Elle s’imaginait travaillant dans l’humanitaire et a d’ailleurs participé à des actions à l’étranger pour diverseses ONG. Finalement, en tant qu’avocate pénaliste, elle a monté son propre cabinet avec deux confrères. Mais lorsqu’elle parle de son métier, on comprend ce qui anime Caroline Lunoir : écouter, comprendre, aider, défendre. Par l’écriture aussi, elle manie ses quatre verbes. Un premier roman « Faute de goût », huis-clos familial paru en 2010, l’installe dans le paysage littéraire. Suit « Au...
Première dame de Caroline Lunoir - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Caroline Lunoir
Caroline Lunoir :
Bonjour
Philippe Chauveau :
Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau titre, votre troisième roman chez Actes Sud, vous publiez « Première dame ». Faisons un petit peu plus connaissance avant de rentrer dans le sujet de ce livre. Dans une dans une autre vie, ou peut-être dans la vraie vie, en tout cas votre vie professionnelle, vous êtes avocate pénaliste. Vous maniez aussi la plume depuis quelques années maintenant. Mais vous avez fait aussi pas mal d'autres...
Première dame de Caroline Lunoir - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Avec ce nouveau titre Caroline Lenoir, votre troisième roman « Première dame » nous allons faire connaissance avec Marie, C'est un roman contemporain. Marie dont l'époux Paul a des velléités. Il veut être élu à la primaire de son parti pour ensuite briguer la présidence de la République. Marie va accepter de le suivre dans ce projet et va décider d'écrire un journal intime pour raconter les deux ans qui précèdent l'élection présidentielle. Pourquoi avoir eu envie de nous parler de cette première...
Première dame de Caroline Lunoir - Livre - Suite
Caroline Lunoir
Première dame
Présentation 02'37"Elle s’imaginait travaillant dans l’humanitaire et a d’ailleurs participé à des actions à l’étranger pour diverseses ONG. Finalement, en tant qu’avocate pénaliste, elle a monté son propre cabinet avec deux confrères. Mais lorsqu’elle parle de son métier, on comprend ce qui anime Caroline Lunoir : écouter, comprendre, aider, défendre. Par l’écriture aussi, elle manie ses quatre verbes. Un premier roman « Faute de goût », huis-clos familial paru en 2010, l’installe dans le paysage littéraire. Suit « Au temps pour moi » sur le mécanisme psychologique de la Résistance pendant la Guerre, roman primé et salué par la critique. Après un ouvrage collaboratif avec trois jeunes autres écrivains, voici le nouveau titre de Caroline Lunoir « Première dame » paru chez Actes Sud. A travers ce vocable très français et qui régulièrement fait polémique, la romancière nous présente Marie dont l’époux, Paul, brigue la présidence de la République. A travers un journal intime courant sur les deux années qui précèdent l’élection, Marie raconte son quotidien, entre enthousiasme et résignation, admiration et dégoût. Dans ce milieu bourgeois, au sein de cette famille traditionnelle où seul prévaut le sourire en toutes circonstances, comment Marie va-t-elle affronter cette campagne qui s’annonce brutale ? Tableau de famille, peinture du milieu politique, Caroline Lunoir s’est ouvertement inspirée de faits ayant récemment défrayé la chronique à la fois politique et judiciaire en flirtant avec les pages people des magazines. Au-delà du contexte choisi par l’auteur pour bâtir son intigue, ce roman est surtout un formidable portrait de femme. Une femme humiliée, bafouée, mais aussi amoureuse, battante, prête à tout pour défendre sa famille, une femme qui cherche à se construire, à exister, entre ses aspirations et ses révoltes, le rôle qu’on veut lui faire jouer, le personnage qu’elle est réellement, une femme entourée et terriblement seule.
Bien construit, avec une plume efficace qui aura encore beaucoup de choses à nous dire, voilà un roman à la fois féroce et pathétique, une farce contemporaine sur la soif de pouvoir, les mirages de la politique, les illusions de la famille et la fragilité des sentiments. Un livre qui nous fait prendre également du recul sur nos jugements à l’emporte-pièce et résonne fortement avec l’actualité de notre société en pleine ébullition.
« Première dame » de Caroline Lunoir est publié chez Actes Sud.
Caroline Lunoir
Première dame
Portrait 05'48"Philippe Chauveau :
Bonjour Caroline Lunoir
Caroline Lunoir :
Bonjour
Philippe Chauveau :
Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau titre, votre troisième roman chez Actes Sud, vous publiez « Première dame ». Faisons un petit peu plus connaissance avant de rentrer dans le sujet de ce livre. Dans une dans une autre vie, ou peut-être dans la vraie vie, en tout cas votre vie professionnelle, vous êtes avocate pénaliste. Vous maniez aussi la plume depuis quelques années maintenant. Mais vous avez fait aussi pas mal d'autres choses avant. Vous avez voyagé, vous avez participé à d'autres aventures. Quel a été votre parcours pour arriver jusqu'à nous aujourd'hui ?
Caroline Lunoir :
C'est un long parcours !... Avant d'être avocate j'ai travaillé dans l'humanitaire, pour des ONG. Je suis devenue avocate plus tard, pas tout de suite après mes études de droit. Mon premier roman, je l'ai écrit au moment où je rentrais dans la profession. J'étais aux Etats-Unis, à Boston exactement. C'était juste avant de rentrer dans la profession. Je m'installais aux Etats-Unis et le temps de trouver un travail, je me suis dit que plutôt que de passer ma journée à envoyer des CV, ce qui est plutôt déprimant, j’allais me lancer dans un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps, écrire. C'est comme ça que j'ai écrit « La faute de goût » en quelques mois, et ensuite je l'ai retravaillé.
Philippe Chauveau :
Depuis, vous conjuguez votre métier d'avocat pénaliste et l'écriture. Vous évoquez une envie qui vous titillait depuis longtemps. Justement pourquoi cette envie de l'écriture ? Pourquoi était-elle en vous ? Avez-vous des influences ?
Caroline Lunoir :
C'est toujours un mystère. En fait, je pense que j'écris depuis que je sais écrire. Je crois que j'ai été séduite par la magie des mots tout de suite, nommer les choses, essayer de retenir le temps qui passe en le fixant sur une page de papier. Pouvoir réfléchir à la psychologie de personnes que vous rencontrez en dressant leurs portraits. Retenir le temps qui passe peut-être, c'était ça au début et ensuite raconter des histoires. Je vis avec énormément de personnages autour de moi, à l'intérieur de moi, et j’aime les voir vivre, évoluer, leur créer un passé.
Philippe Chauveau :
Ce sont ces personnages qui de temps en temps viennent taper à la porte en disant « raconte notre histoire » ?
Caroline Lunoir :
Oui ! Parfois, je tombe sur un sujet grâce à un article ou une anecdote qu'on me raconte et l'histoire ne me quitte plus. Elle devient un récit intérieur que je partage ensuite sur le papier.
Philippe Chauveau :
Il y a eu « La faute de goût ». C'était un huis clos assez oppressant, une histoire de famille. Ensuite, vous êtes venue à un roman dans un contexte historique, la Seconde Guerre mondiale et la Résistance, roman pour lequel vous avez été primée. Et puis aujourd'hui « Première dame », roman contemporain où vous nous raconter cette femme dont le mari a des velléités d'être élu président de la République. Y a t il un fil rouge dans votre dans votre écriture ? Vous parlez de personnages qui s'imposent à vous. En quoi ont-ils des points communs ?
Caroline Lunoir :
Je ne sais pas si je suis juste dans mon analyse. Mais le fil rouge serait la place de l'individu face au groupe. Comment il s'impose face à un carcan social dans lequel il évolue, comment il affirme sa personnalité et ses choix face à ses proches, que ce soit dans une sphère familiale, une sphère politique ou, comme dans mon second roman, face à un groupe d'hommes qui était un groupe de résistants constitué un peu au hasard d'une cause commune mais qui n'avaient pas d'affinités particulières. Comment le singulier peut répondre à la pression d'une communauté ou d'un groupe. C'est cela qui me fascine.
Philippe Chauveau :
Eu égard à ce que vous nous dites, vous avez travaillé pour des ONG, vous êtes aujourd'hui avocate pénaliste. Vous écrivez des romans. Quel est le lien entre ces trois activités. Quel a été le cheminement. Y a t-il des passerelles finalement ?
Caroline Lunoir :
On les reconstruit toujours après coup, je ne sais pas si il y a vraiment des passerelles, mais je pense que l'idée de porter une voix, expliquer un comportement, surtout quand il est négatif, essayer de le comprendre, je crois que c'est ça qui m'intéresse profondément.
Philippe Chauveau :
Avocate pénaliste, cela veut dire qu'on vous raconte des histoires, vous vous imprégnez de certaines histoires de personnes que vous devez ensuite essayer de comprendre et défendre. Par rapport à la romancière que vous êtes, est-ce parfois difficile de mettre un rideau entre vos deux activités ou, au contraire, les deux activités se nourrissent-elles l'une l'autre ?
Caroline Lunoir :
Je pense qu'elles se nourrissent. Bien sûr, vous n'avez pas le droit de raconter les histoires qu'on vous confie. C'est très intrusif d'être avocat pénaliste, ou d'être avocat en général, parce que les gens viennent vous confier un morceau de leur histoire, qui est souvent un morceau un peu douloureux, sauf quand vous êtes là pour des beaux projets, pour des contrats qui sont un peu plus festifs. Mais quand vous faites du contentieux, vous intervenez dans la vie de quelqu'un à un moment où il y a un litige, où il est dans l'angoisse souvent. Dès lors, vous avez accès à une intimité et aussi à certaines failles de la personne qu'elle ne montre pas à tout le monde. On ne peut pas raconter les histoires dont on est témoin. En revanche, vous avez les yeux ouverts sur les relations sociales, les chocs qu'il peut y avoir entre les personnes.
Philippe Chauveau :
Par exemple, le fait de prendre la plume après une journée de travail, est-ce aussi pour vous une sorte de respiration ?
Caroline Lunoir :
C'est une échappatoire bien sûr. C'est un plaisir aussi.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, Caroline Lunoir, votre troisième titre « Première dame », publié chez Actes Sud.
Caroline Lunoir
Première dame
Livre 05'53"Philippe Chauveau :
Avec ce nouveau titre Caroline Lenoir, votre troisième roman « Première dame » nous allons faire connaissance avec Marie, C'est un roman contemporain. Marie dont l'époux Paul a des velléités. Il veut être élu à la primaire de son parti pour ensuite briguer la présidence de la République. Marie va accepter de le suivre dans ce projet et va décider d'écrire un journal intime pour raconter les deux ans qui précèdent l'élection présidentielle. Pourquoi avoir eu envie de nous parler de cette première dame fictive ?
Caroline Lunoir :
C'est un roman qui s'est imposé à moi très brutalement. J'écrivais un roman policier que j'ai interrompu pour commencer celui-là. J'en ai eu l'idée pendant la dernière campagne présidentielle, en 2017. Un matin où je me réveillais en écoutant la radio, il y avait une retransmission de la confrontation télévisée entre François Fillon et Christine Angot, dans laquelle François Fillon avait des mots montrant clairement sa colère. Il expliquait que les journalistes créaient vraiment une violence dans sa famille, en particulier pour sa femme Pénélope qui craignait tous les jours en conséquence qu'il mette fin à sa vie. Je pensais que prendre la voix de la femme d'un candidat, cela permettait une entrée dans l'intime assez intéressante et voir notamment l'autre côté de la construction d'une campagne et d'une stratégie de communication.
Philippe Chauveau :
Avec ce sujet et ce titre « Première dame », vous abordez avec la plume romanesque un sujet qui finalement revient régulièrement en boomerang à chaque campagne présidentielle, un sujet qui est en France un peu tabou. La première dame a-t-elle vraiment un statut, doit-on vraiment lui donner un titre, a-t-elle un vrai rôle, doit-elle avoir un cabinet avec le financement qui va derrière ?... Ce sont des questions qui reviennent régulièrement sans qu'on ne trouve jamais vraiment de solution. Vous êtes inspirée de toutes ces premières dames ou potentielles premières dames qui ont évolué en France depuis une dizaine ou une quinzaine d'années. Forcément, il y a des personnages qui vont revenir dans notre esprit. Ce sont plutôt des archétypes que vous avez voulu représenter. Elles sont toutes ces femmes un peu bafouées finalement.
Caroline Lunoir :
Oui, en fait, j'ai été fascinée par le matériau littéraire qu'on avait à portée de main. On leur demande tellement d'être archétypales que ce qu'elles vivent est très normé et très conventionnel. Finalement, un scandale d'adultère, quand on y réfléchit sur la 5ème République, il y en a beaucoup qui ont eu à le vivre, des scandales politico-financiers qui toucheraient leur mari, elles ont presque toutes connu ça aussi. Ce que je fais vivre à mon personnage n'est pas exceptionnel au regard de nos dernières années d'histoire.
Philippe Chauveau :
Ce qui est incroyable c'est que vous l'auriez écrit il y a quinze ans, on se serait dit que cela ne pourrait jamais arriver chez nous, et en fait tout ce que vous utilisez comme matériau ce sont des choses qui se sont réellement produites.
Caroline Lunoir :
Je pense qu’il y avait moins d'engagements médiatiques, il y avait un front médiatique un peu un peu moins intimiste sur la vie personnelle.
Philippe Chauveau :
L'époque a sans doute changé, le regard que l'on porte sur nos politiques aussi. Au-delà du personnage de Marie il y a également la peinture du monde politique. Et puis, il y a cette ambiance familiale que vous aviez déjà abordée dans votre premier roman « La faute de goût ». C’est une famille bon chic bon genre sans, que ce soit péjoratif, une famille de la bonne bourgeoisie où tout le monde s'entend bien où il y a une vraie osmose. Et puis, au fil du temps, il y a des fêlures, des craquelures qui apparaissent entre les différents protagonistes. Vous aimez travailler l'intime. Vous aimez travailler la personnalité de vos personnages et montrer que rien n'est lisse même dans les plus beaux tableaux ?
Caroline Lunoir :
Exactement. Là, on est dans un décor de la France d'en haut. Mais cet impact de la famille, cette solidarité de clan, je pense qu'on pourrait la retranscrire dans plein d'autres milieux. Ce n'est pas tant le milieu bourgeois que je trouve intéressant à décrire mais cette idée de clan parce que vous pouvez la retrouver ailleurs. Vous participez au projet de vos parents en général...
Philippe Chauveau :
Vous avez fait le choix du journal intime. Vous auriez pu prendre un narrateur qui parlait à la troisième personne mais non, vous avez voulu que ce soit Marie qui nous raconte au jour le jour. Je ne vais pas rentrer dans l'intrigue mais il y a le décompte qui est important, les J+1 ou J-1. Pourquoi le choix du journal intime ?
Caroline Lunoir :
Je voulais la voir se regarder, écrire au début et ensuite lui donner un moment où elle réfléchit sur sa journée, où elle prend du recul.
Philippe Chauveau :
Nous lecteurs, un peu comme un quidam indiscret, nous découvrons ce journal intime qui parfois peut prêter à sourire comme toujours dans l'intime, parce que Marie est très amoureuse de son mari. Elle est très fière de ses enfants, elle veut défendre bec et ongles l'univers qu'elle a construit. Mais c'est aussi le portrait d'une femme humiliée, d'une femme blessée, d'une femme qui souffre. Au-delà de cette histoire, au-delà du monde politique, c'est surtout un beau portrait de femme. Est-ce qu'il y a une part de militantisme dans l'écriture de ce livre par rapport aux personnages que vous avez voulu nous présenter, cette femme qui doit lutter, cette femme qui souffre, qui nous rappelle que la femme n'est peut-être toujours pas l'égale de l'homme, il y a une part de militantisme ?
Caroline Lunoir :
Je vous remercie pour votre question parce que pour moi oui, c'est une démarche féministe. Mais mon personnage ne l'est pas forcément. J'espère créer suffisamment de réflexion pour s'interroger sur ce qui l'empêche, elle, d'être libérée ou pas, je vous laisse le deviner à la fin du roman.
Philippe Chauveau :
Voilà un roman que je vous recommande particulièrement. Ce milieu politique, cette ambiance familiale, un roman qui résonne bien sûr avec des faits d'actualité qui sont encore dans notre de notre mémoire. C’est surtout un très beau portrait de femme porté par une belle écriture. Caroline Lunoir, merci beaucoup.Votre roman s'appelle « Première dame », vous êtes publié chez Actes Sud.
Caroline Lunoir :
Merci.