Caroline Lunoir

Caroline Lunoir

Première dame

Livre 05'53"

Philippe Chauveau :

Avec ce nouveau titre Caroline Lenoir, votre troisième roman « Première dame » nous allons faire connaissance avec Marie, C'est un roman contemporain. Marie dont l'époux Paul a des velléités. Il veut être élu à la primaire de son parti pour ensuite briguer la présidence de la République. Marie va accepter de le suivre dans ce projet et va décider d'écrire un journal intime pour raconter les deux ans qui précèdent l'élection présidentielle. Pourquoi avoir eu envie de nous parler de cette première dame fictive ?

Caroline Lunoir :

C'est un roman qui s'est imposé à moi très brutalement. J'écrivais un roman policier que j'ai interrompu pour commencer celui-là. J'en ai eu l'idée pendant la dernière campagne présidentielle, en 2017. Un matin où je me réveillais en écoutant la radio, il y avait une retransmission de la confrontation télévisée entre François Fillon et Christine Angot, dans laquelle François Fillon avait des mots montrant clairement sa colère. Il expliquait que les journalistes créaient vraiment une violence dans sa famille, en particulier pour sa femme Pénélope qui craignait tous les jours en conséquence qu'il mette fin à sa vie. Je pensais que prendre la voix de la femme d'un candidat, cela permettait une entrée dans l'intime assez intéressante et voir notamment l'autre côté de la construction d'une campagne et d'une stratégie de communication.

Philippe Chauveau :

Avec ce sujet et ce titre « Première dame », vous abordez avec la plume romanesque un sujet qui finalement revient régulièrement en boomerang à chaque campagne présidentielle, un sujet qui est en France un peu tabou. La première dame a-t-elle vraiment un statut, doit-on vraiment lui donner un titre, a-t-elle un vrai rôle, doit-elle avoir un cabinet avec le financement qui va derrière ?... Ce sont des questions qui reviennent régulièrement sans qu'on ne trouve jamais vraiment de solution. Vous êtes inspirée de toutes ces premières dames ou potentielles premières dames qui ont évolué en France depuis une dizaine ou une quinzaine d'années. Forcément, il y a des personnages qui vont revenir dans notre esprit. Ce sont plutôt des archétypes que vous avez voulu représenter. Elles sont toutes ces femmes un peu bafouées finalement.

Caroline Lunoir :

Oui, en fait, j'ai été fascinée par le matériau littéraire qu'on avait à portée de main. On leur demande tellement d'être archétypales que ce qu'elles vivent est très normé et très conventionnel. Finalement, un scandale d'adultère, quand on y réfléchit sur la 5ème République, il y en a beaucoup qui ont eu à le vivre, des scandales politico-financiers qui toucheraient leur mari, elles ont presque toutes connu ça aussi. Ce que je fais vivre à mon personnage n'est pas exceptionnel au regard de nos dernières années d'histoire.

Philippe Chauveau :

Ce qui est incroyable c'est que vous l'auriez écrit il y a quinze ans, on se serait dit que cela ne pourrait jamais arriver chez nous, et en fait tout ce que vous utilisez comme matériau ce sont des choses qui se sont réellement produites.

Caroline Lunoir :

Je pense qu’il y avait moins d'engagements médiatiques, il y avait un front médiatique un peu un peu moins intimiste sur la vie personnelle.

Philippe Chauveau :

L'époque a sans doute changé, le regard que l'on porte sur nos politiques aussi. Au-delà du personnage de Marie il y a également la peinture du monde politique. Et puis, il y a cette ambiance familiale que vous aviez déjà abordée dans votre premier roman « La faute de goût ». C’est une famille bon chic bon genre sans, que ce soit péjoratif, une famille de la bonne bourgeoisie où tout le monde s'entend bien où il y a une vraie osmose. Et puis, au fil du temps, il y a des fêlures, des craquelures qui apparaissent entre les différents protagonistes. Vous aimez travailler l'intime. Vous aimez travailler la personnalité de vos personnages et montrer que rien n'est lisse même dans les plus beaux tableaux ?

Caroline Lunoir :

Exactement. Là, on est dans un décor de la France d'en haut. Mais cet impact de la famille, cette solidarité de clan, je pense qu'on pourrait la retranscrire dans plein d'autres milieux. Ce n'est pas tant le milieu bourgeois que je trouve intéressant à décrire mais cette idée de clan parce que vous pouvez la retrouver ailleurs. Vous participez au projet de vos parents en général...

Philippe Chauveau :

Vous avez fait le choix du journal intime. Vous auriez pu prendre un narrateur qui parlait à la troisième personne mais non, vous avez voulu que ce soit Marie qui nous raconte au jour le jour. Je ne vais pas rentrer dans l'intrigue mais il y a le décompte qui est important, les J+1 ou J-1. Pourquoi le choix du journal intime ?

Caroline Lunoir :

Je voulais la voir se regarder, écrire au début et ensuite lui donner un moment où elle réfléchit sur sa journée, où elle prend du recul.

Philippe Chauveau :

Nous lecteurs, un peu comme un quidam indiscret, nous découvrons ce journal intime qui parfois peut prêter à sourire comme toujours dans l'intime, parce que Marie est très amoureuse de son mari. Elle est très fière de ses enfants, elle veut défendre bec et ongles l'univers qu'elle a construit. Mais c'est aussi le portrait d'une femme humiliée, d'une femme blessée, d'une femme qui souffre. Au-delà de cette histoire, au-delà du monde politique, c'est surtout un beau portrait de femme. Est-ce qu'il y a une part de militantisme dans l'écriture de ce livre par rapport aux personnages que vous avez voulu nous présenter, cette femme qui doit lutter, cette femme qui souffre, qui nous rappelle que la femme n'est peut-être toujours pas l'égale de l'homme, il y a une part de militantisme ?

Caroline Lunoir :

Je vous remercie pour votre question parce que pour moi oui, c'est une démarche féministe. Mais mon personnage ne l'est pas forcément. J'espère créer suffisamment de réflexion pour s'interroger sur ce qui l'empêche, elle, d'être libérée ou pas, je vous laisse le deviner à la fin du roman.

Philippe Chauveau :

Voilà un roman que je vous recommande particulièrement. Ce milieu politique, cette ambiance familiale, un roman qui résonne bien sûr avec des faits d'actualité qui sont encore dans notre de notre mémoire. C’est surtout un très beau portrait de femme porté par une belle écriture. Caroline Lunoir, merci beaucoup.Votre roman s'appelle « Première dame », vous êtes publié chez Actes Sud.

Caroline Lunoir :

Merci.

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  • Elle s’imaginait travaillant dans l’humanitaire et a d’ailleurs participé à des actions à l’étranger pour diverseses ONG. Finalement, en tant qu’avocate pénaliste, elle a monté son propre cabinet avec deux confrères. Mais lorsqu’elle parle de son métier, on comprend ce qui anime Caroline Lunoir : écouter, comprendre, aider, défendre. Par l’écriture aussi, elle manie ses quatre verbes. Un premier roman « Faute de goût », huis-clos familial paru en 2010, l’installe dans le paysage littéraire. Suit « Au...Première dame de Caroline Lunoir - Présentation - Suite
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