Marie-Eve Lacasse est canadienne mais depuis plus de dix ans, c'est en France qu'elle a choisi de s'installer. Journaliste, conceptrice-rédactrice, elle dirige aujourd'hui sa propre agence éditoriale. Si elle a déjà publié quelques ouvrages au Canada, le livre qui sort chez Flammarion peut toutefois être considéré comme son premier roman. Avec « Peggy dans les phares », Marie-Eve Lacasse nous raconte sincère mais tumultueuse entre deux femmes mais pas n'importe lesquelles, Françoise Sagan et Peggy Roche. Pendant près de vingt ans, presque secrètement, ces deux femmes se sont aimées passionnément, envers et contre tout. Et à la mort de Peggy Roche en 1991, Françoise Sagan entama sa descente aux enfers. Si chacun connait Françoise Saga, le charmant petit monstre de la littérature française, Peggy Roche reste un mystère. Mannequin, elle fut pourtant un nom reconnu et respecté de la haute couture. Mais comme si Sagan devait garder pour elle toute la lumière, Peggy Roche est toujours restée dans l'ombre de l'écrivain.
Avec pudeur et sensibilité, alternant les points de vue et les époques, Marie-Eve Lacasse restitue parfaitement l'univers de ces deux femmes d'exception, ce que fut leur histoire et leur amour. Ce premier roman de Marie-Eve Lacasse est parfaitement maîtrisé et si l'auteur reconnait ne pas avoir cherché à écrire une biographie ou à retranscrire la réalité, tant les zones d'ombre restent nombreuses, elle explique dans les dernières pages les raisons qui l'ont poussée à écrire ce livre et les appuis dont elle a bénéficié pour coller au plus près de la réalité des protagonistes tout en inventant les scènes qui se déroulent devant le lecteur. Denis Westhoff, le propre fils de Sagan a d'ailleurs lui-même encouragé le projet de l'auteur.
Joli roman teinté de mélancolie, histoire d'un amour caché, écriture subtile, le roman de Marie-Eve Lacasse « Peggy dans les phares » est publié chez Flammarion.

Philippe Chauveau :
Bonjour Marie-Eve Lacasse, « Peggy dans les phares » chez Flammarion est votre premier roman publié en France. Vous êtes d'origine canadienne, vous êtes installée en France depuis une dizaine d'années mais l'écrit faisait déjà partie de votre vie quand vous étiez au Canada. Pourquoi l'importance de l'écriture et de la lecture dans votre parcours ?

Marie-Eve Lacasse :
C'est une longue histoire, qui commence quand j'étais petite, j'ai grandi dans une famille tout à fait banale, dans une banlieue tout à fait ennuyeuse et l'accès au merveilleux, pour moi, se faissait par les livres. J'ai été passionnée par l'écriture très tôt et à l'âge de 14 ans, j'ai eu la possibilité de publier un recueil de nouvelles via un concours régional. Cela a été une sorte de morsure, de piqure.

Philippe Chauveau :
Pourquoi utilisez-vous les termes de morsures et piqures pour parler de la littérature, ce sont des termes plutôt négatifs ?

Marie-Eve Lacasse :
En fait l'écriture est une sorte de malédiction, une fois qu'on y a goûté et que ça nous plait vraiment, c'est très difficile d'y renoncer. C'est une pratique qui demande beaucoup de temps, d'énergie et de discipline. Je me suis rendu compte de cet amour de la littérature justement quand je me suis arrêtée d'écrire pendant plusieurs années pour faire autre chose, des études, travailler, avoir un enfant, etc.

Philippe Chauveau :
Quelles sont vos influences littéraires ?

Marie-Eve Lacasse :
Au début de ma vingtaine, j'aimais par-dessus tout Philippe Sollers, j'étais fascinée par son érudition, son style et les idées qu'il défendait. Lui-même est une bibliographie à lui tout seul !
Puis, petit à petit, je me suis détachée de cette figure pour m'intéresser à des auteurs de l'intime comme Hervé Guibert ou Annie Ernaux.

Philippe Chauveau :
Vous avez fait le choix de vivre en France, pourquoi ce choix ? Etait-ce par rapport à la vie culturelle française ?

Marie-Eve Lacasse :

Oui, Paris reste aujourd'hui la capitale de l'édition francophone, mais au-delà de ça, j'ai eu un choc quand j'ai visité la France ; je devais avoir 15 ans, c'était dans le Var. J'ai vu ces paysages magnifiques, j'avais mangé des choses excellentes et je me suis dit qu'il fallait que je vive dans ce pays. Et aujourd'hui je me sens bien ici !

Philippe Chauveau :
Si je comprends bien, vous vivez en France, ce qui était votre rêve, vous publiez en France votre premier roman, ce qui était aussi votre rêve. Est-ce un aboutissement ou le début d'une nouvelle vie ?

Marie-Eve Lacasse :
J'aimerais bien que ce soit le début d'une nouvelle vie mais on est à l'abri de rien. Mais je n'ai pas l'impression d'avoir volé ce que j'ai fait. C'est beaucoup de travail, s'adapter à un nouveau pays, être vulnérable aussi et c'est pour cela que j'ai mis si longtemps avant d'écrire à nouveau depuis mes premières publications au Canada.

Philippe Chauveau :
Marie-Eve Lacasse, vous êtes dans l'actualité avec ce livre chez Flammarion « Peggy dans les phares ».

Philippe Chauveau :
« Peggy dans les phares », c'est le titre que vous avez choisi pour ce roman publié chez Flammarion. Avec ce sous-titre « Peggy Roche et Françoise Sagan, 20 ans d'amour fou », on comprend de quoi il s'agit, cette belle et douloureuse histoire entre ces deux femmes. Pourquoi avez-vous eu envie de vous intéresser à elles ?

Marie-Eve Lacasse :
En fait, j'avais vu le film de Diane Kurys sur Françoise Sagan, dans lequel apparaissait Peggy Roche jouée par Jeanne Balibar. J'avais lu aussi quelques biographies de Sagan et j'étais étonnée qu'à chaque fois le personnage de Peggy Roche apparaisse comme une sorte d'ombre, qui n'était jamais vraiment mis en avant. Donc, je commence à faire quelques recherches sur elle et puis je ne trouve rien à part quelques photos sur le Net et leur histoire d'amour m'a intriguée.

Philippe Chauveau :
Ce qui est intéressant c'est que vous expliquez la genèse du roman, c'est à dire qu'il s'agit vraiment d'un roman. Vous avez essayé d'aller au plus près des personnages et après, vous avez laissé libre cours à votre plume romanesque. Rappelons que Françoise Sagan, c'était ce charmant petit monstre et elle se comportait un peu comme un monstre avec Peggy.

Marie-Eve Lacasse :
Oui, elle est très dure, mais il faut dire que dans la deuxième partie de sa vie, Sagan est assez malade, très dépendante de la drogue, elle est toujours aussi excessive, elle dépense beaucoup, elle ne vit que la nuit. Et Peggy Roche est toujours à son chevet, c'est à la fois un garde-fou, une infirmière, une confidente, une maman, une maitresse… Elle est son socle.

Philippe Chauveau :
Ce roman n'est pas chronologique puisque vous faites des allers-retours entre les années 50, 80 et 90. Vous vouliez quelque chose de très rythmé et que le lecteur soit embarqué avec vous dans cette histoire de vingt ans.

Marie-Eve Lacasse :
Oui et surtout je voulais mettre en place une vision kaléidoscopique de la mémoire. Peggy se rappelle de leur histoire, qui a commencé en 1954, et les souvenirs apparaissent non pas de manière chronologique, mais de manière cacophonique. J'ai voulu restituer ces mécanismes dans la mémoire, comment les souvenirs surgissent de manière désorganisée.

Philippe Chauveau :
Au-delà des personnalités, vous avez voulu raconter une histoire d'amour, c'est aussi simple que cela.

Marie-Eve Lacasse :
Oui et leur histoire d'amour n'est pas une romance, c'est ce que j'ai découvert en étudiant leur relation. C'est une histoire assez tiraillée, remplie de tromperiee, de coups bas et de moment de grâce, il y a une forme d'inquiétude permanente de la part de Peggy, du début de cette histoire jusqu'à sa mort. Et je me suis demandée si le moteur principal de leur histoire n'était pas cette inquiétude ?

Philippe Chauveau :
Maintenant que vous connaissez mieux ces personnages de Peggy Roche et Françoise Sagan, votre regard sur l'écriture et l'oeuvre de Sagan a-t-il changé ?

Marie-Eve Lacasse :
Oui il a changé parce que ce n'est pas une hagiographie, je pense que c'est un portrait de Sagan assez nuancé. Elle est un charmant petit monstre, donc il y a cette notion de monstre ; elle n'est pas que ce personnage léger, désinvolte, insouciant. C'est un personnage plus complexe.

Philippe Chauveau :
« Peggy dans les phares », votre premier roman publié en France Marie-Eve Lacasse, chez Flammarion. C'est un petit bijou, beaucoup de sensibilité pour raconter ces deux femmes, Peggy Roche et Françoise Sagan, un livre que je vous recommande particulièrement, merci beaucoup.