Renaud Santa Maria

Renaud Santa Maria

Le malheur sera ta chance

Livre 6'40

Philippe Chauveau

Il y avait eu précédemment, Renaud Sant Maria, un recueil de poésies, La mort est une nuit sans lune. Ca c'était votre premier roman qui était paru en 2011. La mort est une nuit sans lune, on faisait déjà connaissance avec un personnage, Augustin. Il avait entre 30 et 40 ans, il racontait un peu ses désillusions face à l'amour. Le malheur sera ta chance, on retrouve un personnage qui s'appelle Augustin, et j'imagine qu'il y a quelques parallèle entre ces deux personnages de roman. Mais Augustin est-il vraiment un personnage de fiction ? Je crois qu'il y a beaucoup de vous-même dans l'histoire que vous nous racontez dans Le malheur sera ta chance.

Renaud Santa Maria

Oui, évidemment. Comme je le disais précédemment, c'est difficile de parler du voisin. Et puis surtout, quand on a peut-être été confronté à des choses qui nous ont particulièrement marqué. Et sur des thématiques qui sont universelles, et que l'on a envie, dans notre singularité, d'exploiter. Moi par exemple, le lien entre Une nuit sans lune et Le malheur sera ta chance, c'est évidemment le rapport à l'abandon. C'est aussi cette belle liberté de l'auteur de pouvoir exorciser en l'esthétisant les torpeurs qu'il a pu subir.

Philippe Chauveau

Je me permets de planter rapidement le décor. Augustin a donc une quarantaine d'années. Il a perdu sa mère, Palma. Ca fait déjà près d'un an que ce deuil a eu lieu, mais il n'arrive pas à remonter à la surface. Il est très entouré, il a beaucoup d'amis. Il y a Mathilde qui est son ancienne petite amie, mais ils sont restés très proches. Il y a Pierre qui est ce curé qui a quitté la prêtrise. Il y a une vraie relation père-fils entre eux deux. Bref, Augustin est très entouré, mais il a vraiment du mal, on comprendra qu'il y a eu un amour fusionnel entre cette mère et son fils. C'est une relation mère-fils qui n'est pas habituelle j'ai envie de dire. Parce qu'à 40 ans, perdre sa mère, c'est quelque chose qui peut arriver à tout un chacun.

Renaud Santa Maria

Oui, très clairement. Il paraît logique que l'on soit, à un moment donné, dans l'acceptation que les parents partent avant les enfants. Et puis d'un autre côté, on est en droit de s'interroger, de savoir pourquoi, à 40 ans, un fils peut être autant en fusion avec sa mère. Alors, pour ma part, indépendamment du fait que dans ma real life, ma mère était une héroïne absolue, qui a été un modèle pour moi, c'est vrai que dans le roman, il y a toujours un petit peu ce clin d'oeil pour moi au romantisme du 21ème siècle, l'idéalisation. Au travers de la figure de la mère dans Le malheur sera ta chance, il y a une héroïne contemporaine. Et cette héroïne contemporaine, elle lutte contre quoi, contre ce cancer. Alors évidemment, quand le fils tient la main à la mère, jusqu'à son dernier souffle, et qu'il voit à quel point, elle aura lutté d'une manière admirable, sans jamais gémir, en rassurant son propre fils, qui était en parfaite santé, en lui disant, ne te fais pas de soucis, je vais juste passer de l'ombre à la lumière, moi, je vais être là haut, animée par cette foi qui a fait d'elle une personne d'exception, parce que rien n'était inquiétant dans sa vie, à cette femme. Alors évidemment, le rapport mère-fils est un peu biaisé de la normalité. Mais là où la boucle est bouclée, la mère est victime de quelque chose de pas très classique. Mourrir aussi rapidement pour une femme, c'est forcément un rapport à l'injustice. Ce rapport à l'injustice, ça a été sa maladie, qui a recollé le rapport mère-fils sur quelque chose de tragique, qui amène à la disparition. Elle lui a dit, presque pour le soulager, presque pour qu'il ne s'inquiète pas...

Philippe Chauveau

Lorsque je serai partie, je te ferai un signe.

Renaud Santa Maria

Exactement.

Philippe Chauveau

Et depuis un an, il attend un signe.

Renaud Santa Maria

Et depuis un an, il attend ce signe.

Philippe Chauveau

Ou peut-être y a-t-il eu déjà un signe qu'il n'a pas vu.

Renaud Santa Maria

Peut-être... Maintenant, n'oublions pas que la trame du Malheur sera ta chance, c'est la reconstruction. Il attend des signes. Est-ce que ces signes, vont avoir lieu ?

Philippe Chauveau

Alors bien sûr, il y a cette histoire entre cette mère et son fils, mais il y a beaucoup d'autres choses dans le roman. Il y a aussi, vous le disiez, l'art qui est présent, la poésie, la musique, la place de la religion.

Renaud Santa Maria

Oui, c'est vrai, c'est très juste.

Philippe Chauveau

Ce n'est pas très au goût du jour dans le milieu littéraire.

Renaud Santa Maria

Non, c'est totalement casse-gueule aujourd'hui de faire ça. On n'est pas dans l'air du temps. Cela dit, ça n'a jamais été une vraie grande préoccupation pour moi d'être dans l'air du temps. La foi aujourd'hui, mais bon dieu ! Pardonnez-moi, c'est le cas de le dire, mais elle a son importance.

Philippe Chauveau

On l'a dit en préambule, vous êtes très proche de votre héros Augustin. Ce livre raconte donc l'histoire d'une année de deuil, depuis la disparition du personnage de la mère. Le temps a passé depuis. Ce livre vous a-t-il apaisé ? A-t-il été douloureux à écrire ? Etait-ce finalement une façon de mettre un point final, de boucler la boucle en quelque sorte ?

Renaud Santa Maria

Ce livre, plus que les autres, je l'ai considéré comme un devoir, une obligation. Sans sa réalisation, je ne me sentais pas la possibilité de pouvoir évoluer, continuer... C'est une empreinte aussi dans le temps. Il ne faut pas oublier que beaucoup d'écrivains écrivent parce qu'ils n'ont pas beaucoup de mémoire, en tous cas, c'est aussi mon cas, et qu'au moins, de laisser cette trace dans le temps, nous permet de nous dire, « tiens, cette époque là, c'était aussi ça, un certain pan de ma vie ».

Philippe Chauveau

Lorsqu'un fils perd sa mère, il n'est plus un enfant, mais un homme qui vient d'éclore. C'est une jolie phrase que l'on retrouve dans votre livre, Renaud Sant Maria. Le malheur sera ta chance, c'est un titre qui prend tout son sens au fil des pages. Voilà un auteur que je vous invite vivement à découvrir. Vous êtes publié chez Belfond. Merci beaucoup.

Renaud Santa Maria

Merci infiniment à vous. Merci beaucoup.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Renaud Santa Maria est né au Sénégal en 1972. Très jeune, il revient en France, à Reims avec sa mère, d'origine italienne. Ce mélange des cultures se retrouve dans son parcours personnel et professionnel. Après des études d'histoire de l'art, de philosophie et de théologie, c'est finalement vers le journalisme que s'oriente Renaud Santa Maria. En 2001, il rencontre Thierry Ardisson qui lui ouvre les portes de la télévision. Au fil des années, devant ou derrière la caméra, il collabore à plusieurs émissions, il a notamment...Du 28 au 29 Mai 2016 de Renaud Santa Maria - Présentation - Suite
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