Olivier Dorchamps

Olivier Dorchamps

Fuir l'Eden

Livre 00'07'33"

Philippe Chauveau :
Fuir l'Eden, c'est donc votre actualité, votre deuxième roman Olivier Dorchamps avec cette couverture et cet immeuble, ce fameux immeuble Éden. Je rappelle que vous êtes d'origine franco britannique, ce qui veut dire que vous connaissez bien la Grande-Bretagne et notamment la ville de Londres. Vous avez choisi d'y situer l'action de votre nouveau roman. On va croiser Adam. Adam il a 17 ans, il vit justement dans cet immeuble. Adam il a été un peu cabossé par la vie et on va le suivre pendant huit années avec des allers retours temporels. Présentez ce personnage, cet adolescent qui rentre doucement dans la vie adulte avec ses fêlures.


Olivier Dorchamps :
Alors, à l'origine, Adam devait être plus âgé. Et pour le premier roman, j'ai eu la chance d'être sélectionné et primé par trois prix de lycéens régionaux et j'ai rencontré les lycéens, et notamment en Seine-Saint-Denis. Et en écoutant les lycéens, je me suis rendu compte qu'il fallait que mon personnage ait dix sept ans, il fallait que je puisse parler de toutes ces problématiques qui surviennent à l'adolescence. Ou en tout cas les plus importantes. Et notamment quand on grandit dans un milieu très défavorisé. Parce que Adam vient d'une famille ou la violence est perpétuelle. Sa mère est battue par son père, il habite dans un quartier, dans un immeuble où la violence est dans tous les recoins. Sa mère est partie quand il avait huit ans. Elle a abandonné lui et sa petite sœur. Et donc il a cet amour sans bornes pour sa sœur, il est très protecteur aussi, et c'est ce qui va lui permettre par un rayonnement intérieur et une protection de sa sœur, c'est ce qui va lui permettre d'avancer dans la vie.

Philippe Chauveau :
C'est vrai qu'il a été cabossé, mais on sent qu'il a cette envie de s'en sortir. Il a envie d'avancer. Si je plante le décor, nous sommes donc dans une banlieue de Londres où il y a cet immeuble baptisé l'Éden. C'est un bâtiment que l'on dit remarquable. En tout cas, pour les architectes, il est remarquable. Mais la vie à l'intérieur ne l'est pas réellement. Il y a la violence. Il y a les dealers. Il y a toute la cruauté du monde. Et puis il y a donc ce gamin qui grandit avec Lauren. Il y a le père, le géniteur qu'on va appeler "l'autre" pendant tout le roman, qui effectivement battait son épouse et la femme a décidé de partir. Un matin, en tout cas, c'est le point de départ de l'histoire. Et puis il y a d'autres personnages qui gravitent autour et qui sont importants. Vous avez fait toute une galerie de portraits, que ce soit Cosima, que ce soit Ben ou Claire. Pourquoi était-ce important qu'il y ait autant de monde qui gravite autour d'Adam ?

Olivier Dorchamps :
Ça, je crois que je suis très influencé par la littérature anglaise qui aime ce foisonnement de personnages. Mais je refuse consciemment d'avoir des personnages fugaces. Pour moi, un personnage qui rentre dans le roman doit avoir une raison d'être. Sinon, il n'a pas à apparaître. Et chacun de ces personnages va prendre Adam par la main dans un aspect de son adolescence. Et chacun de ces personnages va donc l'aider à grandir et l'aider à s'en sortir.

Philippe Chauveau :
Dans la grisaille du quotidien d'Adam, il y a un jour un rayon de soleil. C'est une jeune fille, qui s'appelle Eva, qu'il va croiser sur un quai de gare de façon un peu inopinée. Mais en tout cas, il n'aura de cesse de la retrouver parce qu'il sent bien qu'Eva est une sorte d'échappatoire pour lui. Pourquoi est-ce important de placer ce personnage féminin qui vient illuminer la vie d'Adam ?

Olivier Dorchamps :
Parce qu'à dix sept ans, on tombe amoureux assez facilement. Et il s'étonne lui-même. Et il ne comprend pas très bien ses sentiments. Parce que pour lui, l'amour, ça n'arrive qu'aux autres. Il n'a pas connu d'amour en grandissant, son père battait sa mère. Il le dit à un moment, il dit "Est-ce qu'aimer c'est être violent ?" Et il est surpris des sentiments qui sont en train de naître pour cette jeune fille. Je pense que c'est quand même un roman d'apprentissage et l'amour est tout de même un des thèmes les plus courants dans le roman d'apprentissage, il faut qu'il y ait cet être aimé qui permet de guider la vie.

Philippe Chauveau :
Vous nous parlez de sujets d'actualité : la misère sociale, la violence dans la famille, les violences faites aux femmes. Vous parlez aussi de l'amitié. Comment on se construit une autre famille. Les thèmes étaient déjà bien définis dans votre tête lorsque vous avez commencé l'histoire d'Adam ? Ou est-ce qu'au fil de l'écriture, il y a certains sujets, certains points qui sont arrivés ?

Olivier Dorchamps :
Je pense que la souffrance génère toujours une forme de beauté, surtout quand on s'en sort, parce que l'espoir est toujours au bout de la souffrance.
Et le roman, j'aurais pu choisir de le traiter en ne parlant que des problématiques de banlieue. Mais je me suis dit, c'est tellement galvaudé, tout le monde l'a déjà fait. Je voulais montrer que cette jeunesse qui souffre, elle a aussi des portes de sortie. Et c'est ça le message, si tant est qu'il y en ait un, du livre, c'est que même dans les situations les plus inextricables, il y a toujours un peu de lumière au bout du tunnel. Je veux que le roman soit rayonnant et solaire.

Philippe Chauveau :
Justement, un mot sur ce personnage de Claire qui est un personnage solaire. C'est le lien intergénérationnel parce que Claire est une vieille dame qui a aussi connu son lot de souffrances. Elle est aveugle et elle demande donc à Adam d'être son lecteur. Et grâce à elle, Adam va découvrir un monde qu'il ne soupçonnait pas jusqu'à présent : celui de la littérature. C'était une sorte d'hommage, là aussi, à ce que le livre peut apporter dans une vie ?

Olivier Dorchamps :
Oui, c'est un peu une tarte à la crème. Mais justement, je voulais que ça lui donne des armes, mais pas non plus dire "Grâce à la lecture, vous vous en sortirez, la littérature a toutes les clés". Non, la littérature n'a pas toutes les clés. La vie, finalement, vous procure les clés et la littérature en est une. Ce personnage me touche beaucoup parce que comme vous avez dit, elle a eu son lot de souffrances. Et plutôt que de dire à Adam "mais vas-y, redresse toi, tu vas t'en sortir, fais un effort". Elle sent bien qu'il est meurtri. Et elle va lui donner une chance en disant "Ecoute, tu dis comme un pied. Mais finalement, tu as beaucoup d'humour. Donc moi, c'est ça dont j'ai besoin". Elle a besoin de la vie d'Adam et il en regorge. Et Adam a besoin du calme de Claire et du fait qu'elle est quand même assez posée et qu'elle va lui montrer qu'une tragédie peut-être un point de départ et pas forcément un point final.

Philippe Chauveau :
On arrive à la dernière page avec beaucoup de tristesse parce qu'on est obligé de quitter ces personnages auxquels on s'est énormément attaché. Que deviennent-ils, vos amis de papier, une fois que vous avez mis le point final ? Où est-il Adam aujourd'hui ?

Olivier Dorchamps :
Avec vous, avec chaque lecteur et chaque lectrice. Le point final, c'est un soulagement dans l'écriture. C'est aussi un peu une déchirure. Mais vous savez, le point final, c'est toujours le début d'un autre chapitre, d'un autre livre. Donc j'ai laissé Adam continuer à vivre. Je laisse au lecteur et à la lectrice le choix de son avenir. Je ne dis pas comment ça se termine et je pense que c'est toujours plus intéressant d'avoir une fin ouverte et là, elle est très ouverte.

Philippe Chauveau :
Ce livre est une véritable réussite avec ce personnage d'Adam auquel on s'attache énormément. Une belle intrigue et puis aussi surtout une écriture parfaitement maîtrisée qui vient vous cueillir avec beaucoup d'émotion à chaque page. C'est un vrai coup de cœur. Fuir l'Éden d'Olivier Dorchamps et vous êtes publié aux éditions Finitude. Merci beaucoup.

Olivier Dorchamps :
Merci.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • En 2019, Olivier Dorchamps nous avait bouleversés avec son premier roman, « Ceux que je suis », l’histoire du jeune Marwan, parfaitement intégré à sa vie française mais chargé d’accompagner la dépouille de son père jusqu’au Maroc. Le livre avait connu un beau succès critique, intégrant plusieurs prix littéraires et recommandé par les libraires. Trois ans après, voici le nouveau roman d’Olivier Dorchamps, « Fuit l’Eden ». D’origine franco-britannique, on ne s’étonnera pas que l’auteur ait choisi de...Fuir l'Eden d'Olivier Dorchamps - Présentation - Suite
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