Irène Frain

Irène Frain

La fille à histoires

Portrait 6'43

Philippe Chauveau :
« La fille à histoire » votre actualité, aux édition du Seuil. C'est un jolie parcours si l'on remonte un peu le fil du temps, ce que vous savez si bien faire. Le premier grand succès de librairie c'est « Le Nabab » en 1982 ; depuis vous êtes restée très présente dans le paysage littéraire. Lorsque vous regardez un peu en arrière, lorsque que vous regardez dans le rétroviseur, quelles sont les images fortes qui reviennent.

Irène Frain :
Je crois que le plus important, c'est de durer parce que quand on a un grand succès au début d'une carrière et très jeune, c'est très difficile. Souvent, un succès est un malentendus, on peut dire « c'est une fabricante de best-seller » ! Donc, je ne l'ai pas très bien vécu. Aussi, les images fortes ne sont-elles pas nécessairement les images de grand succès. Pour moi, les images fortes, ce sont les images d'enquête c'est à dire rencontrer l'Inde à l'occasion du « Nabab », puisque j'étais allée sur place, ce qui se faisait très peu à l'époque, pour reconstituer le parcours de ce jeune mousse breton qui était devenue nabab à l'issue d'une épopée incroyable. J'avais ces mémoires et je me prends de façon frontale l'Inde qui vous démêlent immédiatement et quand je reviens je m'aperçois que je suis une narratrice.

Philippe Chauveau :
C'était déclencheur ?

Irène Frain :

Ah oui, vous savez l'inde, la « mère » Inde, elle ne vous fait pas de quartier !

Philippe Chauveau :
Il y a quand même aussi, me semble-t-il, un point commun avec votre premier métier d'enseignante, c'est le goût du partage et le goût de la transmission, parce que c'est toujours cela dans vos livres.

Irène Frain :
Oui, je crois que je suis authentique à ce que j'étais. J'étais un professeur heureux, j'ai même formé des professeurs. Quand je revois mes élèves, je leur demande si ce n'était pas trop pénible avec moi parce que quand on est professeur, on sème et on ne sait pas ce qu'on va récolter. Apparemment, ils sont à peu près unanimes... Je crois que j'avais un don pour la transmission mais j'ai aussi un père qui était doué pour la transmission. Lui-même était enseignant pour les adultes mais il était bon pédagogue. Donc, ce n'est pas du tout théorique, j'ai reproduit ce que j'ai vu faire tout simplement et puis je crois beaucoup au rôle social des livres et de la culture

Philippe Chauveau :
Si je reviens à votre bibliographie, en mettant de côté les ouvrages dans lesquels vous parlez de vous et de votre famille, vous avez cherché, au-delà de la transmission et de votre rôle de conteuse, à toujours sortir de l'oubli des personnages de l'Histoire. Pourquoi ce goût de sortir de l'oubli ces gens-là ?

Irène Frain :
Parce qu'il y a une injustice fondamentale surtout depuis quelques décennies c'est à dire qu'on ne fonctionne qu'avec des icônes : Marilyne, De Gaulle, Mâo, Che Guevara… Alors, ce peut être pour moi chercher les pans insoupçonnés de ces personnages, je l'ai fait avec « Beauvoir », « Marie Curie » mais aussi l'Histoire est faite par des anonymes, les oubliés de l'histoire, sans qui ces icônes n'auraient pas pu être ce qu'elles sont. L'Histoire avec un grand « H » est faite d'histoires avec des petits « h »mais qui sont ces gens qui ne sont pas nécessairement reconnus ?

Philippe Chauveau :
En quoi, dans l'auteur que vous êtes devenue aujourd'hui, peut-on retrouver la petite fille que vous avez été?

Irène Frain :
C'est vrai que certains qui me connaissent un peu disent toujours « Irène, tu es toujours une petite fille ». C'est vrai que je m'émerveille toujours et que je m'enthousiasme toujours et que je ne suis pas dans la prudence parisienne. Je suis comme je suis, spontanée ! Je trouve qu'il y a beaucoup d'énergie dans mes livres. J'économise ces prudences, ces masques parce que c'est très fatigant de porter des masques. Donc, je suis restée fidèle à l'enfant que j'ai été et plus le temps passe plus j'y suis fidèle parce que les ombres s'allongent et c'est du temps perdu. Les enfants portent en eux une vérité et une grâce, j'aime beaucoup les enfants. Rester fidèle à son enfance ne veut pas dire être irresponsable, je suis une femme très responsable, je réfléchis toujours avant d'agir et je pense que chaque acte est dans les intentions de l'acte, ça c'est très important ! Je suis responsable par rapport à ma famille ; s'il y a quelqu'un de malade je monte au front, s'il y a quelqu'un qui ne va pas bien j'estime que c'est de mon devoir de mère et de grand-mère, puisque je suis grand-mère, de monter au front avec les instruments que j'ai, l'expérience que j'ai et la responsabilité c'est aussi de le faire en délicatesse parce qu'on arrive jamais par la violence, ça c'est une responsabilité, la responsabilité d'être diplomate et aussi de voir et de choisir le moment où il faut parler, c'est exactement la même chose en amitié.

Philippe Chauveau :
Votre actualité, Irène Frain « La fille à histoire » vous êtes publiée aux éditions du Seuil.

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  • Agrégée de lettres classiques, journaliste, Irène Frain est aujourd'hui un auteur majeur de la littérature française. Avec plus d'une quarantaine de titres à son actif, son succès ne s'est jamais démenti depuis « Le nabab » en 1982.C'est souvent à travers la grande Histoire oubliée et les destins hors du commun qu'Irène Frain puise les sujets de ses livres. « Les naufragés de l'île Tromelin » en 2009 racontait le sort de ces esclaves abandonnés sur une île déserte après le naufrage de leur bateau au XVIIIème siècle....Ecrire est un roman d'Irène Frain - Présentation - Suite
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    Philippe Chauveau :Vous avez su garder, Irène Frain, cet émerveillement de l'enfance, vous le dites vous-même. Pourtant, cette enfance n'a pas toujours été facile. Vous nous avez déjà parlé de votre enfance, de votre famille dans « La maison de la source », «Secret de famille » et encore «sortie de rien». Voici « La fille à histoires » où là, c'est votre mère que vous mettez à l'honneur en quelque sorte. Vous nous racontez cette histoire, un peu conflictuelle, un peu difficile en elle-même. Irène Frain :Elle a...Ecrire est un roman d'Irène Frain - Livre - Suite