Delphine Saada

Delphine Saada

Celle qui criait au loup

Livre 00'07'13"

Philippe Chauveau

Votre premier roman, Delphine Saada, Celle qui criait au loup, avec sur cette jaquette ce sucre d'orge, cette sucette pleine de couleurs mais qui est surtout brisée. Nous allons faire connaissance avec Albane. Albane est une jeune femme d'aujourd'hui. Elle est infirmière dans un hôpital parisien. Sa vie semble réglée comme du papier à musique avec son mari Sebastian et leurs deux enfants.

Il y a Arthur, qui a trois ans, il y a Emme qui a six ans. Et pourtant, Albane cache bien des failles. Qui est-elle, Albane ?

Delphine Saada

Albane, c'est une femme de notre époque. Elle est multifacettes, comme beaucoup de femmes, elle est mère, elle est épouse, elle est collègue et elle est aussi comme on va le découvrir dans le roman enfant puisqu'on la découvre aussi enfant, donc ex-enfant. Et c'est une femme qui est un peu empêchée comme ça dans sa vie, empêchée de par elle-même de prendre du plaisir, qui a du mal à s'épanouir alors qu'elle vit à côté de ça un exercice professionnel plutôt épanouissant.

Philippe Chauveau

Tout semble bien aller dans sa vie.

Delphine Saada

Dans sa vie professionnelle, ça va. Ses collègues ne pourraient peut-être pas en dire autant.

Philippe Chauveau

L'image extérieure donne l'impression.

Delphine Saada

L'image extérieure sur le papier, mais ses collègues quand même, trouvent étonnant que c'est une… Souvent dans le milieu infirmier ou médical, en général, on a besoin comme ça de relâcher la pression parce que c'est des heures très, très pleines, très denses, et elle ne vient jamais.

Philippe Chauveau

Voilà, ce que je disais, elle est réglée comme du papier à musique parce que vraiment, son emploi du temps est très serré. Dès qu'elle a fini ses horaires, elle quitte l'hôpital, elle retrouve la maison, elle s'occupe des enfants et puis surtout, elle s'occupe des enfants, mais il n'y a pas beaucoup d'amour. Il y a surtout un manque d'amour vis à vis de sa fille Emma. Comment avez-vous construit les quatre personnages de cette famille ?

Delphine Saada

Les personnages, ils ont été quand même construits autour d'Albane. C'est d'abord le personnage d'Albane et puis de façon satellite, il y a Mathilde, l'infirmière qui va peut-être être celle qui va aller observer les choses comme personne ne les observaient jusque-là. Il y a le mari, Sébastian, lui qui est vraiment très conciliant, très doux, très enrobant comme ça, autour de la personnalité plus rigide d’Albane et les enfants et cette personnalité d'Emma, surtout Arthur, il est un peu moins décrit, mais la personnalité d’Emma arrive presque en contrepoint, en opposition presque totale avec ce qu'est aujourd'hui Albane. Peut-être pas ce qu'elle a été, mais ce qu'elle est aujourd'hui. C'est-à-dire une petite fille totalement décomplexée, exubérante par moments, séductrice, mais comme peuvent l'être certaines petites filles pour obtenir ce qu'elles veulent, assez chipies. Vive, en tout cas, et qui se conforme pas elle forcément à ce que ce qu'on lui a demandé toute petite. Et ça exaspère beaucoup sa maman.

Philippe Chauveau

On pourrait lire votre roman comme un thriller psychologique, parce que très vite, on comprend qu'il y a un drame qui couve, qu'il y a des secrets enfouis mais ça va bien au-delà d'un thriller psychologique, parce que c'est toute la personnalité de Albane que vous allez nous décrire. Et puis vous osez nous parler d'un thème qui est un peu tabou, c'est le désamour lorsque l'on est mère de famille. Comment peut-on ne pas aimer ses enfants ?

Delphine Saada

Oui, c'est un sujet qui m'a pas forcément été amené dès le début parce que ma question principale était vraiment « doit-on forcer quelqu'un qui ne veut pas, à se faire soigner psychologiquement, à entamer une thérapie ? » Au départ, ce n'était pas le sujet. Et puis d'autres questions sont arrivées pour arriver jusque-là dans la construction du personnage et notamment ce…Oui, c'est plus global, même si sur cette transmission mère-fille, ce manque d'affect, qu'est-ce qu'elle, en tant que petite fille, parce que souvent on repart dans le roman, encore une fois, dans son enfance, qu'est-ce qui ne s'est pas passé ou qu'est ce qui s'est passé pour que cet adulte, qui était une enfant pourtant aussi au départ, ait tant de mal à ressentir, je crois que c'est plutôt un manque d'affect, à ressentir quelque chose pour son enfant et particulièrement pour cette fille, cette petite fille qui elle diffère en fait, c'est aussi une question un peu taboue de la représentation de l'enfant idéal. Peut-être que tout aurait été mieux pour Albane si la petite fille avait correspondu à l'image qu'elle s'était bien imaginée dans sa tête. Peut-être que ça se serait mieux passé.

Philippe Chauveau

Alors il y a ce thème universel, le désamour maternel. Il y a l'écriture que vous avez choisie, une écriture serrée pour donner cette impression d'un thriller psychologique. Et c'est vrai qu’il y a un côté page turner. On veut savoir ce qui se passe. Vous avez une écriture qui est très sensible également, notamment dans les relations entre les personnages et puis sur la chronologie, on va être quasiment sur deux années puisqu'on démarre au printemps 2016. On va remonter en 2014 et puis après, on remontera aussi dans les années d'enfance d'Albanz. Comment avez-vous construit votre écriture ? Est-ce que dès le départ, vous aviez un plan très précis ? Ou finalement, est-ce que le sujet vous a entraînée vers des contrées que vous ne soupçonniez pas ?

Delphine Saada

Le plan était assez défini. Disons que je savais à peu près la fin et je savais que je voulais démarrer par un printemps. Ça m'a beaucoup aidée à construire ce personnage. Je savais qu'en plus, je ne voulais pas démarrer par Albane. Ça me faisait quand même pas mal d'indications, mais je savais oùça commençait. Je savais où ça se terminait quand même avec. Je voulais cet effet boucle en fait, je voulais absolument ça.

Philippe Chauveau

Revenons sur sur Albane. Vous faites le choix pour cette femme fragilisée, pleine de failles, pleine de mystères, vous faites le choix d'en faire une infirmière, un métier dont on a beaucoup parlé ces derniers temps. Métier où l'on est vraiment au service de l'autre. Pourquoi est-ce important pour vous qui êtes médecin, de faire de votre héroïne, de votre anti-héroïne, une infirmière ?

Delphine Saada

D'abord, c'est un sujet que je connaissais bien. Je ne vais pas vous mentir que je connais un peu mieux la médecine que l'astronomie. C'était plus facile à placer dans ce milieu-là pour moi, une question de facilité. Et puis, il y a aussi qu'il y a un paradoxe que je voulais absolument mettre en exergue entre cette femme qui s'occupe très très très très très bien des autres, je dirais d'étrangers, qui sont ses patients, et puis quand même un peu plus de mal à s'occuper des membres proches de sa famille. Elle n’a aucune problème à apporter soins, à porter secours à des personnes qu'elle ne connaît pas. En revanche, dès qu'il faut s'exprimer en amour, en affection envers ses enfants et particulier et effectivement envers Emma, c’est vraiment compliqué. Je voulais soulever ce paradoxe. Et on découvrira qu'elle n'a pas forcément choisi ce métier par hasard.

Philippe Chauveau

Voilà un livre qui se lit donc comme un vrai thriller, comme un vrai thriller psychologique, un sujet, des sujets sociétaux. Tout cela porté par une belle écriture très littéraire. Voilà un livre que je vous recommande vivement, Delphine Saada, c'est votre premier roman, Celle qui criait au loup, et vous êtes publiée aux éditions Plon.

Delphine Saada

Merci beaucoup. Merci

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