Daniel Picouly

Daniel Picouly

Quatre-vingt-dix secondes

Livre 6'02"

Philippe Chauveau : Cette couverture de votre nouveau roman « Quatre-vingt-dix secondes » est très parlante puisque nous allons parler d'un volcan, pas n'importe lequel, la montagne Pelée à La Martinique, à Saint-Pierre, le 8 mai 1902. Ce volcan va détruire cette ville et sa population. Pourquoi avoir eu envie de nous parler de cette histoire ? De cette date bien particulière ? Pourquoi vous colle-t-elle à la peau ?

Daniel Picouly : Elle me colle à la peau au sens propre du terme, puisque ce 8 mai 1902, j'aurais pu mourir. C'est une façon étrange de concilier les temps, je suis né bien plus tard mais mon grand-père, lui, avait 9 ans. Mon grand-père est né à la Martinique, c'est un enfant de 9 ans qui ne rêve que d'une chose, c'est de voir le plus beau voilier du monde. Le plus beau voilier du monde, c'est le Belem, et il va accoster à Saint-Pierre pour le jeudi de l'ascension. Ce gosse veut vraiment y aller, il harcèle sa famille pour y aller et sa famille accepte et se rend vers l'embarcadère qui mène à une petite navette qui fait Fort de France / Saint-Pierre. Au dernier moment, ce gosse fait une espèce de crise comme des enfants peuvent faire, un de ces enfants qui est tétanisé par quelque chose que vous attribuez à une intuition, une intuition du malheur que peuvent avoir les enfants. Sa mère le croit et renonce à prendre cette petite navette, uniquement sur la base de ce chagrin d'enfant. Ce livre est né d'un chagrin d'enfant. Ils ne prendront pas cette dernière navette qui fera 300 morts de plus. Je n'ai jamais remis en question cette histoire parce que je la trouve fondatrice, formatrice et parce qu'elle est belle. Un rêve d'enfant qui vous met en mouvement et un chagrin qui vous arrête. C'est une belle histoire.

Philippe Chauveau : Vous racontez cette journée du 8 mai 1902, on sait que le drame va arriver de façon brutale. Il y a pléthore de personnages, il y a cette urgence dans l'écriture et il y a la force de la montagne qui est la narratrice, c'est elle qui prend la parole et c'est elle qui explique pourquoi elle se met en ébullition, pourquoi elle veut engloutir Saint-Pierre ? Pourquoi avoir fait le choix de faire de la montagne Pelée un personnage à part entière ?

Daniel Picouly : Je ne voyais qui pouvait avoir la prétention de raconter cette histoire à sa place. La seule qui sait ce qu'il s'est passé dans ses entrailles, c'est elle, et elle est encore là, c'est la survivante. Philippe Chauveau : C'est aussi un roman sur la vanité des hommes parce que cette montagne va engloutir 30 000 personnes, des riches, des pauvres, des gens bien, des gens moins bien, il y a une intrigue politique et il y a cette volonté de raconter ce qu'était Saint-Pierre en 1902 ?

Daniel Picouly : Oui parce qu'il était important que l'on comprenne bien que ce qui avait disparu était une merveille, Saint-Pierre était une merveille indécente, obscène. C'est le lieu de la partition raciale et c'est cela qu'il faut éclairer. Dans les explications a posteriori on a fait de Saint-Pierre une Sodome.

Philippe Chauveau : En vous emparant de ce fait historique, sans chercher à démêler le vrai du faux, il y a des personnages authentiques et il y a ceux que vous avez inventés. J'aimerais que l'on parle d'Othello, qui est-il ?

Daniel Picouly : Othello et Louise figurent ce qui traverse toute mon œuvre : le métissage. Je suis un produit metis, d'un père martiniquais et d'une maman toute blanche. Pour moi Othello et Louise incarnent cela, sans discours, ils ont cette force de l'évidence. Quand on est amoureux, même de couleurs différentes, il y a une évidence : on est amoureux. J'aime qu'ils se promènent avec cette évidence qui crée quelques turbulences pour ceux pour qui ce n'est pas si évident.

Philippe Chauveau : Othello et Louise qui font partie de cette galerie de personnages que vous nous présentez, vont-ils survivre à la montagne Pelée, que va-t-il se passer ? On retrouve toute la flamboyance de votre écriture, c'est passionnant, c'est l'un de mes gros coups de cœurs de cette rentrée 2018. « Quatre-vingt-dix secondes » de Daniel Picouly est aux éditions Albin Michel. Merci beaucoup.

Daniel Picouly : Merci.

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  • LIVRE
  • Il aurait pu rester professeur d’économie. Mais bien vite, Daniel Picouly a compris que son plaisir passait par l’écriture, ou plutôt par le fait de raconter des histoires, comme il le faisait avec ses petites sœurs, lui, le 11ème d’une famille de treize enfants. Le succès arrive en 1996 avec « Le champ de personnes », qui raconte de façon romancée, la vie de ses parents. Dans la même veine, et toujours inspirés par son parcours familial, suivront, Paulette et Roger, Fort de l’Eau et Le cœur à la craie. En 2000,...Le livre, cadeau idéal ? de Daniel Picouly - Présentation - Suite
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