Théodore Bourdeau

Théodore Bourdeau

Les petits garçons

Livre 06'59"

Philippe Chauveau :

Avec ce premier livre, ce premier roman, Théodore Bourdeau, nous allons faire connaissance avec un narrateur dont on ne saura pas le prénom. Grégoire est son copain d'enfance. Nous allons suivre ces deux gamins qui vont grandir et qui vont rentrer dans l'âge adulte avec toutes ses chimères, toutes ses difficultés et toutes ses douleurs. Mais le livre commence par cette phrase : « Je suis né heureux ». Qui sont-ils ces deux gamins ? Qui est-il ce narrateur ?

Théodore Bourdeau :

Ces deux personnages sont très contemporains. Le narrateur est une espèce de cœur tendre un peu ballotté par la vie, qui se laisse un peu glisser, qui vit dans l'observation de l'immense réussite de son meilleur ami Grégoire qui, lui, est très différent. Tout lui réussit, très vite ; il est très déterminé, assez peu animé du doute. Mon envie était de raconter ce qu'il peut y avoir de magique dans l'amitié entre ces deux personnages que tout oppose. Ce qu'il y a de magique dans les amitiés d'enfance.

Philippe Chauveau :

Ce qui est passionnant, c'est que ces deux gamins vont vraiment se rencontrer au tout début de leur vie, à la prime enfance, et puis vont se suivre malgré les aléas de la vie. Vous le dites, ils sont de deux milieux sociaux très différents, ils ont des parents très différents, ils sont eux-mêmes très différents. Juste un mot sur le narrateur. Il est bien précisé que c'est un roman et pourtant, le narrateur vous ressemble un peu… Il a fait des études de journalisme, comme vous, il ne sait pas trop quoi faire de sa vie, ce qui fut votre cas. Vous nous avez expliqué tout à l'heure que vous vous êtes cherché pendant un moment. On s'arrête là ? Est ce qu'on est quand même un peu dans l'autofiction ?

Théodore Bourdeau :

Pour m'en sortir dans ces cas-là, j'aime bien citer une phrase de Jean d'Ormesson que je trouvais assez brillante et malicieuse qui dit : « Dans ce roman, j'ai raconté ma vie à ceci près que j'ai tout inventé »… Il y a beaucoup de cela dans mon roman. Je pense que c'est souvent le cas des premiers romans. On a besoin de s'engager soi-même et sa propre vie et de la mettre dans le livre.

Philippe Chauveau :

Avec cette histoire, nombre de lecteurs pourront bien sûr aussi s'identifier par rapport à leur parcours. Vous avez cité Jean d'Ormesson. Vous mettez aussi en exergue de votre roman cette phrase de Michel Houellebecq : « J'estime la chasteté, la sainteté, l'innocence. Je crois au don des larmes et à la prière du cœur ». Pourquoi ce choix ?

Théodore Bourdeau :

Parce que, pour moi, Houellebecq est une influence colossale et monolithique. Il est l'auteur qui m'intéresse le plus dans le paysage littéraire contemporain. C'est presque le meilleur journaliste de son époque ! Donc, me placer sous son patronage, très humblement, c'était un bon point de départ pour moi.

Philippe Chauveau :

Vous allez nous raconter l'histoire de ces deux gamins qui grandissent, le narrateur et Grégoire. Il y a des moments très tendres, très drôles, d'autres plus douloureux parce que l'adolescence, l'entrée dans la vie adulte, c'est parfois aussi douloureux. Et puis, la douleur va surgir également lorsque ces deux gamins qui grandissent vont être confrontés à la rudesse du monde, à la violence du monde. Au fil des pages, il y a plusieurs scènes cruelles qui vont apparaître avec des moments forts que nous avons tous en mémoire, notamment liés au terrorisme qui fait son apparition. Vous nous faites comprendre que les jeunes d'aujourd'hui, ceux qui entrent dans la vie adulte aujourd'hui, sont confrontés à cela, c'est à dire que le terrorisme vient régulièrement foudroyer leur innocence.

Pourquoi avoir eu envie de mettre en parallèle ces deux univers. L'innocence de la jeunesse et la dureté du monde ?

Théodore Bourdeau :

Le point de départ, c'était l'enfance. Moi, je suis un jeune père, j'ai une petite fille que je voyais grandir au moment où j'ai commencé à écrire ce roman. Souvent, j’observais ce petit être parfait de pureté en la comparant à moi adulte corrompu par le monde. Je me demandais ce qui lui resterait de son cœur d'enfant, son cœur de petite fille qu'elle a aujourd'hui quand elle deviendra une adulte, une grande fille, quand elle sera, elle aussi, corrompue par le monde qui l'entoure. Battu par les épreuves, peut-on garder notre cœur d'enfant ?

Quand on devient des grands garçons, des adultes, comment grandit-on ? Comment se façonne-t-on, en tant qu'être humain, quand on est accompagné de cette litanie d'événements violents qui reviennent régulièrement, qui nous fatiguent, qui nous épuisent et créent en nous des blessures ?

Philippe Chauveau :

Vous faites le choix de nous raconter l'histoire de ces deux gamins qui grandissent. Il y a des choses très précises, des détails, qui nous expliquent qui ils sont. Et revanche, lorsque vous nous parlez de lieux géographiques, vous parlez de la grande ville sans la nommer. Vous parlez de certains évènements comme ces fameux attentats mais vous ne rappelez ni les dates, ni les circonstances ni de quels attentats il s'agit, même si pour nous, lecteurs, forcément, la mémoire joue son rôle. Pourquoi ce choix de laisser dans l'ombre même le groupe de rock dont le narrateur est fan ?

Thédore Bourdeau :

Je voulais vraiment à tout prix mettre en avant le ressenti de mes personnages face aux événements et je ne voulais pas les écraser derrière les labels de l'actualité. Par exemple, si je dis : « 11 septembre » ? Immédiatement, je fais appel à votre souvenir du 11 septembre 2001, à votre propre expérience des choses. Après, il y avait un exercice personnel pour moi, dans le roman. Il y avait le plaisir d'arrêter de me soustraire, le plaisir de se soustraire à l'injonction faite aux journalistes de toujours nommer précisément les choses de dire, la vérité rien que la vérité.

Philippe Chauveau :

Pour ma part, j'ai été frappé, en rappelant c'est un premier roman, par la qualité de votre écriture. Si vous deviez définir le style dans lequel vous avez choisi décrire ce premier roman et notamment le fait d'écrire à la première personne. Comment avez-vous travaillé votre écriture ?

Thédore Bourdeau :

Ma volonté, c'était la fluidité, la clarté et la simplicité du style. Aussi parce que c'est l'histoire d'abord d'une fausse simplicité parce qu'on sent qu'il y a quand même un travail stylistique. J'espère qu'on fait de la simplicité aussi parce que c'est l'histoire de deux petits garçons et qu'on raconte d'abord leur enfance, que le narrateur raconte donc par définition son enfance. Il fallait que ce soit fluide, clair, pour accompagner leur vie qui malgré les difficultés reste une vie fluide.

Philippe Chauveau :

Voilà un premier roman très réussi que je vous recommande vivement. Félicitations Théodore Bourdeau. Continuez ! Et on attend avec impatience la suite pour voir votre plume évoluer. « Les petits garçons » publié chez Stock, dans cette nouvelle collection Arpège. Merci beaucoup.

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  • Voilà un premier roman prometteur présenté dans la nouvelle collection Arpège des éditions Stock. On le doit à Théodore Bourdeau. Journaliste. Théodore Bourdeau a arpenté les couloirs de la rédaction de Canal Plus avant de suivre Yann Barthès sur TMC et devenir producteur de l’émission Quotidien. Mais l’envie de l’écriture et le goût des mots étaient là depuis bien longtemps, le journalisme en étant la première marche. Reconnaissant une sorte d’urgence et voyant dans la littérature une espèce de Graal,...Les petits garçons de Théodore Bourdeau - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau : Bonjour Théodore Boudeau. Vous êtes dans l'actualité avec ce livre qui s'appelle « Les petits garçons » dans la nouvelle collection Arpège des éditions Stock dirigée par Caroline Laurent qui est votre éditrice. On va parler, bien sûr, de ce premier roman mais aussi faire connaissance parce que votre nom est connu aussi dans le milieu journalistique, dans le milieu de la télévision. Vous travaillez aux côtés de Yann Barthès notamment. Le journalisme, vous êtes tombé dedans quand vous étiez...Les petits garçons de Théodore Bourdeau - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau : Avec ce premier livre, ce premier roman, Théodore Bourdeau, nous allons faire connaissance avec un narrateur dont on ne saura pas le prénom. Grégoire est son copain d'enfance. Nous allons suivre ces deux gamins qui vont grandir et qui vont rentrer dans l'âge adulte avec toutes ses chimères, toutes ses difficultés et toutes ses douleurs. Mais le livre commence par cette phrase : « Je suis né heureux ». Qui sont-ils ces deux gamins ? Qui est-il ce narrateur ?   Théodore Bourdeau : Ces deux personnages...Les petits garçons de Théodore Bourdeau - Livre - Suite