Olivier Merle

Olivier Merle

Libre d'aimer

Livre 06'37"

Philippe Chauveau

Voilà un joli livre, joli en tant qu'objet, parce que vous avez fait le choix d'une belle couverture avec cette photo en noir et blanc, et puis joli aussi par le message que vous avez voulu faire passer dans cette histoire. « Libre d'aimer », Olivier Merle, nous sommes en juillet 1942. Nous faisons connaissance avec la jeune Esther qui vit à Paris, dont les parents vont être raflés puisque c'est le terme que l'on utilise. Elle va réussir à en réchapper. Elle se sent un peu désemparée. Et puis elle va faire connaissance avec une jeune femme aussi ,puisqu'elle a dix ans de plus, elle a une trentaine d'années ce qui n'est pas beaucoup. Elle s'appelle Thérèse, et l'amitié va très vite se transformer en amour. Vous allez donc nous parler d'amours féminines, d'amours clandestines pendant l'Occupation. C'est le point de départ de votre roman. Pourquoi avez-vous eu envie de traiter ce sujet sous la plume romanesque ?

Olivier Merle

Alors... de le traiter sous la plume romanesque, je pense que, tout à l'heure, je le disais, c'est parce qu'on retient mieux les choses quand c'est une fiction. Maintenant, pourquoi j'ai voulu traiter ce sujet, ça je ne saurais pas le dire moi-même. C'est venu de façon inattendue, juste après mon précédent roman qui était un roman historique. Je voulais changer, je voulais faire autre chose et je ne savais pas quoi en fait. J'étais un petit peu bloqué. Ce qui ne me peinait pas parce que j'attends que ça vienne. Je ne suis pas quelqu'un qui veut absolument écrire si je n'ai pas d'idée. Et puis j'ai commencé à écrire un roman policier, je me suis dit : « tiens, ça c'est quelque chose que je n'ai jamais fait. » J'aime bien les défis donc j'aime bien. Et puis j'avais donc inventé une intrigue assez complexe, assez gore d'ailleurs. Et puis à un moment donné, j'avais introduit deux femmes qui s'aimaient. Et là je ne sais pas pourquoi, ça m'a arrêté. Je me suis dit : « non, ce que tu es en train de faire Olivier, ça n'est pas bien ». Parfois ça ne va pas bien, ce n'est pas intéressant. Enfin, il y a mieux à faire. C'est une sorte de déclic, qu'on ne comprend pas. Je me suis dit : « j'ai envie de raconter une histoire d'amour entre deux femmes ».

Philippe Chauveau

Ce qui est intéressant, au-delà de l'intrigue et de ces personnages auxquels on va s'attacher, c'est que vous nous rappelez aussi des faits historiques. On sait que dans les années vingt, il y a une sorte de libération des mœurs dans la France comme dans l'ensemble de l'Europe. Et puis à partir des années quarante, le régime de Vichy etc. va à nouveau faire une sorte de carcan. On s'enferme à nouveau, ce qui veut dire que l'homosexualité, et encore plus féminine, a très très peu été utilisée, et encore moins dans les romans et pourtant elle était bien présente. Vous dépeignez ce Paris nocturne, ce Paris de la nuit, vous emmenez vos deux héroïnes dans des cabarets. Comment avez vous trouvé les sources pour vous inspirer ?

Olivier Merle

En fait, je les trouve assez vite sur Internet pour peu qu'on veuille vraiment chercher, et puis autrement, j'ai trouvé des articles ici et là. Mais pour cette partie-là, sur le cabaret de Moune par exemple, il y a de très bons articles sur Internet. On a même des photos de Moune puisque c'est quelqu'un qui a existé et je l'ai décrite exactement comme on la voit dans les photos, à part que sur les photos, ce sont les années cinquante, donc elle est un peu plus âgée. Et toute l'histoire du cabaret est décrite de façon assez précise avec plein de photos. Donc je me suis inspiré de cela en essayant de rendre l'atmosphère vraiment telle que je la ressentais en lisant ce que j'écrivais dessus.

Philippe Chauveau

Vous nous parlez du Paris nocturne, mais il y a aussi le Paris de l'Occupation, la France de l'occupation. Pour remettre dans le contexte, Esther est donc cette jeune fille juive de vingt ans qui se retrouve abandonnée, désespérée du jour au lendemain, puisque ses parents ont disparu et qui fait connaissance tout à fait par hasard, elle l'aperçoit dans la vitrine d'un café, elle fait connaissance avec Thérèse. Thérèse qui assume plus ou moins son homosexualité alors qu'Esther, elle, n'a pas vraiment jusqu'à présent été tentée par l'amour, l'amour féminin. C'est une rencontre qui peut être n'aurait jamais dû avoir lieu.

Olivier Merle

Qui n'aurait jamais dû avoir lieu s'il y avait eu la guerre.

Philippe Chauveau

Elles sont dans deux univers très différents.

Olivier Merle

Absolument, elles viennent de deux milieux sociaux très différents. Elles n'ont aucune raison de se rencontrer. S'il n'y avait pas eu la guerre, elles ne se rencontraient pas.

Philippe Chauveau

Il y a après le passage très intéressant. Vous emmenez vos personnages hors de Paris, ce qui est une surprise aussi pour le lecteur, puisqu'au début, on est vraiment dans le Paris de l'Occupation. Et puis vous emmenez vos deux héroïnes en Bretagne, précisément à Dinard, une région que vous connaissez bien où vous avez vos attaches familiales. Et on découvre que la guerre était violente aussi en province. Et là Thérèse et Esther vont être à nouveau sous l'opprobre de la population et puis vont également assister à des temps forts de l'occupation. Pourquoi avoir eu envie de sortir de Paris pour les emmener en province ? C'était important pour vous de montrer Paris/Province sous l'Occupation ?

Olivier Merle

Il y a deux choses. Il y a le fait qu'il y a la fuite, parce qu'en fait, elles ne peuvent plus vivre à Paris en raison de l'oppression qu'elles subissent de la part en particulier du mari de Thérèse. Et puis les faire aller à Dinard c'était en fait : elle quitte Paris où finalement il n'y a pas la guerre, il y a l'occupation qui fut une période très dure, mais il n'y a pas la guerre. En fait, en allant à Dinard, elles vont rencontrer la guerre parce que là, ce sont les alliés qui vont les bombarder. C'est la Libération. Et c'est cette période de guerre qui est différente, qu'on oublie souvent un peu, parce que quand on parle de la guerre, on parle souvent de la défaite de 40 puis après l'occupation. On oublie aussi que, en particulier en Bretagne, au moment de la Libération, on a connu des périodes de bombardements intenses et que des villes entières ont été rasées comme le Havre, comme Brest ou d'autres. J'ai j'ai voulu montrer aussi que cette période avait été difficile pour les habitants.

Philippe Chauveau

Il y a une tension qui est palpable pendant tout tout le roman, mais qui varie en fonction des situations. Au début, c'est une tension très psychologique puisque Esther se retrouve seule, que Thérèse vit sous le joug de son mari, son mari qui fait des affaires avec les autorités allemandes. Et puis après, il y a la tension avec la guerre, avec les bombardements. Comment avez vous construit votre roman ? Est-ce que vos personnages parfois vous emmenaient dans des directions que vous ne pensiez pas prendre initialement ?

Olivier Merle

C'est toujours le cas quand on écrit un roman ,on a une idée de départ. Ensuite, au fur et à mesure qu'on écrit, on change son idée de départ parce que je pense qu'on est pris par la psychologie des personnages, par le contexte historique qui vous oblige à faire des choix. Donc il y a des choses... Je ne dirais pas qu'elles me sont imposées. Ce serait un peu absurde de dire que l'écriture impose quelque chose à l'auteur. Mais s'il veut être cohérent dans sa logique psychologique et du contexte historique, il est souvent obligé d'aller dans des directions qu'il ne soupçonnait pas au départ.

Philippe Chauveau

Roman d'amour, roman historique. En tout cas, une belle réussite. Olivier Merle, c'est votre actualité : « Libre d'aimer ». Vous êtes publié aux éditions XO. Merci.

Olivier Merle

Merci.

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