Virginie Tharaud

Virginie Tharaud

De chant et d'amour

Livre 8'50

Philippe Chauveau : Avec ce premier roman, Virginie Tharaud, « De chant et d'amour », nous allons faire connaissance d'une jeune femme qui vit dans ce siècle des Lumières. C'est Adélaïde, Adélaïde de Villars. C'est une femme qui a réellement existé, qui a évolué dans le monde de l'opéra et de la musique sous le règne de Louis XV puis de Louis XVI. C'est un personnage sur lequel vous aviez déjà travaillé pour vos études. Comment aviez-vous découvert ce personnage d'Adélaïde ?

Virginie Tharaud : Et bien je l'ai découvert en faisant ces études d'Histoire de l'art, pour lequel j'avais fait un DEA sur les portraits des demoiselles d'opéra. Donc je me suis penché sur les sources de l'époque. J'ai vraiment lu beaucoup sur ces demoiselles. Et leur vie m'a passionné. Et la sienne en particulier. Peut-être parce que d'abord elle était chanteuse mais ensuite parce qu'elle est devenue compositrice et que moi aussi j'aime écrire de la musique. Donc j'avais deux liens très forts avec elle et je trouve que sa vie est à la fois tumultueuse et formidable.

Philippe Chauveau : Vous aviez donc ces recherches, que vous aviez mené pour vos études, que vous avez gardé un peu sous le coude et puis la vie vous a mené vers d'autres horizons.

Vous reprenez ses notes et vous décidez d'écrire sur Adélaïde de Villars que l'on appelle aussi mademoiselle Beaumesnil. Et vous avez choisi l'écriture romanesque. Vous faites un roman historique alors que vous auriez pu faire une biographie. Pourquoi ce choix du roman historique.

Virginie Tharaud : Et bien parce que j'avais toujours voulu être romancière et quelque part ce que je voulais c'était écrire du roman. Et quand j'ai découvert la vie de ces demoiselles d'opéra, qui me paraissaient tellement extraordinaire. J'me suis dit : « Mais j'ai tout là au fait pour faire un roman ». Donc je suis parti sur une demoiselle parce que j'avais vraiment envie de m'investir sur une femme et non pas un tableau entier de l'opéra. Mais bien que le roman permette de voir justement un tableau très pittoresque du quotidien de Paris. Mais j'avais envie de m'investir dans une femme et de faire vraiment un roman de l'intérieur.

Philippe Chauveau : Alors on sait qu'Adélaïde de Villars était issue de l'aristocratie, qu'elle est devenue chanteuse à l'opéra...

Virginie Tharaud : On ne sait pas trop pourquoi.

Philippe Chauveau : On ne sait pas trop pourquoi, ni comment... On sait qu'elle devient suppléante de la grande Sophie Arnould.

Virginie Tharaud : Le double, oui.

Philippe Chauveau : Elle même va composer. Ca c'est la réalité historique. Cela veut dire que déjà vous aviez un personnage de femme qui pour le Siècle des Lumières était déjà une femme battante, très moderne. Et c'est ça aussi qui vous a plu.

Virginie Tharaud : Oui bien sûr, c'est ça qui m'a plu, qui m'a séduit en elle. Et qui peut séduire quand on lit ce livre parce que c'est vrai que d'être compositrice au XVIIIème, c'est carrément impossible. Elle est la troisième femme à pouvoir à un moment donner son opéra sur la scène de l'opéra de Paris. Mais à chaque fois, il n'y a eu que quelques représentations. Et c'était des femmes qui étaient attachées à l'opéra de Paris. Elles étaient déjà accompagnatrices donc impossible pour une femme de composer à l'époque. Quand une femme voulait composer, elle le faisait avec un maître de musique chez elle et ça pouvait être qu'une aristocrate qui pouvait se payer un maître, et s'amuser entre guillemets, se divertir en tout cas pour pas trop s'ennuyer dans ses après-midi, à écrire un peu des mélodies galantes ou de la musique de chambre qu'on jouait dans son salon avec sa famille. Parce que tout le monde à l'époque jouait d'un instrument donc c'était une façon de se délasser, une façon de passer le temps, une façon de faire que les soirées soient vivantes et agréables. Mais elles ne pouvaient en aucun cas écrire de la musique sacré pour aller vers l'église ou écrire de la musique de théâtre. C'était se prêter à des premières... Ou parfois il y avait des cabbales, ou y'avait des critiques très dures. Une femme ne pouvait pas prétendre aller vers ce monde-là.

Philippe Chauveau : Partons donc de cette réalité historique, de cette femme qui dans son époque s'est battue pour son art. Vous avez choisi donc de lui inventer une vie romanesque. Malencontreusement elle tombe enceinte du beau Philippe de Beaumesnil. Du coup son père l'envoie au couvent, elle va s'échapper, elle va avoir une vie romanesque que vous lui inventez. Pourquoi avoir eu envie d'en faire un personnage comme ça aussi étonnant ?

Virginie Tharaud : Et bien je ne sais pas, c'est bien dans l'esprit du 18ème je crois. Ces femmes, toutes ces demoiselles d'opéra, elles ont des histoires extraordinaires. Souvent elles arrivent à l'opéra un peu par hasard justement et poussées par le destin.

Philippe Chauveau : L'opéra devient une sorte de refuge pour ces jeunes femmes qui peut être n'ont pas pris le bon chemin dès le départ. On a l'impression que c'est soit le couvent, soit l'opéra.

Virginie Tharaud : Soit femmes honnêtes, soit femmes galantes de toute façon, on n'a pas trente-six mille choix. Et c'est vrai qu'à l'opéra, il y avait une loi qui faisait que les femmes étaient sous la seule autorité du roi. Donc c'est le seul endroit où elles peuvent échapper à leurs familles. Quelque part parce que les demoiselles d'opéra sont le top des demoiselles galantes et que tous les aristocrates et même des bourgeois un peu fortunés entretenaient des demoiselles d'opéra. Donc elles avaient pas du tout envie que la famille puisse réclamer et que la justice puisse leur enlever leurs amours. Et donc en mettant les femmes sous l'autorité du roi à cette endroit là, on était sûr qu'on avait pas de soucis justement de justice.

Philippe Chauveau : Et Adélaïde, tout en respectant les règles du jeu, va montrer aussi que, en amour elle est une femme de caractère. Tout l'intérêt de votre roman, au-delà de ce personnage d'Adélaïde de Villars, mademoiselle Beaumesnil que vous faites revivre. C'est aussi nous raconter l'univers de la musique et de l'opéra. A cette époque dans ce 18ème siècle, c'est une sorte d'Etat dans l'Etat. Il y a des cabbales, il y a des privilèges, il y a des préférences... Lorsque Marie-Antoinette arrive auprès de Louis XVI, elle va aussi avoir son rôle à jouer au propre comme au figuré d'ailleurs...

Virginie Tharaud : Oui parce que Marie-Antoinette adorait le théâtre et la musique.

Philippe Chauveau : Et elle va imposer ce fameux Gluck qui aujourd'hui est peut être moins joué qu'il ne le fut à l'époque. Mais Gluck qui régnait en maître sur l'opéra.

Virginie Tharaud : Il avait été le maître de musique de Marie-Antoinette à Vienne donc quand il arrive à Paris en 74, elle est dauphine mais l'année d'après, Louis XV a la bonne idée de mourir tout de suite donc du coup elle devient reine de France. Donc lui il peut s'imposer effectivement en monarque absolu avec le soutien de Marie-Antoinette à l'opéra. Donc avoir le soutien de Marie-Antoinette c'est extraordinaire et là il va réformer beaucoup de choses à l'opéra. Il va bouleverser l'organisation, il va supprimer la musique pendant les entractes par exemple. Il va supprimer les lignes de choeur, il va faire une mise en scène différente. Et puis surtout il va imposer une nouvelle héroïne pour ses opéras et là il remet en question les statuts, les emplois des cantatrices à l'opéra puisque chacune était employée dans quelque chose et notamment Sophie Arnould qui est la première actrice en titre, qui était celle qui devait chanter le rôle de princesse.

Philippe Chauveau : Une toute dernière question Virginie Tharaud : on ne peut pas lire ce livre sans penser que la révolution approche à grand pas. Bien évidemment vos personnages ne le savaient pas. Nous lecteurs le savons mais il y a tellement de futilités dans ce monde du théâtre, dans ce monde de la musique, de l'opéra... Ces rivalités entre chanteuses, entre artistes et puis cette aristocratie qui s'étourdit dans des fêtes permanentes comme si tous autant qu'ils soient, ils ne voulaient pas voir cette réalité qui s'impose à eux et cette abyme qui est en train de s'ouvrir à leurs pieds.

Virginie Tharaud : Alors après c'est un petit peu nous à notre époque qui avons envie de voir ça. Est-ce que vraiment ils n'ont pas envie de le voir ? En tout cas ils ont envie de s'amuser, ça c'est sûr. Ils ont envie de dialoguer et puis la musique fait partie intégrante de la vie à cette époque. Donc vraiment la musique est partout et la musique est nécessaire. Et danser c'est nécessaire et s'amuser c'est nécessaire.

Philippe Chauveau : Et heureusement ça nous permet de voir tout un peu différemment. Adélaïde de Villars est un peu la représentant d'un monde qui se meurt, d'un monde qui s'éteint, puisqu'elle connaît son heure de gloire avant la révolution. Que devient-elle pendant et après ?

Virginie Tharaud : Au fait la Révolution c'est une période très troublée donc ils nous reste peu de choses finalement et d'ailleurs même les quatre oratorio et opéras qu'elle a crée, dont on a les dates. On a le manuscrit que d'un seul opéra, c'est Tibulle et Délie qu'est à la Bibliothèque nationale. Mais voilà... On a un peu perdu... Par exemple, certains historiens disent qu'elle est morte en 1803, d'autres en 1813. Ca montre bien qu'il y a une erreur de copie quelque part sur une chiffre et que quelque chose a été perdu. Donc c'est vrai que sur la fin de sa vie on ne sait pas exactement qui elle a épousé, quand elle est morte, ce qu'elle a vraiment créé ou pas créé et le succès...

Philippe Chauveau : Qui en a découlé... On va vous suivre. En tout cas merci d'avoir fait renaître ce personnage d'Adélaïde de Villars, mademoiselle Beaumesnil : femme de caractère, femme indépendante, femme moderne. Et puis c'est aussi un excellent roman historique qui nous plonge dans ce Paris de l'avant-Révolution. Virginie Tharaud, votre premier roman s'appelle « De chant et d'amour », vous êtes publiés chez Jean-Claude Lattès, merci beaucoup !

Virginie Tharaud : Merci à vous.

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