Antoine Rault

Antoine Rault

De grandes ambitions

Livre 00'07'36"

Philippe Chauveau :

Voilà un livre dont on parle beaucoup, Antoine Rault, De grandes ambitions. J'aurais envie de dire que c'est une sorte de roman balzacien d'aujourd'hui. C'est la comédie humaine d'aujourd'hui. Vous allez vous raconter une grande période de notre de notre société, celle des années 80 quasiment aujourd'hui, à travers 8 personnages, et puis plein d'autres personnages qui les entourent. Qui sont-ils, ces personnages que vous allez nous présenter ? Et comment est née cette envie de faire une grande fresque des années 80 ?

Antoine Rault :

C'est une grande fresque de personnages depuis les rêves de leur adolescence, dans les années 80 jusqu'à aujourd'hui. En trois parties et donc on passe d'une décennie à une autre progressivement, avec des glissements assez subjectifs et assez insensibles dans le temps, mais qui montrent le vieillissement des personnages et les différents chemins qui vont prendre les uns et les autres.

Philippe Chauveau :

C'est bien ça, dans les années 80, ils sont ados, il démarre leur vie étudiante, etc.

Antoine Rault :

Ils sont jeunes, suivant l'âge des personnages. Il y a un personnage qui est carrément plus jeune, qui est un enfant, Frédéric, celui qui va devenir président de République. Il a une quarantaine d'années, à la fin du livre. Mais les autres sont des quinquagénaires, c'est à dire des gens de ma génération.

Philippe Chauveau :

Ce qui veut dire qu'ils ont des rêves dans les années 90, des espoirs, de grandes ambitions. Et puis, on va les voir évoluer au fil de ces décennies. Pourquoi avoir eu envie de raconter tous ces tous ces parcours ?

Antoine Rault :

Les sociologues disent que la génération à laquelle j'appartiens, entre ceux qui sont nés autour de 60-65 jusqu'à 80-85, on appelle ça la génération X. Je trouve ça assez amusant qui s'appelle la génération X. Parce que X, c'est comme né sous X. C'est quelque chose de qu'est ce que ça veut dire X, Monsieur X c'est celui qui n'existe pas. C'est l'anonyme, celui qui est non défini. C'est une génération qui, finalement, est assez peu définie. Pourtant, cette génération, la mienne, la vôtre aussi, c'est celle qui accompagne le changement de monde extrêmement rapide depuis son entrée dans la vie professionnelle jusqu'à sans doute sa sortie de la vie professionnelle. La grande mutation du monde, de la fin des années du XXe siècle au début du XXIème siècle. On voit bien qu'on est en train de vivre une mutation extrêmement rapide. Le changement de siècle se fait en ce moment. C'est toujours difficile de dater un changement, mais on est vraiment en train de changer de façon de vivre par la façon dont les technologies ont tout bouleversé. Les liens entre les hommes se sont faits de façon beaucoup plus rapide. Le temps s'accélère. C'est ce qui est frappant pour tout le monde. Et nous, on est cette génération qui, dans sa vie professionnelle, vit ce changement. Et au fond, je pense que c'était une des motivations qui m'a poussé à passer à l'acte d'écriture de ce roman.

Philippe Chauveau :

Ce qui veut dire que sur près de 580 pages, vous allez nous raconter trois décennies à travers 8 personnages et les ramifications avec tout ce qui entoure ces protagonistes. Ces personnages se sont ils imposés à vous ? Se sont-ils construits au fil du temps ? Je précise, et vous le dites d'ailleurs au tout début du roman, que ce sont des personnages fictifs, mais qu'effectivement, ils ont été inspirés par des personnages authentiques. Et chaque lecteur pourra, à sa façon, être tentés de reconnaître certains personnages qui font ou qui ont fait l'actualité. Comment sont-ils nés ces personnages ? Comment les avez-vous choisi ?

Antoine Rault :

Ils sont tous plus ou moins réels et largement imaginaires aussi. Réel, c'est parce que soit, ce sont des gens que je connaissais, y compris moi même qui peuvent nourrir les personnages de ce roman. Soit ce sont des gens qui sont devenus des grandes figures de notre histoire contemporaine, soit des politiques, des chefs d'entreprise. C'est pour cela que, par exemple, il y a un personnage qui s'appelle Frédéric qui fait clairement penser à Emmanuel Macron et ce n'est pas un hasard. Il y a une jeune fille d'origine marocaine qui s'appelle Sonia qui fait penser à Rachida Dati. Et ce n'est pas un hasard. D'ailleurs, l'intéressée elle-même s'est reconnue. C'était amusant car elle me l'a dit et ça l'a fait sourire. Il y a un personnage, Marc, qui fait penser à Xavier Niel, donc un autodidacte, un gamin de banlieue qui va devenir finalement un des milliardaires français de l'internet. Enfin, il y a une « success story » à la française, comme il en a très peu. C'est volontairement parce que ce sont des personnages dont les destins, les vies sont profondément romanesques. Et donc, au fond, ils se sont imposés progressivement, car ils construisent notre histoire. Leurs destins individuels ont eu des répercussions sur nos destins à tous.

Philippe Chauveau :

Finalement, pour nous rappeler que nos vies sont des romans et que la grande histoire est aussi une épopée romanesque.

Antoine Rault :

Bien sûr, c'est ça. C'est les éléments réels de certains personnages qu'on observe dont un romancier s'empare comme un voleur imaginaire, c'est parce qu'ensuite, ce que je fais dans ce roman là tout au long de chaque chapitre, qui porte le prénom d'un personnage, est raconté du point de vue de ce personnage. C'est ce qui est intéressant, c'est de rentrer dans le plus intime du personnage.

Philippe Chauveau :

L'une des forces du roman, au delà de ces histoires, que vous nous raconter sur trente ans, c'est l'écriture que vous avez choisi, le rythme que vous avez choisi. Vous évoquez justement ces chapitres qui chacun porte le prénom d'un des protagonistes et qui sont à chaque fois des arrêts sur image. On n'est pas forcément dans la chronologie dans ces chapitres. Il y a chaque protagoniste qui raconte un moment clé de sa vie. Est-ce que dès le départ, vous saviez que la construction serait comme cela ? Où sont-ce les personnages qui, de temps en temps, vous ont un peu pris par la main pour dire : voilà, raconte comme ça mon histoire.

Antoine Rault :

Un peu les deux. C'est l'expérience du théâtre d'ailleurs. Au théâtre, je pense qu'il faut beaucoup construire avant de se lancer dans un dans l'histoire elle même. Mais après, les personnages vous emportent parce que chaque personnage a sa propre logique. Et si on est sincère, si on rentre vraiment dans la peau du personnage, c'est lui qui vous guide comme un enfant qu'on a créé. Mais cet enfant vous échappe un peu. Ces six personnages en quête d'auteur de Pirandello. Ils racontent ça très bien. À un moment donné vous avez créé des personnages, ils ont leur propre logique, leur propre vérité. Ils vont quelque part donc vous êtes poussés. C'est vrai qu'on a beau faire un plan, on est quand même un peu déporté par les personnages à un moment donné, parce qu'ils vous entraînent dans leur direction.

Philippe Chauveau :

On suit ces personnages sur trois décennies. Il y a les rêves et les illusions. Il y a aussi souvent les désillusions du temps qui passe. C'est un roman dans lequel il y a toujours une sorte de désenchantement qui plane.

Antoine Rault :

Un peu, c'est vrai parce que c'est un peu ça la vie aussi. C'est qu'on doit faire le deuil d'un certain nombre de choses. On connaît tous, des échecs, des épreuves. Personne à cinquante ans ne peut dire : au fond, ma vie a été un chemin de roses. Non, ça n'existe pas. C'est ça d'ailleurs qui fait que on est reliés les uns aux autres par une forme d'humanité. Le romancier est la pour offrir une évasion, qui vous permettent d'entrer en en empathie, comme je l'ai fait moi même en écrivant avec les autres, avec des personnages et vivre avec eux. Passer un moment avec eux. Peut-être justement en essayant de les comprendre, en les aimants, en s'y attachant et en tirer un certain nombre de réflexions sur sa propre existence ou sur son propre rapport au monde ou sur la société.

Philippe Chauveau :

Qu'est-ce que réussir sa vie ? Comment accomplir ses rêves de jeunesse ? C'est le nouveau roman d'Antoine Rault, ça s'appelle De grandes ambitions. C'est surtout un roman qui nous parle de nos trente dernières années. Peut-être un roman qui aide aussi à mieux comprendre la société française d'aujourd'hui. Antoine Rault, De grandes ambitions chez Albin Michel. Merci beaucoup.

Antoine Rault :

Merci.

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  • LIVRE
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