Lorsque l'on est journaliste littéraire, on a la chance de faire souvent de belles rencontres, avec des auteurs consacrés, certes, mais aussi avec de jeunes écrivains dont l'enthousiasme, l'érudition, l'envie du partage, la discrétion et l'humilité peuvent vous toucher au plus haut point. C'est le cas avec Aurélien Delsaux. Découvert en 2014 avec « Madame Diogène » qui avait reçu un accueil très élogieux, Aurélien Delsaux confirme son talent avec « Sangliers ». Professeur de lettres, comédien lui-même à la tête...
Sangliers d'Aurélien Delsaux - Présentation - Suite
Philippe Chauveau : Bonjour Aurélien Delsaux.
Aurélien Delsaux : Bonjour Philippe. Philippe Chauveau : Votre actualité chez Albin Michel, « Sangliers ». Il y avait eu précédemment « Madame Diogène » qui avait été primé à plusieurs reprises. « Sangliers » reçoit notamment le prix SGSL Révélations 2017, mais on va faire un peu plus connaissance avant d'entrer précisément dans votre travail d'auteur. Vous vivez en Isère, vous avez fait ce choix de la vie en province, vous êtes professeur de lettres, vous...
Sangliers d'Aurélien Delsaux - Portrait - Suite
Philippe Chauveau : Dans ce nouveau roman, « Sangliers », avec cette couverture très colorée, vous nous emmenez dans une région que vous connaissez bien puisque c'est votre région. Nous sommes entre le Dauphiné et l'Isère, nous allons nous retrouver dans une petite commune qui s'appelle Les Feuges, ce n'est pas vraiment un village complètement isolé, c'est un village qui grossit parce qu'on est dans une zone péri-urbaine ; cela ressemble à ces territoires un peu oubliés mais qui existent dans notre pays. Pourquoi...
Sangliers d'Aurélien Delsaux - Livre - Suite
Aurélien Delsaux
Sangliers
Présentation 2'38"Lorsque l'on est journaliste littéraire, on a la chance de faire souvent de belles rencontres, avec des auteurs consacrés, certes, mais aussi avec de jeunes écrivains dont l'enthousiasme, l'érudition, l'envie du partage, la discrétion et l'humilité peuvent vous toucher au plus haut point. C'est le cas avec Aurélien Delsaux. Découvert en 2014 avec « Madame Diogène » qui avait reçu un accueil très élogieux, Aurélien Delsaux confirme son talent avec « Sangliers ». Professeur de lettres, comédien lui-même à la tête d'une troupe de théâtre, Aurélien Delsaux a fait le choix d'une vie familiale, en province, en Isère précisément. C'est dans cette région qu'il connait bien qu'il situe le cadre de son nouveau roman. Nous sommes dans un village, pas très loin de la ville, dans une campagne doucement grignotée par l'invasion urbaine. Des zones pavillonnaires s'étalent quand les maisons en pierres sèches s'effondrent à deux pas d'ici. Dans ce décor où les paysages et les ambiances feront partie intégrante de l'intrigue se croisent divers personnages qui forment communauté. Il y a cette vieille, un peu folle, un peu sorcière qui vit dans sa crasse et terrorise les enfants, les vieux qui sont la mémoire mais ne sont plus écoutés et attendent du matin au soir, assis devant la maison, des jeunes qui rêvent de la ville et se vengent par une agressivité permanente. Certaines familles font régner leur loi ; celui qu'on appelle le chef a la main un peu leste sur ses enfants et sa femme qu'il appelle la grosse. Il y aussi ce prof un peu paumé, ce jeune couple dont le mari est militaire, cet artiste un peu bobo ou encore ce jeune veuf venu se reconstruire dans cet univers à l'opposé de celui qu'il a connu jusqu'alors. Mille histoires en une dans ce roman qui nous parle d'une France dont on ne parle pas, ces territoires oubliés, si proches et si loin, ces zones rurales où la violence est bien présente, sous diverses formes. Roman sociétal et politique, vision douloureuse de notre époque, « Sangliers » est un roman âpre, difficile, sombre. Un roman qui bouscule et dont on ne sort pas indemne. Et pourtant, parce que de l'obscurité nait l'espérance, Aurélien Delsaux nous montre aussi des paysages qui ressemble à l?aube du premier matin, des personnages qui avancent, coûte que coûte. Et son roman se fait alors lyrique, poétique, émouvant, d'une douceur hypnotique. Un grand roman assurément, et un écrivain qui deviendra grand, assurément.
« Sangliers » d'Aurélien Delsaux est publié chez Albin Michel.
Lorsque l'on est journaliste littéraire, on a la chance de faire souvent de belles rencontres, avec des auteurs consacrés, certes, mais aussi avec de jeunes écrivains dont l'enthousiasme, l'érudition, l'envie du partage, la discrétion et l'humilité peuvent vous toucher au plus haut point. C'est le cas avec Aurélien Delsaux. Découvert en 2014 avec « Madame Diogène » qui avait reçu un accueil très élogieux, Aurélien Delsaux confirme son talent avec « Sangliers ». Professeur de lettres, comédien lui-même à la tête d'une troupe de théâtre, Aurélien Delsaux a fait le choix d'une vie familiale, en province, en Isère précisément. C'est dans cette région qu'il connait bien qu'il situe le cadre de son nouveau roman. Nous sommes dans un village, pas très loin de la ville, dans une campagne doucement grignotée par l'invasion urbaine. Des zones pavillonnaires s'étalent quand les maisons en pierres sèches s'effondrent à deux pas d'ici. Dans ce décor où les paysages et les ambiances feront partie intégrante de l'intrigue se croisent divers personnages qui forment communauté. Il y a cette vieille, un peu folle, un peu sorcière qui vit dans sa crasse et terrorise les enfants, les vieux qui sont la mémoire mais ne sont plus écoutés et attendent du matin au soir, assis devant la maison, des jeunes qui rêvent de la ville et se vengent par une agressivité permanente. Certaines familles font régner leur loi ; celui qu'on appelle le chef a la main un peu leste sur ses enfants et sa femme qu'il appelle la grosse. Il y aussi ce prof un peu paumé, ce jeune couple dont le mari est militaire, cet artiste un peu bobo ou encore ce jeune veuf venu se reconstruire dans cet univers à l'opposé de celui qu'il a connu jusqu'alors. Mille histoires en une dans ce roman qui nous parle d'une France dont on ne parle pas, ces territoires oubliés, si proches et si loin, ces zones rurales où la violence est bien présente, sous diverses formes. Roman sociétal et politique, vision douloureuse de notre époque, « Sangliers » est un roman âpre, difficile, sombre. Un roman qui bouscule et dont on ne sort pas indemne. Et pourtant, parce que de l'obscurité nait l'espérance, Aurélien Delsaux nous montre aussi des paysages qui ressemble à l'aube du premier matin, des personnages qui avancent, coûte que coûte. Et son roman se fait alors lyrique, poétique, émouvant, d'une douceur hypnotique. Un grand roman assurément, et un écrivain qui deviendra grand, assurément.
« Sangliers » d'Aurélien Delsaux est publié chez Albin Michel.
Aurélien Delsaux
Sangliers
Portrait 6'15"Portrait
Philippe Chauveau : Bonjour Aurélien Delsaux.
Aurélien Delsaux : Bonjour Philippe.
Philippe Chauveau : Votre actualité chez Albin Michel, « Sangliers ». Il y avait eu précédemment « Madame Diogène » qui avait été primé à plusieurs reprises. « Sangliers » reçoit notamment le prix SGSL Révélations 2017, mais on va faire un peu plus connaissance avant d'entrer précisément dans votre travail d'auteur. Vous vivez en Isère, vous avez fait ce choix de la vie en province, vous êtes professeur de lettres, vous animez une troupe de théâtre… En quelques mots, qui êtes-vous Aurélien Delsaux ?
Aurélien Delsaux : Je suis professeur de français en disponibilité, j'écris mais j'ai du mal à dire « je suis écrivain » Philippe Chauveau : Pourquoi avez-vous du mal à dire que vous êtes écrivain ?
Aurélien Delsaux : Je trouve que le mot est un peu lourd mais bon... j'écris des romans, j'écris des pièces de théâtre, j'écris de la poésie. Philippe Chauveau : Le choix de l'enseignement, professeur de lettres, vient d'un goût pour la littérature à la base ? Aurélien Delsaux : Un goût pour la transmission peut-être d'abord, parce que j'ai également enseigné le théâtre. Un goût pour les textes, pour le fait de dire des textes, de les faire passer.
Philippe Chauveau : Qui vous fait découvrir le plaisir du livre ? Aurélien Delsaux : Ce sont plusieurs personnes. Mon père me lisait les « Trois petits cochons » tous les soirs parce que je le lui demandais tous les soirs, jusqu'à ce qu'il décide de changer des passages et que j'ai envie de corriger, de raconter ma propre histoire, c'est une anecdote vraiment bête ! Philippe Chauveau : Mais révélatrice…
Aurélien Delsaux : Oui, je crois qu'il y a quelque chose qui part de là. Ma mère était institutrice, il y avait les livres de « L'Ecole de loisirs ». Et il y a des rencontres de professeurs qui m'ont poussé à écrire. La rencontre la plus forte a été madame Reine, mon proffsseur de 3e qui passait des cours entiers à nous faire écrire et qui un jour m'a pris à part, en fin de cours, et m'a dit « tu auras une vie extraordinaire » parce qu'elle m'avait lu, et c'est elle qui m'a envoyé au lycée à Grenoble. C'est quelqu'un qui m'a fait entrer dans une trajectoire d'écriture.
Philippe Chauveau : Les rencontres qui font une vie finalement... Y a-t-il des titres qui vous ont façonné ? Que ce soient des auteurs contemporains ou classiques ? Est ce qu'il y a des livres qui vous ont fait grandir ?
Aurélien Delsaux : Oui, adolescent j'ai eu une passion pour l'écriture de Christian Bobin, que je lis moins, que je lis autrement ; mais j'avoue que « Le Très-Bas » de Christian Bobin m'a beaucoup marqué, que madame Reine, ce professeur de français, m'a fait découvrir. Et puis, un peu plus tard, Camus avec « La peste » et « Les justes ». Bernanos dans un autre genre, notemment pour ses essais, « Les grands cimetières sous la lune », une écriture prophétique qui secoue toute une époque, qui n'a pas peur d'affronter une réalité que personne ne veut voir. Ce sont des livres qui m'ont beaucoup marqué.
Philippe Chauveau : Vous nous avez fait comprendre que le goût de l'écriture a été là de façon très précoce. A partir de quel moment vous dîtes-vous : « je veux écrire un roman » ?
Aurélien Delsaux : Très tôt, au lycée j'ai écrit un premier roman, qui ne vaut rien, qui est caché dans un tiroir aujourd'hui, mais qui a eu son petit succès local... C'est très mystérieux, j'ai du mal avec le mot écrivain, et pourtant très tôt j'ai su que cela ferait partie de ma vie.
Philippe Chauveau : Pourquoi ce besoin d'écriture ?
Aurélien Delsaux : C'est très mystérieux, le sentiment d'avoir quelque chose à dire, cela peut paraître très vaniteux, mais ne pas pouvoir rester seul avec trop de mots en soi. Je suis de tradition catholique et je pense qu'il y a un rapport mystérieux avec la messe, avec le fait d'entendre professer une parole qui doit s'incarner, qui peut changer des choses. Je ne crois pas que les livres soient des choses mortes. Je considère les livres comme un objet sacré, un objet sacré peut être aussi un objet quotidien. Et je crois que le livre a un pouvoir que certains diraient magique mais je préfère le mot sacré.
Philippe Chauveau : Avez-vous l'impression d'écrire vous-même votre propre destin d'auteur ou avez-vous l'impression qu'on écrit pour vous votre destin ?
Aurélien Delsaux : Je ne crois pas que les choses soient écrites d'avance, mais, par contre, qu'on répond ou pas à certains appels, oui. Donc j'essaie de répondre à des appels par l'écriture. Philippe Chauveau : Cela vous rend heureux l'écriture ?
Aurélien Delsaux : Oui, beaucoup. C 'est difficile aussi mais en tout cas c'est nécessaire.
Philippe Chauveau : Votre actualité Aurélien Delsaux, « Sangliers », chez Albin Michel.
Philippe Chauveau : Bonjour Aurélien Delsaux.
Aurélien Delsaux : Bonjour Philippe. Philippe Chauveau : Votre actualité chez Albin Michel, « Sangliers ». Il y avait eu précédemment « Madame Diogène » qui avait été primé à plusieurs reprises. « Sangliers » reçoit notamment le prix SGSL Révélations 2017, mais on va faire un peu plus connaissance avant d'entrer précisément dans votre travail d'auteur. Vous vivez en Isère, vous avez fait ce choix de la vie en province, vous êtes professeur de lettres, vous animez une troupe de théâtre… En quelques mots, qui êtes-vous Aurélien Delsaux ?
Aurélien Delsaux : Je suis professeur de français en disponibilité, j'écris mais j'ai du mal à dire « je suis écrivain »
Philippe Chauveau : Pourquoi avez-vous du mal à dire que vous êtes écrivain ?
Aurélien Delsaux : Je trouve que le mot est un peu lourd mais bon... j'écris des romans, j'écris des pièces de théâtre, j'écris de la poésie. Philippe Chauveau : Le choix de l'enseignement, professeur de lettres, vient d'un goût pour la littérature à la base ? Aurélien Delsaux : Un goût pour la transmission peut-être d'abord, parce que j'ai également enseigné le théâtre. Un goût pour les textes, pour le fait de dire des textes, de les faire passer.
Philippe Chauveau : Qui vous fait découvrir le plaisir du livre ? Aurélien Delsaux : Ce sont plusieurs personnes. Mon père me lisait les « Trois petits cochons » tous les soirs parce que je le lui demandais tous les soirs, jusqu'à ce qu'il décide de changer des passages et que j'ai envie de corriger, de raconter ma propre histoire, c'est une anecdote vraiment bête ! Philippe Chauveau : Mais révélatrice…
Aurélien Delsaux : Oui, je crois qu'il y a quelque chose qui part de là. Ma mère était institutrice, il y avait les livres de « L'Ecole de loisirs ». Et il y a des rencontres de professeurs qui m'ont poussé à écrire. La rencontre la plus forte a été madame Reine, mon proffsseur de 3e qui passait des cours entiers à nous faire écrire et qui un jour m'a pris à part, en fin de cours, et m'a dit « tu auras une vie extraordinaire » parce qu'elle m'avait lu, et c'est elle qui m'a envoyé au lycée à Grenoble. C'est quelqu'un qui m'a fait entrer dans une trajectoire d'écriture.
Philippe Chauveau : Les rencontres qui font une vie finalement... Y a-t-il des titres qui vous ont façonné ? Que ce soient des auteurs contemporains ou classiques ? Est ce qu'il y a des livres qui vous ont fait grandir ?
Aurélien Delsaux : Oui, adolescent j'ai eu une passion pour l'écriture de Christian Bobin, que je lis moins, que je lis autrement ; mais j'avoue que « Le Très-Bas » de Christian Bobin m'a beaucoup marqué, que madame Reine, ce professeur de français, m'a fait découvrir. Et puis, un peu plus tard, Camus avec « La peste » et « Les justes ». Bernanos dans un autre genre, notemment pour ses essais, « Les grands cimetières sous la lune », une écriture prophétique qui secoue toute une époque, qui n'a pas peur d'affronter une réalité que personne ne veut voir. Ce sont des livres qui m'ont beaucoup marqué.
Philippe Chauveau : Vous nous avez fait comprendre que le goût de l'écriture a été là de façon très précoce. A partir de quel moment vous dîtes-vous : « je veux écrire un roman » ?
Aurélien Delsaux : Très tôt, au lycée j'ai écrit un premier roman, qui ne vaut rien, qui est caché dans un tiroir aujourd'hui, mais qui a eu son petit succès local... C'est très mystérieux, j'ai du mal avec le mot écrivain, et pourtant très tôt j'ai su que cela ferait partie de ma vie.
Philippe Chauveau : Pourquoi ce besoin d'écriture ?
Aurélien Delsaux : C'est très mystérieux, le sentiment d'avoir quelque chose à dire, cela peut paraître très vaniteux, mais ne pas pouvoir rester seul avec trop de mots en soi. Je suis de tradition catholique et je pense qu'il y a un rapport mystérieux avec la messe, avec le fait d'entendre professer une parole qui doit s'incarner, qui peut changer des choses. Je ne crois pas que les livres soient des choses mortes. Je considère les livres comme un objet sacré, un objet sacré peut être aussi un objet quotidien. Et je crois que le livre a un pouvoir que certains diraient magique mais je préfère le mot sacré.
Philippe Chauveau : Avez-vous l'impression d'écrire vous-même votre propre destin d'auteur ou avez-vous l'impression qu'on écrit pour vous votre destin ?
Aurélien Delsaux : Je ne crois pas que les choses soient écrites d'avance, mais, par contre, qu'on répond ou pas à certains appels, oui. Donc j'essaie de répondre à des appels par l'écriture.
Philippe Chauveau : Cela vous rend heureux l'écriture ? Aurélien Delsaux : Oui, beaucoup. C 'est difficile aussi mais en tout cas c'est nécessaire. Philippe Chauveau : Votre actualité Aurélien Delsaux, « Sangliers », chez Albin Michel.
Aurélien Delsaux
Sangliers
Livre 7'52"Livre
Philippe Chauveau : Dans ce nouveau roman, « Sangliers », avec cette couverture très colorée, vous nous emmenez dans une région que vous connaissez bien puisque c'est votre région. Nous sommes entre le Dauphiné et l'Isère, nous allons nous retrouver dans une petite commune qui s'appelle Les Feuges, ce n'est pas vraiment un village complètement isolé, c'est un village qui grossit parce qu'on est dans une zone péri-urbaine ; cela ressemble à ces territoires un peu oubliés mais qui existent dans notre pays. Pourquoi avez-vous fait le choix de placer votre action dans ce territoire que vous connaissez si bien et que vous aimez en plus ?
Aurélien Delsaux : Justement parce que je l'aime et que j'avais envie de le dire, ce paysage. Un paysage que Berlioz a connu. C'est un paysage qui donne envie de créer, qui donne envie de parler de lui. En même temps, le paysage du roman, c'est un paysage inspiré de la réalité, mais ce n'est pas vraiment un paysage littéraire. Un paysage qui part du réel et qui s'invente lui-même, et qui devient un véritable personnage, ce n'est pas seulement un décor interchangeable avec un autre. Le paysage dans le roman agit sur les personnages.
Philippe Chauveau : Le paysage est un personnage à part entière mais il y a aussi toute une galerie de personnages qui eux aussi sont inspirés de… Ce sont des gens que vous avez pu croisez ?
Aurélien Delsaux : Pas directement. Tous les personnages sont en partie inspirés de personnes qui existent mais ce sont des mélanges. Je voulais montrer que la campagne d'aujourd'hui, sociologiquement, est d'une grande diversité. Il n'y a pas que des paysans à la campagne, il y a des artistes, des intellos, des gens de milieux très divers qui sont côte à côte sans forcément se croiser.
Philippe Chauveau : Il est important de préciser qu'il ne s'agit absolument pas d'un roman de terroir. On est dans l'esprit d'un roman politique, sociétal, puisque vous nous parlez de ces campagnes qui se meurent, qui sont plus ou moins grignotées par des zones péri-urbaines, par des zones commerciales ou industrielles, vous nous parlez de ces gens qui parfois, par manque de moyens se retrouvent à vivre dans des zones campagnardes alors qu'ils rêveraient de vivre en centre-ville, vous aviez aussi envie de montrer la rudesse de ces territoires dont on ne parle pas ?
Aurélien Delsaux : Exactement. Roman politique, j'accepte tout à fait le qualificatif. C'est un discours qui est politique sans être marqué dans un parti mais ce sont des choses qu'on a en tête : les services publiques qui disparaissent, les lignes de trains qui ferment. Il me semble que cela doit être raconté. Un roman doit servir aussi à pousser à bout une hypothèse. Je me positionne en tant que romancier/artiste, je dis mon cauchemar.
Philippe Chauveau : Vous parlez de ce cauchemar dont vous avez peur, mais vous l'avez aussi précisé, dans ce roman il y a le beau et le monstrueux ; il y a des passages très violents, pleins d'agressivité. Et il y a aussi, parfois, cette nature qui est si belle, le coucher de soleil sur les pierres. Il y a des descriptions de paysages qui sont magnifiques parce que c'est cela aussi la campagne. Quels ont été vos inspirations pour écrire ce roman ? On a parlé de Faulkner, on a parlé de Giono, on a parlé de Julien Gracq en lisant votre roman. Vous prenez tout cela j'imagine… Etes-vous d'accord avec ces inspirations ?
Aurélien Delsaux : Il y a consciemment la volonté d'une littérature qui dit oui et qui dit non, d'une littérature qui assume le politique, l'histoire, les combats, le refus de ce qui arrive et en même temps qui dit oui au monde, à la nature. Je n'ai pas envie de choisir entre une littérature qui se contenterait de roucouler sur les beautés du monde et une littérature qui ne serait qu'engagement, poing levé, vocifération.. Non ! J'avais envie, je ne sais pas si j'y suis arrivé, de quelque chose qui peut dire la révolte et la gratitude.
Philippe Chauveau : Avec ce livre, vous avez envie de parler d'un monde qui est fini, celui de nos campagnes, et aussi d'un monde en devenir, qu'on ne connaît pas encore, le monde de nos campagnes de demain, que l’on envisage avec une certaine appréhension. Votre roman est contemporain, pendant les premières pages nous ne savons pas à quelle période nous sommes, et puis petit à petit, quelques détails vont nous donner des dates bien précises. On ne va pas rentrer dans les détails, mais c'était important pour vous de nous faire comprendre que l'actualité touchait aussi les campagnes ?
Aurélien Delsaux : Oui, c'est le roman qui m'a rattrapé. Je situais le roman un peu plus tôt mais l'actualité a été si forte qu'elle est entrée dans le roman, je n'ai pas eu le choix. Effectivement c'est en ça aussi que ce n'est pas un roman de terroir. Ce n'est pas un roman qui enferme dans un territoire mais au contraire, essaie de montrer que ce territoire à des liens très éloignés dans l'espace et très éloignés dans le temps.
Philippe Chauveau : Vous avez remarqué que volontairement je ne suis pas rentré dans l'intrigue parce qu'il y a plusieurs histoires en une. Il y a tous ces personnages qui s'entrechoquent, qui se croisent, qui se confrontent. On l'a dit en préambule le décor est important, l'ambiance est importante, il fait souvent chaud dans votre roman, on sent que la tension monte petit à petit, on sent que la violence est partout même si il y a de beaux paysages de campagnes. Vous vouliez qu'il y ait cette tension permanente pour arriver à une chute qu'on ne dévoilera pas ici ? Vous vouliez que le lecteur soit un peu embrigadé dans cette tension ?
Aurélien Delsaux : Oui je voulais que la tension monte, qu'on sente qu'un coup allait partir mais qu'on ne sache absolument pas d'où, ni qui il allait viser... Et effectivement j'ai essayé de tenir plusieurs fils : le fil politique mais aussi le fil géologique, climatique. Qu'on sente comme si à la fois les éléments naturels et les éléments politiques se liguaient contre ce petit hameau ; il y a une petite ambiance d'apocalypse dans le roman. On sent que l'on est dans un moment ou les temps changent, dans un moment de crise. Et encore une fois, ce n'est pas que dénoncer, c'est aussi louer, c'est aussi dire ce qui est beau et espérer. On peut dire que le roman est noir, mais il y a de l'espérance. L'espérance ne vient que dans la nuit, l'espérance ne vient pas quand tout va bien.
Philippe Chauveau : On va vous suivre avec beaucoup d'intérêt. L'espérance naît dans la nuit... « Sangliers », c'est votre actualité
Aurélien Delsaux, vous venez de recevoir le prix Révélation de la SGDL. Merci beaucoup. Vous êtes publié chez Albin Michel.
Philippe Chauveau : Dans ce nouveau roman, « Sangliers », avec cette couverture très colorée, vous nous emmenez dans une région que vous connaissez bien puisque c'est votre région. Nous sommes entre le Dauphiné et l'Isère, nous allons nous retrouver dans une petite commune qui s'appelle Les Feuges, ce n'est pas vraiment un village complètement isolé, c'est un village qui grossit parce qu'on est dans une zone péri-urbaine ; cela ressemble à ces territoires un peu oubliés mais qui existent dans notre pays. Pourquoi avez-vous fait le choix de placer votre action dans ce territoire que vous connaissez si bien et que vous aimez en plus ?
Aurélien Delsaux : Justement parce que je l'aime et que j'avais envie de le dire, ce paysage. Un paysage que Berlioz a connu. C'est un paysage qui donne envie de créer, qui donne envie de parler de lui. En même temps, le paysage du roman, c'est un paysage inspiré de la réalité, mais ce n'est pas vraiment un paysage littéraire. Un paysage qui part du réel et qui s'invente lui-même, et qui devient un véritable personnage, ce n'est pas seulement un décor interchangeable avec un autre. Le paysage dans le roman agit sur les personnages.
Philippe Chauveau : Le paysage est un personnage à part entière mais il y a aussi toute une galerie de personnages qui eux aussi sont inspirés de… Ce sont des gens que vous avez pu croisez ?
Aurélien Delsaux : Pas directement. Tous les personnages sont en partie inspirés de personnes qui existent mais ce sont des mélanges. Je voulais montrer que la campagne d'aujourd'hui, sociologiquement, est d'une grande diversité. Il n'y a pas que des paysans à la campagne, il y a des artistes, des intellos, des gens de milieux très divers qui sont côte à côte sans forcément se croiser.
Philippe Chauveau : Il est important de préciser qu'il ne s'agit absolument pas d'un roman de terroir. On est dans l'esprit d'un roman politique, sociétal, puisque vous nous parlez de ces campagnes qui se meurent, qui sont plus ou moins grignotées par des zones péri-urbaines, par des zones commerciales ou industrielles, vous nous parlez de ces gens qui parfois, par manque de moyens se retrouvent à vivre dans des zones campagnardes alors qu'ils rêveraient de vivre en centre-ville, vous aviez aussi envie de montrer la rudesse de ces territoires dont on ne parle pas ?
Aurélien Delsaux : Exactement. Roman politique, j'accepte tout à fait le qualificatif. C'est un discours qui est politique sans être marqué dans un parti mais ce sont des choses qu'on a en tête : les services publiques qui disparaissent, les lignes de trains qui ferment. Il me semble que cela doit être raconté. Un roman doit servir aussi à pousser à bout une hypothèse. Je me positionne en tant que romancier/artiste, je dis mon cauchemar.
Philippe Chauveau : Vous parlez de ce cauchemar dont vous avez peur, mais vous l'avez aussi précisé, dans ce roman il y a le beau et le monstrueux ; il y a des passages très violents, pleins d'agressivité. Et il y a aussi, parfois, cette nature qui est si belle, le coucher de soleil sur les pierres. Il y a des descriptions de paysages qui sont magnifiques parce que c'est cela aussi la campagne. Quels ont été vos inspirations pour écrire ce roman ? On a parlé de Faulkner, on a parlé de Giono, on a parlé de Julien Gracq en lisant votre roman. Vous prenez tout cela j'imagine… Etes-vous d'accord avec ces inspirations ?
Aurélien Delsaux : Il y a consciemment la volonté d'une littérature qui dit oui et qui dit non, d'une littérature qui assume le politique, l'histoire, les combats, le refus de ce qui arrive et en même temps qui dit oui au monde, à la nature. Je n'ai pas envie de choisir entre une littérature qui se contenterait de roucouler sur les beautés du monde et une littérature qui ne serait qu'engagement, poing levé, vocifération.. Non ! J'avais envie, je ne sais pas si j'y suis arrivé, de quelque chose qui peut dire la révolte et la gratitude.
Philippe Chauveau : Avec ce livre, vous avez envie de parler d'un monde qui est fini, celui de nos campagnes, et aussi d'un monde en devenir, qu'on ne connaît pas encore, le monde de nos campagnes de demain, que l’on envisage avec une certaine appréhension. Votre roman est contemporain, pendant les premières pages nous ne savons pas à quelle période nous sommes, et puis petit à petit, quelques détails vont nous donner des dates bien précises. On ne va pas rentrer dans les détails, mais c'était important pour vous de nous faire comprendre que l'actualité touchait aussi les campagnes ? Aurélien Delsaux : Oui, c'est le roman qui m'a rattrapé. Je situais le roman un peu plus tôt mais l'actualité a été si forte qu'elle est entrée dans le roman, je n'ai pas eu le choix. Effectivement c'est en ça aussi que ce n'est pas un roman de terroir. Ce n'est pas un roman qui enferme dans un territoire mais au contraire, essaie de montrer que ce territoire à des liens très éloignés dans l'espace et très éloignés dans le temps.
Philippe Chauveau : Vous avez remarqué que volontairement je ne suis pas rentré dans l'intrigue parce qu'il y a plusieurs histoires en une. Il y a tous ces personnages qui s'entrechoquent, qui se croisent, qui se confrontent. On l'a dit en préambule le décor est important, l'ambiance est importante, il fait souvent chaud dans votre roman, on sent que la tension monte petit à petit, on sent que la violence est partout même si il y a de beaux paysages de campagnes. Vous vouliez qu'il y ait cette tension permanente pour arriver à une chute qu'on ne dévoilera pas ici ? Vous vouliez que le lecteur soit un peu embrigadé dans cette tension ?
Aurélien Delsaux : Oui je voulais que la tension monte, qu'on sente qu'un coup allait partir mais qu'on ne sache absolument pas d'où, ni qui il allait viser... Et effectivement j'ai essayé de tenir plusieurs fils : le fil politique mais aussi le fil géologique, climatique. Qu'on sente comme si à la fois les éléments naturels et les éléments politiques se liguaient contre ce petit hameau ; il y a une petite ambiance d'apocalypse dans le roman. On sent que l'on est dans un moment ou les temps changent, dans un moment de crise. Et encore une fois, ce n'est pas que dénoncer, c'est aussi louer, c'est aussi dire ce qui est beau et espérer. On peut dire que le roman est noir, mais il y a de l'espérance. L'espérance ne vient que dans la nuit, l'espérance ne vient pas quand tout va bien.
Philippe Chauveau : On va vous suivre avec beaucoup d'intérêt. L'espérance naît dans la nuit... « Sangliers », c'est votre actualité Aurélien Delsaux, vous venez de recevoir le prix Révélation de la SGDL. Merci beaucoup. Vous êtes publié chez Albin Michel.