzini, « Un été vénitien », est publié chez Bartillat, avec cette belle couverture qui est tout à fait symbolique de ce que vous nous racontez dans cet ouvrage. Nous rencontrons Francesco, nous sommes à l'été 1978, nous sommes à Venise, il fait chaud. Nous sommes très loin de la Venise touristique, vous nous parlez vraiment d'une Venise authentique, celle que vous avez bien connue. Pourquoi avoir eu envie de nous emmener sur les pas de ce Francesco qui vous ressemble...
Un été vénitien de Francesco Rapazzini - Livre - Suite
Francesco Rapazzini
Un été vénitien
Présentation 2'10"Francesco Rapazzini a grandi entre Venise et Milan. Installé en France depuis plus de vingt ans, il est aujourd’hui journaliste correspondant pour des magazines et la radio italienne. En librairie, on connait Francesco Rapazzini pour son ouvrage sur le Moulin Rouge ou encore des biographies consacrées à Elisabeth de Grammont ou à chanteuse réaliste Damia. L’univers littéraire de Francesco Rapazzini est d’ailleurs très féminin. On ne s’en étonne pas quand on sait combien les femmes de sa famille ont été actives en Italie dans le domaine artistique et littéraire. Les femmes, on les retrouve aussi dans ce troisième roman de Francesci Rapazzini, « Un été vénitien » même si le héros, le narrateur, Francesco, est un adolescent en proie aux premières émotions. A l’été 1978, Francesco reste à Venise. Il vit avec sa mère, son frère, quelques animaux et une bande d’amis dont les parents sont gondoliers, pêcheurs ou artistes. Et le temps s’écoule, lentement, dans la touffeur de cet été 78. Des baignades au Lido, la plage de Venise, aux errances désabusées dans les ruelles de la Sérénissime, des après-midi allongés dans la pénombre de la chambre aux dîners pasta sous les lustres de la demeure familiale, c’est une ambiance que recrée l’auteur dans ce roman qui raconte l’adolescence : les projets d’avenir, les rencontres improbables, les premiers pas dans le monde adulte, les amours innocentes et les émois interdits, la découverte de la vie avec ses enthousiasmes et ses pièges. Avec une écriture pleine de délicatesse et de poésie, Francesco Rapazzini nous entraine dans une Venise bien loin de l’image touristique, une Venise authentique qui n’existe peut-être plus. Ayant lui-même traduit son roman, l’auteur prouve également qu’il manie parfaitement le français même si l’esprit et l’écriture résonnent à l’italienne. Un roman envoûtant, qui parle d’amour, d’amitié, du temps qui passe et des souvenirs qui jamais ne s’effacent. « Un été vénitien » de Francesco Rapazzini est publié chez Bartillat.
Francesco Rapazzini
Un été vénitien
Portrait 6'21"Philippe Chauveau : Bonjour Francesco Rapazzini.
Francesco Rapazzini : Bonjour Philippe.
Philippe Chauveau : Vous êtes dans l'actualité avec ce roman, votre troisième roman chez Bartillat, « Un été vénitien ». Je précise, troisième roman même si vous avez une bibliographie plus conséquente puisqu'il y a eu des biographies et des ouvrages collectifs. Vous êtes installé en France depuis une vingtaine d'années mais vous êtes toujours en lien avec l'Italie puisque vous travaillez pour une agence de presse et pour la presse magazine italienne. Si vous deviez définir votre parcours, pourquoi la France aujourd’hui ? Pourquoi depuis 20 ans êtes-vous installé ici ? Le hasard ou l'envie ?
Francesco Rapazzini : L'amour !
Philippe Chauveau : C'est bien aussi !
Francesco Rapazzini : C'est l'amour qui m'a fait venir en France mais c'était un amour pour quelqu'un et ce n'était pas la langue, et pas tellement la culture. Même si j'ai fui la culture italienne ou la non culture italienne actuelle… Quand je suis venu ici, en France, je savais dire « bonjour », « bonsoir » et « je vous aime ». Avec ça, on peut aller partout ! Puis, j'ai appris la langue que j'ai adorée et j'ai voulu m'exprimer directement dans cette langue.
Philippe Chauveau : Mais précisons le, vous n'avez jamais coupé les liens avec l'Italie où vous retournez régulièrement.
Francesco Rapazzini : Non, je n'ai pas coupé les liens avec l'Italie parce que j'ai ma famille là-bas. J'ai ma mère à Venise, mon frère, des neveux et des amis.
Philippe Chauveau : Venise et Milan sont les deux points forts pour vous de l'Italie. C'est là-bas que vous avez vos racines. Vous parliez de la non-culture italienne d'aujourd'hui, précisez.
Francesco Rapazzini : En Italie, aujourd’hui, ceux qui publient, à part quelques rares exceptions qui sont formidables, ce sont les comiques de la télé, les journalistes télé, je n'ai rien contre les journalistes télé, ce sont les footballeurs, les comédiens... C'est ça aujourd’hui la littérature italienne et c'est un peu pauvre.
Philippe Chauveau : Paradoxalement, il y a de plus en plus d'écrivains italiens qui ont la côte, si je parle d'Elena Ferrante par exemple.
Francesco Rapazzini : Oui, c'est vrai mais ce sont les dernières générations. Moi, je suis arrivé ici il y a vingt-deux ans, et c'était une catastrophe. Aujourd’hui, c’est vrai, il y a des auteurs qui sont très bons mais pas assez nombreux.
Philippe Chauveau : Je le disais en préambule, vous avez trois romans à votre actif, il y a aussi eu des biographies sur la chanteuse Damia, ou Elisabeth de Gramont. Vous avez aussi fait un très beau livre sur les femmes du Moulin Rouge. La femme est très présente, l'univers féminin est toujours très présent dans votre écriture, pourquoi ?
Francesco Rapazzini : J'ai grandi entre Venise et Milan mais ma famille est une famille d'artistes, d'artistes femmes. Depuis toujours, depuis le XIXe siècle il y a eu des femmes peintres, des femmes dramaturges, des femmes écrivaines ou romancières, des historiennes. Toujours des femmes. Celles que j'ai connues, je les ai fait parler quand j'étais gamin et celles que je n'ai pas connues, je me suis intéressé à leur art ou à leur œuvre. C'est pour cela que le monde féminin m'intéresse.
Philippe Chauveau : Etait-ce difficile de grandir dans l'ombre de ces femmes de la famille ?
Francesco Rapazzini : Non c'était un grand plaisir ! C'était une joie de voir des tableaux et savoir que ces tableaux étaient peints par votre arrière-grand-mère, voir des sculptures qui sont très belles, qui sont dans des musées et qui ont été sculptées par une grande tante ou encore avoir une cousine qui était la scénographe et costumière de Visconti ou Antonioni... Et qui était peintre elle-même. C'est très réjouissant, ce n'est pas du tout lourd ni pesant.
Philippe Chauveau : Cela ne vous a jamais empêché de prendre la plume, au contraire, cela vous a peut-être stimulé aussi ? Francesco Rapazzini : Oui, cela m'a stimulé et m'a donné envie de montrer que les hommes aussi, dans cette famille, savent faire quelque chose !
Philippe Chauveau : Une revanche ?
Francesco Rapazzini : Oui…
Philippe Chauveau : Que vous apporte l'écriture dans votre vie ?
Francesco Rapazzini : L'écriture, c'est un univers magnifique, on s'y jette, comme sur la couverture de mon roman. C'est l'air, c'est l'univers qu'on a dans la tête, on a envie de le partager, on en a besoin. Je me souviens, quand je parlais avec une grande tante sculptrice, je lui ai demandé ce qui l'a poussée à sculpter et elle disait « une force dans mon estomac, et si je ne la fais pas sortir, je meurs ». C'est un peu pareil pour moi l'écriture, c'est un besoin physique.
Philippe Chauveau : Aujourd'hui vous écrivez en italien, et vous traduisez vous-même vos écrits ? Francesco Rapazzini : Cela dépend. Ou bien, j'écris en italien, ou j'écris directement en français. En l'occurrence, pour ce roman, j'ai d'abord écrit en italien parce que ça raconte Venise, où j'ai grandi, donc il y a les sons, les bruits, les voix, la parole, les dialectes vénitiens et donc évidemment je l'ai écrit en italien et après je l'ai traduit en français.
Philippe Chauveau : Vous avez vous-même traduit en français ce que vous avez écrit en italien ? Francesco Rapazzini : Oui, c'est un exercice que j'ai déjà fait autrefois avec les autres romans et la version française est toujours un peu différente de la version italienne.
Philippe Chauveau : Je tenais à le préciser parce que cette traduction est un petit bijou de perfection, on a l'impression que vous maniez la langue française avec une telle facilité, une telle poésie, une telle élégance. C'était important de le dire. Votre actualité Francesco Rapazzini, « Un été vénitien », vous êtes publié chez Bartillat.
Francesco Rapazzini
Un été vénitien
Livre 6'41"Philippe Chauveau : Votre troisième roman Francesco Rapazzini, « Un été vénitien », est publié chez Bartillat, avec cette belle couverture qui est tout à fait symbolique de ce que vous nous racontez dans cet ouvrage. Nous rencontrons Francesco, nous sommes à l'été 1978, nous sommes à Venise, il fait chaud. Nous sommes très loin de la Venise touristique, vous nous parlez vraiment d'une Venise authentique, celle que vous avez bien connue. Pourquoi avoir eu envie de nous emmener sur les pas de ce Francesco qui vous ressemble furieusement en cet été 1978 ?
Francesco Rapazzini : Parce que j'avais vraiment envie de raconter une Venise qui ne soit pas une Venise de carte postale. C'était un moment difficile de ma vie et j'avais envie de revivre quelque chose de beau, de joyeux, de solaire, de lumineux et donc, tout est sorti comme ça, depuis le ventre. J'ai écrit ça, j'ai raconté ça.
Philippe Chauveau : Je me permets de lire la toute première phrase de votre roman : « Le jour où elle me dit que son plus bel orgasme, elle ne l'avait pas eu avec un homme mais en regardant un coucher de soleil, je compris que ma mère n'était pas pareille aux mères de mes amis. (…) Ce fut peut-être à cet instant que je devins adulte, peut-être, ce fut là en tout cas que commença mon été. » l a 17ans, et lors de cet été 1978 il va découvrir la vie, il va y avoir des rencontres, des émois, des émotions. C'est un roman sur l'adolescence ? Sur la jeunesse qui s'enfuit ? Sur l'ouverture vers le monde adulte ?
Francesco Rapazzini : Oui, c'est tout ça et c'est aussi, comme vous le disiez, des rencontres. Une vie est belle si on fait de belles rencontres, des rencontres intéressantes, des rencontres qui forment, des rencontres avec des gens qui sont de vraies personnes. Je raconte, dans ce livre, ce personnage qui vit avec les gens les plus humbles car les amis de ce garçon sont les enfants d'un pêcheur, les enfants d'un gondolier, mais il y aussi d’autres personnages de milieux aisés, comme Peggy Guggenheim... Ce sont deux mondes, le monde des vrais vénitiens et le monde de la grande intelligentsia qui passe par Venise. Ces rencontres forgent ce jeune homme, héros du roman.
Philippe Chauveau : On suit Francesco lors de ses escapades, avec ses amis et ses amies, lorsqu'ils vont se baigner dans le Lido et le soir lorsque l'on reçoit dans la belle demeure vénitienne de la famille pour les soirées pasta très exubérantes, pleines de fantaisie, à l'image peut être de la mère de notre héros. Vous aviez envie de raconter ces deux mondes qui sont symboliques de Venise ?
Francesco Rapazzini : Oui, parce qu'à Venise il y a deux mondes vraiment différents. Le monde des vrais vénitiens qui est de moins en moins présent et le monde des autres. Le monde des autres, ce sont les touristes qui viennent et qui repartent immédiatement, ou des gens qui peuvent rester un ou deux jours, un ou six mois et qui repartent mais qui apportent leurs cultures, leurs histoires, leurs vécus. Ce sont des fêtes, ce sont des rencontres artistiques, ce sont des moments différents pendant un été. L'été rend adulte ce personnage. Pour moi, être adulte, c'est quand on commence à comprendre pourquoi on rencontre quelqu'un et ce que cette personne peut nous donner, mais aussi ce que nous pouvons donner à l'autre.
Philippe Chauveau : Francesco est très attachant parce qu'on sent qu'il aurait encore envie de rester dans ce monde de l'adolescence, voire de l'enfance, et en même temps il a envie d'aller vers le monde adulte, il vacille entre les deux. Il y a des rencontres, les premiers émois amoureux, cette ambiguïté amoureuse lorsque qu'on ne sait pas quelle direction prendre. Il y a tous ces moments, toutes ces émotions que vous avez retranscrites mais finalement n’est-ce pas Venise qui a le premier rôle, même si Francesco est à la fois le narrateur et le héros de l'histoire ?
Francesco Rapazzini : Venise est très présente, elle est présente avec ses rats…
Philippe Chauveau : Avec ses puces aussi, les puces qui envahissent les palais ! Francesco Rapazzini Oui, et elle est présente avec cette eau. A Venise, il y a un moment magique qui est le moment où l'eau change de couleur. L'eau devient de brune à verte et c'est là que les vénitiens comprennent que la belle saison est en train d'arriver. Quand on était gamin on guettait ce moment vraiment magique ; le touriste ne s'aperçoit pas tellement de ça mais le vénitien oui. Le moment où l'eau devient verte, on sait que la belle saison est là, que les baignades seront bientôt là aussi et la joie de vivre revient !
Philippe Chauveau : C'est une déclaration d'amour à cette ville de Venise ? Est-ce une façon de la voir avec un peu de mélancolie par rapport à ce qu’elle devient de nos jours ?
Francesco Rapazzini : Oui, c'est une déclaration de passion plus que d'amour. C'est une déclaration pour une ville que je quitte chaque fois en sachant que je la retrouverai mais peut-être un peu plus abimée, un peu plus vieillie, un peu comme une mère, une maitresse ou une amante. Elle est là, je sais qu'elle est là et qu'elle m'attend.
Philippe Chauveau : Pourquoi avoir eu envie d'écrire à ce moment de votre vie un roman sur l'adolescence, sur le temps qui passe, sur la douce nostalgie ?
Francesco Rapazzini : Parce que, finalement, je pense que, tous, après avoir été adolescent, le restent. Quelque chose de l'adolescence nous reste collé, et ceux qui ont complètement perdu ce quelques chose sont définitivement perdus.
Philippe Chauveau : C'est un très beau roman avec une belle écriture et beaucoup d'émotion au fil des pages. C'est l’un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire. « Un été vénitien », c'est votre actualité Francesco Rapazzini, vous êtes publié chez Bartillat. Merci beaucoup.
Francesco Rapazzini : Merci Philippe.