Serge Toubiana

Serge Toubiana

Le fils de la maitresse

Portrait 00'07'54"

Philippe Chauveau: Bonjour Serge Toubiana.

Serge Toubiana : Bonjour

Philippe Chauveau : Merci d'être avec nous pour présenter ce livre publié chez Arléa : Le fils de la maîtresse, qui prend place dans une série de livres, de livres, de souvenirs notamment que vous avez déjà commis. Mais c'est vrai que lorsque l'on prononce votre nom, Serge Toubiana, c'est tout de suite l'écran qui jaillit, puisque vous êtes un grand nom du monde du cinéma.

Philippe Chauveau : Il y a eu Les Cahiers du cinéma en tant que journaliste, que rédacteur en chef. Et puis aujourd'hui, Unifrance. Cette passion du cinéma, vous l'avez racontée dans certains de vos ouvrages. Mais comment naît-elle ? Pourquoi avez vous été fasciné depuis votre enfance par la magie du cinéma ?

Serge Toubiana : D’abord, je crois que tous ceux qui aiment le cinéma l'aiment depuis qu’ils sont enfants.

Serge Toubiana: Je ne connais pas d'adulte qui découvre le cinéma. Voyez le cinéma, ça fait, ça rentre dans, c'est rentré dans ma vie quand j'avais sept ou huit ans. Je suis né à Sousse, une ville, une jolie petite ville de Tunisie, et c'était il y a longtemps, je suis né en 49. Dans toutes les années 50, on avait deux loisirs possibles : la plage quand il faisait, en été, on se baignait tout le temps.

Serge Toubiana : Je le raconte dans le livre, je parle de mes bains de mer avec ma mère et mes deux sœurs, avant que mon frère naisse, plus tard. Et puis le cinéma, mes parents nous encourageaient à aller au cinéma. Et puis, dans les années d'adolescence, nous sommes arrivés en 1962 à Grenoble. Ma mère a été muté à Grenoble. Là, j'ai fondé un ciné club au lycée Champollion,

Serge Toubiana : j'ai découvert des films. J'ai eu une révélation dans ma vie, dans ma jeunesse, ça a été Pierrot le fou de Jean-Luc Godard : 1965, Pierrot le fou, Jean-Luc Godard, Belmondo, Karina. J'avais seize ans. Ça a été une révélation.

Philippe Chauveau : Vous avez l'impression qu'à ce moment là, alors il y avait eu Pierrot le fou, la Strada aussi, qui, plus jeune, avait été marquant.

Serge Toubiana :L’Astrada, c’est un traumatisme

Philippe Chauveau : Vous l'avez raconté dans un précédent ouvrage. Mais ça veut dire que très vite, vous vous dites, « le cinéma, ce sera mon avenir professionnel » ?

Serge Toubiana : Pas du tout. Ce n'est pas du tout, en terme professionnel, ce n'est pas du tout.

Philippe Chauveau :Vous saviez que ce serait une passion pour la vie

Serge Toubiana :Une passion d'enfance, puis d'adolescence. A l'époque, on ne se posait pas les problèmes.

Serge Toubiana : Je n'avais pas la maturité pour me dire que j'en ferai un métier. Je ne savais pas quels étaient les métiers du cinéma. Tout d'un coup, le cinéma m’est apparu ou réapparut comme une espèce de vocation. Je ne sais pas laquelle et je suis venu à Paris. Donc ça fait 50 ans, 51 ans que je vis à Paris. Parce que, à l'époque 1971, après une crise un peu morale, je me suis dit « il faut que tu apprenne, étudie le cinéma ».

Serge Toubiana : Et à l'époque, il fallait venir à Paris. Donc je suis venu à Paris m'inscrire. Ma mère s'est mise à pleurer quand je lui ai dit que je partais, j'en parle dans mon livre aussi et j'ai appris le cinéma. Et là, j'ai fait des rencontres très fortes.

Philippe Chauveau : Qui vous ont permis ensuite de faire que le cinéma est devenu aussi votre métier.

Serge Toubiana : C'est devenu ma vocation.

Philippe Chauveau : Mais vous avez toujours choisi d'être dans l'ombre, c'est à dire qu'il n'y a jamais eu cette envie d'être devant la caméra, de jouer la comédie ou de réaliser. Vous vous êtes toujours dit « je reste à l’extérieur » ?

Serge Toubiana : Oui, il n'y avait pas de, enfin c'est un peu triste de le dire aujourd'hui, mais je n'avais pas l'ambition de devenir cinéaste.

Serge Toubiana : Je sentais, je devinais que c'était au dessus. Vous savez, j'ai beaucoup d'amis cinéastes, j'en ai rencontré des centaines, j'en ai interviewé beaucoup. Ce que j'aime chez les cinéastes, ce sont des qualités que je n'ai pas : la persévérance, l'obstination, une espèce d'idée fixe. Je les admire, mais moi, je n'aurais pas cette patience, je n'aurais pas cette obstination, je n'aurais pas cet entêtement.

Serge Toubiana : Moi, je suis assez éclaté. J'aime beaucoup de choses à la fois, je m’éparpille et j'ai eu la chance en devenant critique aux Cahiers du cinéma, puis rédacteur en chef, donc d'avoir des responsabilités, d'être dans cette espèce d'entre deux entre l'écran et le spectateur.

Philippe Chauveau : Alors ce qui veut dire que sur le plan du cinéma, vous n'avez pas souhaité être dans le domaine artistique.

Philippe Chauveau :

Mais en revanche, en prenant la plume, vous faites œuvre de créateur néanmoins.

Serge Toubiana : J’écris

Philippe : Est ce qu'il y a un parallèle, selon vous, entre ce goût pour la littérature que vous avez, cet amour des mots et cet amour du cinéma ?

Serge Toubiana : Oh oui ! Le premier geste du cinéaste, c'est d'écrire. Ce sont deux univers qui dialoguent très fertilement et facilement.

Philippe Chauveau : C'est vrai qu'aujourd'hui, on vous connaît aussi en librairie, puisque vous avez déjà commis plusieurs ouvrages.

Philippe Chauveau :

Il y a des livres vraiment consacrés au cinéma sur l'histoire du cinéma, etc. Et puis il y a aussi ces autres livres où vous vous confiez qui sont des livres de souvenirs. Il y a eu ce très bel ouvrage aussi, consacré à votre compagne défunte. Pourquoi ce besoin de prendre la plume ? Peut être pour tomber le masque ? pour oser dire par écrit des choses que vous n'arrivez peut être pas à dire à l'oral ?

Serge Toubiana : D'abord parce que le temps passe et que je vieillis. Je sens que c'est un peu la dernière séquence de ma vie. Enfin, la dernière. Elle peut durer encore, mais c'est la dernière séquence, que pendant toutes ces années, j'ai dirigé la Cinémathèque française, pendant treize ans, je n'ai pas écrit un livre tellement j'étais pris, occupé. Et puis j'ai quitté la Cinémathèque en 2016, exprès pour me dire « maintenant, écrit un peu les livres que tu n'as pas eu le temps d'écrire.

Serge Toubiana : Et puis vis mieux, vis plus » avec cette femme que j'ai adoré, aimé Emmanuèle Bernheim et à peine quitté la Cinémathèque française qu'elle a eu un cancer, un deuxième qui a fait qu'elle est morte. Et là je… d'abord, on n'avait pas d'enfant, elle ne voulait pas d'enfant. Ma vie était dévouée à elle et la sienne à moi. J'ai eu le réflexe d'écrire, une page la veille de sa mort, pour garder une image du bonheur, du bonheur que nous avions ensemble et du bonheur qu'elle avait elle d'aller nager vers les bouées jaunes.

Philippe Chauveau : d’où ce livre très lumineux sur le bonheur que vous avez écrit : Les bouées jaunes. J'ai quand même une question aussi sur l'écriture romanesque, parce que vous avez fait des livres sur le cinéma, vous faites des livres pour vous raconter, pour témoigner et garder souvenir de ceux qui vous ont été chers et qui vous sont chers aujourd'hui.

Philippe Chauveau : L'écriture romanesque pourrait elle aussi un jour prendre place dans votre, dans votre parcours, vous qui aimez le cinéma, qui aimez qu'on vous raconte des histoires sur grand écran ?

Serge Toubiana :C’est une question que, je vous remercie de me la poser. Mais je vais vous répondre un peu comme ça. C'est un peu la même réponse que pourquoi je n'ai pas fait de film, c'est que je ne m'autorise pas jusqu'à présent,

Serge Toubiana : mais le temps passe et le temps presse, à aborder la fiction. C'est comme si j'avais un empêchement, une sorte de pudeur, de ne pas oser ne ne pas savoir aussi. Parce que j'admire les romanciers, les romancières, ceux qui inventent des histoires et je ne suis pas sûr d'être capable de le faire. Mais la question se pose, la question se pose, il faut à un moment donné se jeter à l'eau et inventer et raconter.

Philippe Chauveau : Avez vous peut être l'impression que, finalement, la vie est plus belle, plus riche que n'importe quelle histoire inventée ? Que les personnages qui vous ont entourés sont les plus beaux personnages de romans que vous ayez ?

Serge Toubiana :Je pense aussi. J'ai rencontré des tas de gens dans ma vie. J'ai la chance, là je reviens du Festival de Cannes, je voyais des cinéastes sur scène qui ont eu la Palme d'or ou pas,

Serge Toubiana :je les ai rencontrés. Je vois Wim Wenders à un dîner, je vais l'embrasser, je le connais par cœur. On est amis depuis 40 ans, 30 ans. Moi, ma place elle est d'accompagner

Philippe Chauveau :De rester dans l’ombre

Serge Toubiana : D’être le témoin du temps. Non, ça, je vous le dis, je n'ai jamais dit à personne parce que je me dis, parce que le temps passe.

Serge Toubiana : Et ça fait longtemps que je suis dans cette fonction là, un peu bricolée, et je ne m'en lasse pas. Je n'ai pas fait le tour de la chose vous voyez, la chose reste mystérieuse. Le cinéma reste un monde mystérieux pour moi. Je crois le connaître, mais en fait je ne le connais pas. Je continue de l'aborder.

Philippe Chauveau : J'aime bien votre définition.

Philippe Chauveau : Vous êtes un témoin du temps. Votre actualité Serge Toubiana, le fils de la maîtresse, chez Arléa.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Quand il raconte sa vie, Serge Toubiana redevient très vite le gamin de Sousse, cette petite ville de Tunisie en bord de mer où il a grandi, dans une famille heureuse. Très vite aussi reviennent les premiers souvenirs de cinéma, comme « La Strada « , le film de Fellini, qui l’effraya au plus haut point.La famille et le 7ème art, voilà peut-être les deux piliers qui ont façonné Serge Toubiana. Arrivé en France à l’adolescence, il découvre le cinéma de la Nouvelle Vague, les réalisateurs et les acteurs en vogue et se...Serge Toubiana, lauréat de Serge Toubiana - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau: Bonjour Serge Toubiana. Serge Toubiana : Bonjour Philippe Chauveau : Merci d'être avec nous pour présenter ce livre publié chez Arléa : Le fils de la maîtresse, qui prend place dans une série de livres, de livres, de souvenirs notamment que vous avez déjà commis. Mais c'est vrai que lorsque l'on prononce votre nom, Serge Toubiana, c'est tout de suite l'écran qui jaillit, puisque vous êtes un grand nom du monde du cinéma. Philippe Chauveau : Il y a eu Les Cahiers du cinéma en tant que journaliste, que...Serge Toubiana, lauréat de Serge Toubiana - Portrait - Suite
    Philippe ChauveauVous le racontez effectivement dans les toutes premières pages, Serge Toubiana, c'est dans un avion que naît ce livre : Le fils de la maîtresse. Vous vous dites dans cet avion qui vous ramène en France, personne ne m'attend à l'arrivée. Ma compagne est décédée, ma mère est morte et il y a cette solitude qui vous envahit. Et pour autant, ce livre est plein de joie de vivre, plein de soleil, plein de bonne humeur. Puisque vous allez nous raconter votre famille, vos parents et plus spécifiquement votre mère....Serge Toubiana, lauréat de Serge Toubiana - Livre - Suite