Stéphanie Pérez

Stéphanie Pérez

Le gardien de Téhéran

Livre 00'08'38"

Philippe Chauveau
C'est votre premier livre, Stéphanie Perez. Effectivement, dans votre activité de journaliste, jusqu'à présent, vous n'aviez pas pris la plume, que ce soit pour un roman ou pour un essai ou un récit. Premier livre donc, aux éditions Plon. Et cette couverture qui est parlante Le gardien de Téhéran. Vous nous emmenez en Iran, un pays que vous connaissez bien puisque vous y avez souvent été en reportage, mais vous nous emmenez il y a 45 ans.
Nous sommes en 1977. C'est la grandeur du royaume des Pahlavi. Le Shah règne en maître tout puissant avec son épouse la Shabanie. Une ouverture vers l'Occident, des constructions partout, des stations balnéaires qui poussent sur les rives des mers iraniennes. Un musée d'art contemporain qui va voir le jour, les fêtes de Persépolis. Mais on sent bien que derrière tout cela, le royaume se fissure.
C'est ce que vous nous racontez. Pourquoi avoir choisi, en tant que journaliste, la plume romanesque pour ce premier livre ?

Stéphanie Perez
En fait, cette histoire, c'est d'abord celle d'une rencontre. Parce que ce livre, il est issu d'un reportage et d'une belle rencontre de reportage, comme on en a pas tout le temps. Et donc j'ai rencontré le gardien de ce musée qui est l'objet du livre. Au départ, je voulais me lancer dans un récit plus classique de journaliste, un document.
Mais assez vite, je me suis heurtée à la difficulté d'enquêter en Iran parce que c'est un pays complexe. C'est une partie de l'histoire de l'Iran qu'il est difficile d'aborder aujourd'hui. Ce n'est pas la vie, on n'aime pas trop en parler, on n'aime pas trop dire qu'on les a côtoyés et du coup, je me suis dit Voilà un roman, ça sera plus plus facile pour moi, ça va me donner plus de liberté et ça va me permettre aussi d'aborder plus de thèmes.
Parce que l'histoire de ce musée épouse celle de l'Iran, l'Iran d'avant la révolution islamique pendant la révolution islamique. Après, ça me permettait de couvrir plus librement une très vaste période.

Philippe Chauveau
Mais ce qui est passionnant, c'est qu'on va suivre ce jeune garçon, Cyrus, qui est embauché un peu par hasard au Musée d'art contemporain de Téhéran, qui doit ouvrir. Nous sommes à l'automne 77 et on a besoin de quelqu'un d'un jeune garçon pour convoyer les œuvres d'art qui arrivent d'un peu partout dans le monde, les convoyer de l'aéroport aux musées.
Ça va tomber sur Cyrus qui va vraiment s'enthousiasmer pour ce métier auquel il ne s'attendait pas et qui va surtout être amené à côtoyer des gens proches du pouvoir jusqu'à la soirée d'inauguration de ce musée, la création d'un musée d'art contemporain à Téhéran. Aujourd'hui, ça nous semble surréaliste parce que, à cette époque là, nous sommes dans les derniers mois du règne des Pahlavi.
Vous dépeignez parfaitement la situation de Téhéran et puis de l'Iran à ce moment là. Et puis on sent qu'on est en train de danser sur un volcan.

Stéphanie Perez
Oui, parce que, à l'époque, le Shah d'Iran a donc lancé une modernisation à marche forcée du pays. L'Iran veut se tourner vers l'Occident, sauf que le pays entier n'est pas complètement prêt. Et puis surtout, il y a un fossé énorme entre les fastes de la cour et puis la réalité quotidienne de nombreux Iraniens. Il y a une population qui n'a pas beaucoup d'argent, une population qui a peur de la police secrète du Shah et de ses pratiques de torture, qui terrorise la population et en fait tout ça.
Tout ça ne peut plus durer. Et effectivement, le musée s'ouvre. On est à la fin de cet âge d'or de la dynastie des Pahlavi.

Philippe Chauveau
Ce qui est intéressant dans le roman, puisque, je le rappelle, c'est un roman et on tourne les pages frénétiquement parce qu'on se dit mais non, il y a un moment où ils vont ouvrir les yeux et non le régime impérial semble ne rien voir et court à sa perte. Le personnage de Cyrus est intéressant parce que je le disais, il arrive dans ce musée un peu par hasard.
Mais lui, il vient de là, de la petite société iranienne et il a autour de lui des gens qui sont contre ce régime, qui n'en peuvent plus. Ce personnage de Cyrus, donc il est inspiré d'un vrai, du vrai gardien du musée que vous avez pu côtoyer. Comment avez vous essayé de le construire ? Et il représente une partie de la société de Téhéran, de l'Iran en tous les cas dans ces années 70 ?

Stéphanie Perez
En tous les cas, il est au milieu. Il est un peu coincé quelque part entre chaque camp, entre cette famille impériale qu'il côtoie. Parce que le travail dans le musée, directement au contact du cousin de l'impératrice qui est directeur du musée, on voit l'impératrice qui vient visiter, qui vient voir les œuvres. Donc il est à leur contact et en même temps lui, son quotidien.
C'est tout autour de lui des gens qui souffrent de ce régime. Et lui, quelque part, il est prisonnier au milieu parce qu'il se dit Mais tout n'est pas à jeter dans cette dynastie, dans ce régime. Parce que quelque part, pourquoi lutter contre la modernisation de notre pays alors ?

Philippe Chauveau
C'est vrai que le régime des Pahlavi vit ses dernières heures et les grandes fêtes de Persépolis dont on a beaucoup parlé. Et puis, il y a donc l'inauguration de ce musée d'art contemporain avec un bâtiment futuriste. Quelques unes des œuvres qui avaient été acquises pour ce musée. Vous les expliquez dans le livre.
Mais peut être que vous pouvez vous nous en rappeler quelques unes.

Stéphanie Perez
Alors il faut quand même se dire qu'il y au moins 300 œuvres de maîtres occidentaux qui ont été acquises et qui sont toujours actuellement à Téhéran. Il y a de nombreux Picasso, il y a de nombreux Warhol, moi, l'un de mes derniers reportages en Iran, j'ai eu l'occasion de voir des Warhol, notamment les fameuses canettes de soupe Campbell.
J'ai vu des tableaux qui n'ont jamais été exposés jusqu'alors parce qu'ils étaient enfermés dans les réserves du musée de Téhéran depuis leur acquisition. Il y a un Jackson Pollock qui est la plus belle pièce du musée, qui est estimée aujourd'hui à 250 millions de dollars. La collection entière est estimée à 3 milliards de dollars aujourd'hui, c'est à dire quelque chose d'extraordinaire.
Et du coup, aujourd'hui, ils sont toujours remisés dans la réserve du musée.

Philippe Chauveau
Justement, il y avait une volonté de l'impératrice, c'était de faire se côtoyer des artistes, des Iraniens et puis des artistes occidentaux. Et ce que raconte le roman, c'est que justement, en peu de temps après l'inauguration, c'est la révolution islamique et le départ du Shah, c'est l'arrivée de l'ayatollah Khomeiny. Et que vont devenir ces œuvres d'art Et quel va être le rôle de celui qui va devenir le gardien du musée ?
C'est ce que vous racontez au fil des pages. Vous le disiez, ce jeune Cyrus, qui vient d'un milieu simple, va s'épanouir grâce à l'art. Et c'était bien ça la mission que souhaitait sans doute l'impératrice, c'était grâce à l'art ouvrir les Iraniens à la beauté du monde, peut être, et à l'Occident.

Stéphanie Perez
Oui, il y avait vraiment clairement une volonté d'ouvrir le pays, d'échanger, de provoquer un échange culturel entre l'Occident et et l'Orient. C'était l'objectif de Farah Diba, qu'on surnommait l'impératrice des arts. Elle a fait des études d'architecture à Paris. Elle était très intéressée, très portée sur les questions artistiques, contrairement au Shah qui n'était pas passionné mais qui avait bien compris que ça pouvait être aussi ce qu'on appelle aujourd'hui le soft power.
Donc c'était sa volonté.

Philippe Chauveau
Et votre livre rappelle aussi combien l'art est souvent au cœur des situations conflictuelles, que ce soit les talibans aujourd'hui, que ce soit les œuvres d'art, lorsque les nazis ont occupé la France et qu'il a fallu déplacer les œuvres d'art des grands musées. C'est un peu ce même schéma, forcément. Votre roman fait écho à ce qui se passe aujourd'hui en Iran.
Là, vous nous parlez de l'Iran des années 75 qui ressemble furieusement à l'Occident, avec des femmes qui sont à la mode occidentale. Et puis à un moment, on veut se rebeller contre le Shah. Que font les femmes elles mêmes ? Elles mettent le tchador pour prouver leur hostilité au régime. 45 ans après, les jeunes femmes iraniennes font l'inverse.
Est ce que finalement, on ne retire jamais les leçons d'histoire ?

Stéphanie Perez
En tous les cas, c'est sûr que ce qui se passe actuellement doit être lu à travers le prisme de ce qui s'est passé en 1979. Parce que oui, onze ans, on se dit qu'effectivement, l'Iran est en train de réfléchir, de revenir sur 100 ans, sur son passé et d'essayer de comprendre ce qui a pu se passer, ce qui a pu provoquer ce retour en arrière.

Philippe Chauveau
Voilà un roman qui interpelle, qui fait réfléchir puisqu'il le raconte, le monde tel qu'il est aujourd'hui. Et puis, surtout, vous avez choisi la plume romanesque qui donne une intrigue que l'on suit fébrilement. C'est une vraie réussite. Ça s'appelle le gardien de Téhéran. C'est votre premier livre et donc votre premier roman, Stéphanie Perez. Vous êtes publiée aux éditions Plon. Merci beaucoup, Merci.

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  • Elle a fait de son métier une vocation ou inversement. Stéphanie Pérez est un visage bien connu des téléspectateurs de France Télévision où elle est reporter. Elle sillonne le monde pour raconter l’actualité. L’Iran, la Turquie, la Syrie et aujourd’hui l’Ukraine, elle est là où la planète est en ébullition et ne se lasse pas de cette effervescence.La voici aujourd’hui en librairie avec un livre passionnant, « Le gardien de Téhéran » aux éditions Plon, livre né de ses nombreux reportages sur place. Elle aurait...Le gardien de Téhéran de Stéphanie Pérez - Présentation - Suite
    Philippe ChauveauBonjour Stéphanie Perez, vous êtes dans l'actualité avec ce qui est votre premier livre. C'est aux éditions Plon. Ça s'appelle Le gardien de Téhéran. Vous êtes un visage bien connu des téléspectateurs puisque vous êtes journaliste, journaliste reporter. Vous êtes souvent sur tous les fronts, là où ça bouge, là où le monde est en ébullition.Qu'est ce qui vous a donné envie de transmettre l'information et d'aller à l'autre bout du monde ? Stéphanie PérezJe crois que, fondamentalement, j'ai envie...Le gardien de Téhéran de Stéphanie Pérez - Portrait - Suite
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