Quand il évoque son parcours d’auteur, Jérôme Loubry n’hésite pas à parler d’un conte de fées. Dès l’adolescence, dans sa ville natale de Saint Amand Montrond, il dévore les livres qu’un ami de la famille lui ramène de l’imprimerie locale, là où nombre de maisons d’éditions font publier leurs ouvrages. Mary Higgins Clark, James Elroy, Stephen King deviennent ainsi des familiers de Jérôme Loubry et auront une influence sur sa vie à venir. Nul doute que son envie d’écrire lui vient de là !
Après avoir...
Les refuges de Jérôme Loubry - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Jérôme Loubry. Vous êtes dans l'actualité avec « Les refuges ». C'est votre nouveau titre, publié chez Calmann-Lévy. C'est déjà votre troisième roman. Tout avait démarré avec « Les chiens de Détroit », puis « Le douzième chapitre ». Tout cela a été vite, trois romans en trois ans !
Jérôme Loubry :
Oui, très rapide, le premier est sorti en 2017, le deuxième en 2018 et le troisième il y a deux mois tout juste.
Philippe Chauveau :
Vous êtes maintenant bien positionné en...
Les refuges de Jérôme Loubry - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
"Nous fuyons tous quelque chose ou quelqu'un...". C'est ce qu'indique le bandeau sur la couverture de votre troisième roman Jérôme Loubry, « Les refuges ». Le titre est énigmatique. C'est votre troisième roman chez Calmann-Lévy. Vous faites partie des petits nouveaux dans le domaine du thriller et vous réussissez brillamment à nous faire peur. Je le précise, ce sont les toutes premières pages mais elles sont importantes. Nous sommes en 2019, dans une fac, à la faculté de Tours précisément, avec un...
Les refuges de Jérôme Loubry - Livre - Suite
Jérôme Loubry
Les refuges
Présentation 00'02'21"Quand il évoque son parcours d’auteur, Jérôme Loubry n’hésite pas à parler d’un conte de fées. Dès l’adolescence, dans sa ville natale de Saint Amand Montrond, il dévore les livres qu’un ami de la famille lui ramène de l’imprimerie locale, là où nombre de maisons d’éditions font publier leurs ouvrages. Mary Higgins Clark, James Elroy, Stephen King deviennent ainsi des familiers de Jérôme Loubry et auront une influence sur sa vie à venir. Nul doute que son envie d’écrire lui vient de là !
Après avoir longtemps laissé ses manuscrits dans un tiroir, il décide à la quarantaine de changer de vie et envoie à un éditeur ce qui sera son premier succès. Voilà comment, estampillé Calmann-Lévy, sort le 1er roman de Jérôme Loubry en 2017, « Les chiens de Detroit ». Il confirme l’année suivante avec « Le douzième chapitre ». Une écriture précise et addictive, une atmosphère finement travaillée, des intrigues pleines de rebondissements, des personnages complexes, Jérôme Loubry a su créer son univers. Mais il va même plus loin puisque chacun de ses romans est l’occasion d’aborder des thèmes sociétaux dont la fragilité de l’enfance est le fil rouge.
Voici le nouveau titre de Jérôme Loubry, « Les refuges » qui nous mène du Berry à la Normandie sur les traces de Sandrine. Si j’insiste sur ces lieux, c’est qu’ils ont un rôle essentiel dans l’intrigue. Nous sommes en 1986, Sandrine est une jeune journaliste, dans la rédaction d’un petit journal local. Elle apprend le décès de sa grand-mère qu’elle n’a jamais connue et qui vivait recluse sur une île abandonnée. Sandrine doit aller vider la maison. Mais ce qu’elle va découvrir est bien loin de tout ce qu’elle pouvait imaginer et Sandrine elle-même va se découvrir bien différente de ce qu’elle pensait être.
Vous allez avoir du mal à poser le livre avant le point final tant l’intrigue est habilement menée. Et cette histoire, aux portes de la folie, n’a pas fini de vous dérouter. Nul doute qu’Hitchcock lui-même aurait adoré ce roman.
Voilà un nouveau nom dans le domaine du thriller dont on n’a pas fini d’entendre parler.
« Les refuges », le nouveau roman de Jérôme Loubry, est publié chez Calmann-Lévy.
Jérôme Loubry
Les refuges
Portrait 00'05'57"Philippe Chauveau :
Bonjour Jérôme Loubry. Vous êtes dans l'actualité avec « Les refuges ». C'est votre nouveau titre, publié chez Calmann-Lévy. C'est déjà votre troisième roman. Tout avait démarré avec « Les chiens de Détroit », puis « Le douzième chapitre ». Tout cela a été vite, trois romans en trois ans !
Jérôme Loubry :
Oui, très rapide, le premier est sorti en 2017, le deuxième en 2018 et le troisième il y a deux mois tout juste.
Philippe Chauveau :
Vous êtes maintenant bien positionné en librairie mais cela a été un long cheminement puisqu'il y a eu une autre partie de votre vie avant, une autre activité professionnelle. Avec néanmoins toujours le goût des livres, le goût de l'écriture en tous les cas, le goût de la lecture. Je précise que vous êtes originaire du Berry, vous êtes né à Saint-Amand Montrond et si je le précise, c'est que cela a une importance dans votre vie d'auteur. Pourquoi ?Expliquez-nous.
Jérôme Loubry :
Oui, cela a une importance capitale pour moi puisqu'à Saint-Amand, il y a une imprimerie, l'imprimerie Bussière, qui est très connue dans le métier. Très tôt, j'ai été plongé dans les livres grâce à cette imprimerie puisque ma mère connaissait un ami qui travaillait là-bas et, régulièrement, il nous apportait un carton rempli de livres. On pouvait choisir ceux qui nous intéressait. Donc, j'ai vraiment été plongé rapidement dans Stephen King, Mary Higgins Clark… Tous les romans qui n'étaient pas encore sortis en librairie. Cela avait vraiment ce goût de trésors propres à l'enfance.
Philippe Chauveau :
Il y a aussi des auteurs français qui sont imprimés là-bas.
Jérôme Loubry :
Oui, Guillaume Musso par exemple.
Philippe Chauveau :
Beaucoup des grandes maisons d'édition françaises travaillent avec cette imprimerie. Je précise des auteurs français puisque vous citez des auteurs étrangers. Si on va un peu plus loin, en tant que lecteur, que ce soit à l'adolescence ou aujourd'hui à l'âge adulte, quels sont les auteurs qui vous font vibrer ? Vous avez choisi l'écriture du polar, du roman noir, du thriller plus précisément. En tant que lecteur, ce sont aussi vos goûts?
Jérôme Loubry :
Non, pas spécialement. Je suis plus attiré par la littérature classique, la littérature blanche, étrangère également. Mais dans les auteurs qui m'ont inspiré ou qui ont cheminé mon amour pour la littérature, il y a par exemple Albert Camus pour ce qui est français, James Elroy pour ce qui est du polar étranger. On trouve aussi Shakespeare, José Carlos Somoza qui est un psychologue espagnol qui écrit de très très bons thrillers et que je lis régulièrement, Céline avec « Le voyage au bout de la nuit » qui a été un choc dans ma vie de lecteur et beaucoup d'autres, principalement plus étrangers c'est vrai. Mais je commence à lire un peu plus d’auteurs rançais à présent.
Philippe Chauveau :
Vous êtes donc un lecteur éclectique. En préparant cette émission, vous m'avez confié qu'il y avait eu cette autre vie professionnelle avant qu'un jour, vers l'âge de 40 ans, un matin, vous vous réveillez avec l'envie de changer de parcours et de concrétiser le rêve de l'écriture. Cela veut dire que vous écriviez déjà pour vous personnellement. Mais pourquoi aviez-vous besoin d'écrire ?
Jérôme Loubry :
Je n'ai pas de réponse à cela. C'est vraiment un besoin viscéral qui vient de l'intime. J'ai commencé à écrire des nouvelles vers l'âge de 16 ans. Ensuite, j'ai souhaité agrandir les histoires et approfondir les personnages. Mais ces romans de jeunesse sont toujours restés dans un tiroir et ils le sont encore d'ailleurs ! Depuis l'âge de 9 ans, je voulais écrire un livre. J'avais demandé à ma mère une machine à écrire parce que je voulais écrire un texte qui soit vrai, qui ressemble à un vrai livre. Je l'ai rangé dans un coin de ma mémoire et puis après, la vie a fait que j'ai suivi d'autres chemins. Mais je n'ai jamais perdu ce sentiment qu'un jour, je serai écrivain. Je pensais que ce serait un peu plus tard. Je me voyais à la retraite en train d'écrire dans ma chambre mais j'ai toujours gardé ça en moi. Finalement, c'est ce qui est ressorti vers la quarantaine, quand j'ai décidé d'arrêter ma profession pour me lancer dans l'écriture de mon premier roman, « Les chiens de Détroit ».
Philippe Chauveau :
Cela veut dire aussi qu'à ce moment-là, vous vous sentez autorisé à envoyer votre manuscrit à un éditeur, ce que vous n'osiez peut-être pas faire avec vos précédents écrits. Pourquoi ce déclic ?
Jérôme Loubry :
Sans doute pour ne pas avoir de regrets, ne pas me dire dans quelques années : "J'aurais dû mais c'est trop tard." Je voulais vraiment aller au bout du processus pour cela.
Philippe Chauveau :
Lorsque l'on discute avec vos lecteurs, il y a des mots qui reviennent. "Ses livres m'empêchent de dormir. C'est addictif. J'adore avoir peur avec les livres de Jérôme Loubry." On l'a dit, cela fait trois ans maintenant que vous évoluez dans cet univers de la littérature, vous allez beaucoup en librairies, en médiathèques, en salons. Comment recevez-vous ces remarques de lecteurs ? Comment vivez-vous cette nouvelle notoriété ? Est-ce que, finalement, vous vous êtes découvert différemment en prenant la casquette d'auteur.
Jérôme Loubry :
C'est un peu un rêve éveillé. Voilà, c'est un gamin de 9 ans qui se lève et qui d'un coup est devenu écrivain ! Donc, je prends cela avec beaucoup de plaisir mais aussi avec une distance parce que je sais qu'il a fallu quand même plus de 30 ans pour arriver là. Mais je reconnais qu’il y a beaucoup de joie parce que là c'est mon troisième livre en trois ans et c'est assez rapide. Les livres ont été très bien reçus par les blogueurs, par la presse et par les critiques. Je prends ça vraiment, même si c'est intérieur, avec beaucoup de plaisir. J'ai toujours adoré me faire peur et c'est avec un certain plaisir que j'entends que c'est à mon tour de faire peur maintenant à travers mes écrits.
Philippe Chauveau :
Vous nous faites peur et vous le faites brillamment ! Jérôme Loubey, « Les refuges », votre nouveau titre chez Calmann-Lévy.
Jérôme Loubry
Les refuges
Livre 00'07'19"Philippe Chauveau :
"Nous fuyons tous quelque chose ou quelqu'un...". C'est ce qu'indique le bandeau sur la couverture de votre troisième roman Jérôme Loubry, « Les refuges ». Le titre est énigmatique. C'est votre troisième roman chez Calmann-Lévy. Vous faites partie des petits nouveaux dans le domaine du thriller et vous réussissez brillamment à nous faire peur. Je le précise, ce sont les toutes premières pages mais elles sont importantes. Nous sommes en 2019, dans une fac, à la faculté de Tours précisément, avec un professeur qui parle à ses élèves d'une affaire remontant à 1986. Et puis on va aller encore plus loin parce qu'à un moment, dans votre roman, on va remonter jusqu'en 1949. Et pendant tout le roman, vous allez juxtaposer ces différentes périodes en nous faisant découvrir différents personnages. Difficile de parler de votre roman sans en dire trop ! il y a Suzanne mais il y a surtout sa petite fille, Sandrine, qui est jeune journaliste en province. Elle vient de prendre un nouveau poste dans une petite ville de Normandie. Qui est-elle Sandrine ?
Jérôme Loubry :
C'est une jeune femme qui vient de Paris et qui travaille dans la petite rédaction d’un journal régional. C'est quelqu'un qui a des doutes sur elle-même, qui n'est pas sûre d'elle. Sandrine apprend par un notaire que sa grand-mère, qu'elle n'a jamais connue, vient de décéder. Sa propre mère lui disait que c'était une vieille folle qui vivait sur une île recluse et qui n'envoyait jamais une lettre ou un coup de téléphone pour les anniversaires ou autres. Donc, elle avait vraiment une image très négative de cette femme. Elle va donc, par curiosité notamment, se rendre sur cette île pour aller chercher les dernières affaires de la défunte mais dès qu'elle va mettre un pied sur cette île, elle va se rendre compte que l'atmosphère est étrange. Elle va rencontrer les derniers habitants de cette île qui ont connu sa grand-mère et eux vont lui dépeindre une femme complètement différente de ce qu'elle pensait.
Philippe Chauveau :
Beaucoup moins fantasque que ce qu'on lui avait dit finalement.
Jérôme Loubry :
Exactement, beaucoup plus joviale, agréable que ce que sa mère lui avait dit, quelqu'un sur qui on pouvait compter. Donc, Sandrine va être titillée par la curiosité de connaître un peu plus l'histoire de cette grand-mère.
Philippe Chauveau :
Dans les premières pages, dans les premiers chapitres, tout semble très clair, très cartésien. Il y a donc cette jeune femme avec son parcours professionnel et qui va partir sur les traces de sa grand-mère. Mais, très vite, il y a des éléments qui se révèlent assez surprenantes, assez surréalistes. Par exemple, la rencontre avec le notaire se passe bizarrement, lorsqu'elle prend le bateau pour aller sur cette île ce qu'on lui dit semble aussi assez étonnant. Parlons de cette île ? Comment l’avez-vous imaginée ? Sur cette île où vous allez entraîner Sandrine, vous avez choisi d'y implanter, dans les années 1950 un camp de vacances. Elle sort de votre imagination cette île ?
Jérôme Loubry :
Oui tout à fait. Je ne voulais pas me servir d'une île qui existe. Je voulais vraiment inventer cet endroit pour pouvoir y disposer ce camp de vacances construit à la sortie de la guerre et pour donner une teinte légèrement onirique ou fantastique. Je ne voulais pas que les lecteurs découvrent cette île en pensant à une île existante.
Philippe Chauveau :
Forcément, il va y avoir des situations surprenantes dans lesquelles Sandrine va se retrouver perdue. Mais, au-delà du côté thriller et roman noir que vous avez su écrire, vous abordez de nombreuses thématiques. Il y a les relations familiales, il y a la folie qui semblent planer sur certains personnages de ce roman. Et ainsi, le lecteur est interpellé. Il y a le plaisir de lecture bien sûr mais le lecteur est interpellé par les nombreuses thématiques que vous développez. C'était d'ailleurs déjà le cas dans « Le douzième chapitre ».
Pourquoi est-ce important pour vous, en tant qu'auteur, que ce ne soit pas une simple lecture, une lecture gratuite ?
Jérôme Loubry :
Quand j'écris un livre, je veux plonger le lecteur dans une atmosphère dérangeante. Je ne veux pas que ce soit une lecture facile, une lecture où on lit sans se poser de questions. Je veux un livre qui touche le lecteur, que ce soit par le sujet ou par les personnages. Ainsi, que ce soit le deuil, les relations familiales, Alzheimer par exemple comme dans « Le douzième chapitre », ce sont des sujets d'actualité, des sujets qui touchent tout le monde et j'aime travailler comme ça parce que cela positionne le lecteur dans une situation inconfortable.
Philippe Chauveau :
L'enfance est un fil rouge dans votre écriture. Pourquoi ? La fragilité de l'enfance, la violence de l'enfance, ce sont des thèmes que l'on retrouve dans vos romans.
Jérôme Loubry :
Pour moi, c'est important, et c'est le sujet de tous mes livres pour l'instant, c'est l'équilibre fragile, instable, de l'enfance. L’enfance peut être heureuse, fixe, définie mais elle peut parfois basculer, par des gestes extérieurs ou des rapports compliqués. Ce ne sont pas de mauvais souvenirs forcément mais des petites cicatrices qui, plus tard, s'ouvriront de toute manière. Donc, pour moi, c'est important de dire au lecteur, à ma façon, attention aux enfants. Une parole de trop ou un geste de trop peut laisser des cicatrices.
Philippe Chauveau :
Vous savez habilement brouiller les pistes, ce qui veut dire que le lecteur s'attache à des personnages qui ne sont pas forcément les plus sympathiques à la fin de l'histoire. Et puis, vous savez aussi nous nous mettre dans des situations qui parfois sont déroutantes. Et, au-delà du plaisir de lecture, il y a certains passages qui sont assez dérangeants. Etes-vous dans le même état d'esprit lorsque vous vous écrivez ?
Jérôme Loubry :
Pire ! Parce que, quand on écrit, quand on se plonge dans le personnage pour le décrire de la manière la plus juste, on partage ce que ce personnage vit, on partage ses souffrances ou ses joies. Notamment dans « Les refuges », j'étais content d'avoir terminé de l'écrire. Cela a été une écriture intense et, comme pour le lecteur que cela interpelle, parfois, ça fait un peu mal, il y a des situations qui peuvent être douloureuses à écrire. Donc, oui, vraiment, j'étais content d’avoir terminé ce roman et de sortir de ce personnage de Sandrine et de tout ce qui l'entoure. Il faut faire le deuil, se dire que lorsque le livre est terminé, il ne m'appartient plus. Il faut dire au revoir à Sandrine et aux autres personnages pour pouvoir avancer et recommencer.
Philippe Chauveau :
Voilà un livre qui se dévore de la première à la dernière page et vous n'êtes pas au bout de vos surprises, c'est une vraie réussite. Jérôme Loubry, « Les refuges » votre roman est publié chez Calmann-Lévy. Merci beaucoup.