Christine Kerdellant

Christine Kerdellant

Alexis ou la vie aventureuse du comte de Tocqueville

Livre 5'58

Christine Kerdellant j'ai envie de dire qu'Alexis de Tocqueville c'est quelqu'un que vous connaissez bien depuis longtemps, puisque sans trahir de secret vous êtes originaire de Valognes.
De son fief, oui.
Dans le département de la Manche, le château de la famille est à quelques kilomètres de Valognes.
A 23 kilomètres.
Ça veut dire que déjà enfant, ou du moins adolescente, Alexis de Tocqueville est un personnage dont on vous a un peu raconté l'histoire ? Vous le connaissiez déjà un peu ?
Oui c'est une grande figure de Valognes, c'est l'homme politique qui a marqué le département même si c'est au XIXème siècle. Depuis on ne peut pas dire qu'il y a eu vraiment d'autres hommes politiques qui ont autant influencé la pensée et qui aient marqué autant.
Alors c'est vrai que mon école était à côté de la rue Alexis de Tocqueville, qu'à la bibliothèque municipale vous aviez en vue une affiche du tableau du portrait principale d'Alexis de Tocqueville.
Vous êtes journaliste, vous auriez pu très bien faire une biographie classique ou un essai sur le travail de Tocqueville. Vous avez choisi une biographie romancée, vous avez choisi l'écriture romanesque, pourquoi ?
Oui. Parce que d'abord, il y a beaucoup de biographies de Tocqueville, dont de très très bonnes biographies, comme celle de Jean-Louis Benoît qui est le principal historien de Tocqueville
qui est quelqu'un de vivant bien sûr et d'adorable, qui a relu le livre d'ailleurs d'un bout-à-l'autre, et qui m'a fait deux ou trois suggestions vraiment très intéressantes de façon à ce que ce livre soit vrai.
C'est-à-dire la chronologie, les lieux, les dates, les personnages, les évènements, tout est vrai. Je me suis juste contentée de mettre du liant c'est-à-dire : « voilà il se lève, il va vers la porte, il revient etc... » sinon pour le reste je n'ai rien inventé.
Même les dialogues, d'après ce que vous expliquez en préambule du livre, sont inspirés des correspondances.
J'ai beaucoup utilisé les correspondances de Tocqueville avec sa femme ou avec ses amis pour bâtir les dialogues.
En tous cas c'est réussi et c'est vrai que vous faites d'Alexis de Tocqueville un personnage de roman. Alors bien sûr on le connait comme étant l'auteur de « La démocratie en Amérique »,
mais vous nous présentez un personnage absolument incroyable, un amoureux. Iil est amoureux de cette femme : lui il est français, elle est anglaise, il est catholique, elle est protestante, elle a 6 ans de plus que lui.
Elle est pauvre, il est riche.
Elle est pauvre, il est riche. Il va quand même l'aimer jusqu'au bout. Et finalement, vous nous dites plus ou moins que tout ce qu'a fait Tocqueville est lié à cette histoire.
Alors oui, tout à l'heure quand vous me demandiez pourquoi j'ai fait plutôt une biographie romancée qu'une biographie classique, c'est que dans les biographies classiques j'ai été très déçue que Marie Mottley, la femme dont vous parlez, n'apparaisse quasiment pas.
Alors il a peut-être pas tout fait pour elle, mais il a fait énormément de choses pour elle. Quand il l'a rencontrée, il est parti aux États-unis avec l'idée qu'il reviendrait avec un livre qui lui permettrait d'acquérir son autonomie financière.
Je dirais que l'élément fondateur de la vie de Tocqueville qui est ce voyage en Amérique, il l'a quand même fait, poussé par Marie, qui vraiment l'a encouragé à y aller, et beaucoup pour elle, pour ensuite avoir cette autonomie financière.
Il est vraiment très moderne cet Alexis de Tocqueville. Non seulement il va aller à l'encontre de sa famille en épousant Marie, mais il y a aussi ce regard qu'il porte sur la France.
Il aime son pays mais il est malheureux de le voir s'enfoncer vers un mur par rapport aux régimes politiques qui se succèdent. C'est un petit peu pour ça qu'il a envie d'aller en Amérique, aller voir ailleurs ce qui se passe. C'est ce que font beaucoup de jeunes aujourd'hui.
C'est très moderne effectivement. Il a été capable de comprendre qu'en Amérique, il voyait l'avenir des sociétés occidentales, il a vraiment compris, et vu la France avec le recul.
Il s'est rendu compte du poids de l'état, il s'est rendu compte que l'aristocratie était condamnée, que les privilèges ne pourraient pas durer, que l'aristocratie serait obligée d'apprendre à vivre comme tout le monde, et que tout ce qu'on lui avait appris pendant son enfance était caduc.
Mais il est convaincu peu à peu par ce qu'il voit, par la manière dont cette société vit. Et il comprend qu'un jour, il y aura deux puissances qui domineront le monde, ce sera la Russie et les États-Unis. Mais les États-Unis ne font que 12 millions d'habitants quand il comprend ça.
Ce qui est intéressant chez Tocqueville, il va aux États-Unis, effectivement, il ouvre son esprit sans rien renier de ce qu'il est et de là où il vient, et il dit un peu aux français : « Inspirez-vous mais ne copiez pas. »
Oui c'est ça, il voit aussi les défauts de la démocratie. Et donc il dit aux français « inspirez-vous mais ne prenez pas tout parce que voilà tous les problèmes que ça peut poser.
Donc gardons nos spécificités françaises, notre génie français, etc... Mais vous verrez, on avancera beaucoup plus vite si on peut avancer comme une démocratie. »
Je le disais, vous avez donc choisi l'écriture romanesque pour nous raconter Alexis de Tocqueville. Lorsque vous êtes arrivée à la fin de votre roman, vous avez eu du mal à le quitter votre personnage d'Alexis ?
Oui c'est terrible. D'ailleurs pour terminer, je l'ai mis à Fermanville qui est un petit village qui est à côté de Tocqueville. J'ai la preuve dans une lettre d'Alexis qu'il était allé voir effectivement une parade navale en 1856 des rochers de Fermanville.
Donc je suis sûre qu'il est allé sur les rochers dont je parle. Mais ma manière de le quitter ça a été que la dernière scène ait lieue là où j'ai grandi, là ou ma grand-mère habitait, et mon arrière grand-père, etc...
Alors vous qui le connaissez bien maintenant, que penserait Alexis de Tocqueville s'il revenait aujourd'hui en France ?
Je crois que ce qui le choquerait le plus c'est qu'on n'ait pas avancé par rapport à ce qu'il dénonçait déjà en 1840-1845.
Il dénonçait presque une république des copains et des coquins, enfin il ne le disait pas comme ça, mais aujourd'hui je crois qu'il serait horrifié qu'on ait pas davantage avancé, progressé.
Le plaisir du roman associé à la redécouverte d'un grand homme d'un grand écrivain aussi puisqu'il était membre de l'Académie française.
Alexis de Tocqueville sous la plume de Christine Kerdellant, « Alexis ou la Vie aventureuse du comte de Tocqueville », c'est aux éditions Robert Laffont, merci beaucoup.
Merci à vous.

Philippe Chauveau : Christine Kerdellant j'ai envie de dire qu'Alexis de Tocqueville c'est quelqu'un que vous connaissez bien depuis longtemps, puisque sans trahir de secret vous êtes originaire de Valognes.

Christine Kerdellant : De son fief, oui.

Philippe Chauveau : Dans le département de la Manche, le château de la famille est à quelques kilomètres de Valognes.

Christine Kerdellant : A 23 kilomètres.

Philippe Chauveau : Ça veut dire que déjà enfant, ou du moins adolescente, Alexis de Tocqueville est un personnage dont on vous a un peu raconté l'histoire ? Vous le connaissiez déjà un peu ?

Christine Kerdellant : Oui c'est une grande figure de Valognes, c'est l'homme politique qui a marqué le département même si c'est au XIXème siècle. Depuis on ne peut pas dire qu'il y a eu vraiment d'autres hommes politiques qui ont autant influencé la pensée et qui aient marqué autant. Alors c'est vrai que mon école était à côté de la rue Alexis de Tocqueville, qu'à la bibliothèque municipale vous aviez en vue une affiche du tableau du portrait principale d'Alexis de Tocqueville.

Philippe Chauveau : Vous êtes journaliste, vous auriez pu très bien faire une biographie classique ou un essai sur le travail de Tocqueville. Vous avez choisi une biographie romancée, vous avez choisi l'écriture romanesque, pourquoi ?

Christine Kerdellant : Oui. Parce que d'abord, il y a beaucoup de biographies de Tocqueville, dont de très très bonnes biographies, comme celle de Jean-Louis Benoît qui est le principal historien de Tocqueville, qui est quelqu'un de vivant bien sûr et d'adorable, qui a relu le livre d'ailleurs d'un bout-à-l'autre, et qui m'a fait deux ou trois suggestions vraiment très intéressantes de façon à ce que ce livre soit vrai. C'est-à-dire la chronologie, les lieux, les dates, les personnages, les évènements, tout est vrai. Je me suis juste contentée de mettre du liant c'est-à-dire : « voilà il se lève, il va vers la porte, il revient etc... » sinon pour le reste je n'ai rien inventé.

Philippe Chauveau : Même les dialogues, d'après ce que vous expliquez en préambule du livre, sont inspirés des correspondances.

Christine Kerdellant : J'ai beaucoup utilisé les correspondances de Tocqueville avec sa femme ou avec ses amis pour bâtir les dialogues.

Philippe Chauveau : En tous cas c'est réussi et c'est vrai que vous faites d'Alexis de Tocqueville un personnage de roman. Alors bien sûr on le connait comme étant l'auteur de « La démocratie en Amérique », mais vous nous présentez un personnage absolument incroyable, un amoureux. Iil est amoureux de cette femme : lui il est français, elle est anglaise, il est catholique, elle est protestante, elle a 6 ans de plus que lui.

Christine Kerdellant : Elle est pauvre, il est riche.

Philippe Chauveau : Elle est pauvre, il est riche. Il va quand même l'aimer jusqu'au bout. Et finalement, vous nous dites plus ou moins que tout ce qu'a fait Tocqueville est lié à cette histoire.

Christine Kerdellant : Alors oui, tout à l'heure quand vous me demandiez pourquoi j'ai fait plutôt une biographie romancée qu'une biographie classique, c'est que dans les biographies classiques j'ai été très déçue que Marie Mottley, la femme dont vous parlez, n'apparaisse quasiment pas. Alors il a peut-être pas tout fait pour elle, mais il a fait énormément de choses pour elle. Quand il l'a rencontrée, il est parti aux États-unis avec l'idée qu'il reviendrait avec un livre qui lui permettrait d'acquérir son autonomie financière. Je dirais que l'élément fondateur de la vie de Tocqueville qui est ce voyage en Amérique, il l'a quand même fait, poussé par Marie, qui vraiment l'a encouragé à y aller, et beaucoup pour elle, pour ensuite avoir cette autonomie financière.

Philippe Chauveau : Il est vraiment très moderne cet Alexis de Tocqueville. Non seulement il va aller à l'encontre de sa famille en épousant Marie, mais il y a aussi ce regard qu'il porte sur la France. Il aime son pays mais il est malheureux de le voir s'enfoncer vers un mur par rapport aux régimes politiques qui se succèdent. C'est un petit peu pour ça qu'il a envie d'aller en Amérique, aller voir ailleurs ce qui se passe. C'est ce que font beaucoup de jeunes aujourd'hui.

Christine Kerdellant : C'est très moderne effectivement. Il a été capable de comprendre qu'en Amérique, il voyait l'avenir des sociétés occidentales, il a vraiment compris, et vu la France avec le recul. Il s'est rendu compte du poids de l'état, il s'est rendu compte que l'aristocratie était condamnée, que les privilèges ne pourraient pas durer, que l'aristocratie serait obligée d'apprendre à vivre comme tout le monde, et que tout ce qu'on lui avait appris pendant son enfance était caduc. Mais il est convaincu peu à peu par ce qu'il voit, par la manière dont cette société vit. Et il comprend qu'un jour, il y aura deux puissances qui domineront le monde, ce sera la Russie et les États-Unis. Mais les États-Unis ne font que 12 millions d'habitants quand il comprend ça.

Philippe Chauveau : Ce qui est intéressant chez Tocqueville, il va aux États-Unis, effectivement, il ouvre son esprit sans rien renier de ce qu'il est et de là où il vient, et il dit un peu aux français : « Inspirez-vous mais ne copiez pas. »

Christine Kerdellant : Oui c'est ça, il voit aussi les défauts de la démocratie. Et donc il dit aux français « inspirez-vous mais ne prenez pas tout parce que voilà tous les problèmes que ça peut poser. Donc gardons nos spécificités françaises, notre génie français, etc... Mais vous verrez, on avancera beaucoup plus vite si on peut avancer comme une démocratie. »

Philippe Chauveau : Je le disais, vous avez donc choisi l'écriture romanesque pour nous raconter Alexis de Tocqueville. Lorsque vous êtes arrivée à la fin de votre roman, vous avez eu du mal à le quitter votre personnage d'Alexis ?

Christine Kerdellant : Oui c'est terrible. D'ailleurs pour terminer, je l'ai mis à Fermanville qui est un petit village qui est à côté de Tocqueville. J'ai la preuve dans une lettre d'Alexis qu'il était allé voir effectivement une parade navale en 1856 des rochers de Fermanville. Donc je suis sûre qu'il est allé sur les rochers dont je parle. Mais ma manière de le quitter ça a été que la dernière scène ait lieue là où j'ai grandi, là ou ma grand-mère habitait, et mon arrière grand-père, etc...

Philippe Chauveau : Alors vous qui le connaissez bien maintenant, que penserait Alexis de Tocqueville s'il revenait aujourd'hui en France ?

Christine Kerdellant : Je crois que ce qui le choquerait le plus c'est qu'on n'ait pas avancé par rapport à ce qu'il dénonçait déjà en 1840-1845. Il dénonçait presque une république des copains et des coquins, enfin il ne le disait pas comme ça, mais aujourd'hui je crois qu'il serait horrifié qu'on ait pas davantage avancé, progressé.

Philippe Chauveau : Le plaisir du roman associé à la redécouverte d'un grand homme d'un grand écrivain aussi puisqu'il était membre de l'Académie française. Alexis de Tocqueville sous la plume de Christine Kerdellant, « Alexis ou la Vie aventureuse du comte de Tocqueville », c'est aux éditions Robert Laffont, merci beaucoup.

Christine Kerdellant : Merci à vous.

Alexis ou la vie aventureuse du comte de Tocqueville Robert Laffont
  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • LIBRAIRE
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     « C'est un livre à la lecture plaisante, qui est très intéressante, qui parle d'un sujet qui est peu connu en France, parce qu'on connait peu Tocqueville et on connait encore moine De la démocratie en Amérique. »« Christine Kerdellant a eu la bonne idée de faire un roman, vivant, expliquant comment cette idée De la démocratie en Amérique est venue à Alexis de Tocqueville. Notamment à travers son voyage en Amérique, et aussi une histoire qu'on connait moins, c'est cette passion amoureuse qu'il a eue pour Marie qui...Alexis ou la vie aventureuse du comte de Tocqueville de Christine Kerdellant - Libraire - Suite