Anne-Dauphine Julliand

Anne-Dauphine Julliand

Jules-César

Portrait 00'06'35"

Philippe Chauveau :

Bonjour Anne-Dauphine Julliand.

Vous êtes dans l'actualité avec ce livre « Jules-César », publié aux éditions Les Arènes. Non, ce n'est pas une biographie de Jules César, chef romain ! C'est bien un roman. On va en parler dans un instant mais faisons un peu plus connaissance. On vous connaît déjà en librairie puisqu'il y avait eu deux précédents titres, « Deux petits pas sur le sable mouillé » suivi d’« Une journée particulière » dans lesquels vous racontiez le décès de vos deux enfants, Thaïs et Azylis. Et aujourd'hui, il y a le roman, l'écriture romanesque. Mais si je remonte encore le fil du temps, je dirais que l'écriture, c'est un peu votre ADN, votre raison de vivre, puisque vous êtes journaliste. Pourquoi ce goût de l'écrit ?


Anne-Dauphine Julliand :

Je ne sais pas. Ça ne s'explique pas. Depuis que je suis toute petite, j'aime écrire.

A l'école, je n'étais pas forcément bon élève mais j’étais bonne en français. Ma prof de maths, en terminale, a dit qu'elle n'avait jamais vu quelqu'un d'aussi nul et je pense qu'elle avait raison. Ce n'était pas une critique méchante, c'était une réalité. Mais j'ai toujours aimé la littérature. J'ai toujours aimé lire. J'ai toujours aimé écrire. J'écrivais des petits textes depuis aussi longtemps que je me souvienne.


Philippe Chauveau :

En tant que lectrice, lorsque vous étiez ado, jeune adulte, avec quels auteurs avez-vous grandi ?


Anne-Dauphine Julliand :

Les classiques ! Victor Hugo, Stendhal… « Le rouge et le noir » m'a édifiée. Ma sœur trouvait ça soporifique mais moi, je ne rêvais que d'une seule chose, retourner dans mon livre ! Vraiment, j'ai été bercée par les grands classiques et j'en suis très heureuse aussi parce que je trouve que c'est une belle nourriture. En fait, c'est assez inégalé. C'est totalement intemporel et ça nous apprend quand même le goût du bien et du beau.


Philippe Chauveau :

Y-avait-il une frustration lorsque vous étiez journaliste, lorsque vous écriviez pour La presse magazine, par rapport à votre appétence pour l'écriture ?


Anne-Dauphine Julliand :

Non, parce que je me réalisais quand même. C'est sûr que j'étais meilleure dans les portraits que dans les enquêtes de terrain ! J'avais tout à fait la façon de réaliser et je n'avais jamais pensé être auteur en fait, je n'avais jamais pensé écrire un livre jusqu'à ce que la vie m'y invite ou m'y conduise. En tout cas, je ne m'étais jamais dit que j'écrirais un livre.


Philippe Chauveau :

Justement, parlons de ce que la vie vous a imposé avec la maladie de deux de vos enfants, Thaïs et Azylis, avec deux deuils successifs à quelques années d'intervalle. Et puis, ce besoin de témoigner, non pas de vous apitoyer sur votre sort, mais d'expliquer ce que ce drame vous a peut-être apporté à vous, votre époux, ou vos autres enfants. Pourquoi avoir eu besoin de retranscrire tout cela, de le partager avec le grand public ?


Anne-Dauphine Julliand :

A l'origine de tout, je l'ai écrit non pas pour le grand public mais pour le petit garçon que j'ai eu après la mort de ma première fille, Thaïs. Ce petit garçon n'a pas connu sa sœur. Et, au-delà de ne pas connaître sa sœur, surtout, il n'a pas connu tout ce qu'on avait traversé, cette ascension vertigineuse où, quand on arrive au sommet, on voit les choses aussi différemment. Donc j'ai écrit ce texte car j’ai pensé que ce serait plus facile pour lui de le lire. Je lui raconterai tant que je peux mais, peut-être qu'à l'adolescence, il en aura marre. Mais je l'ai écrit pour lui. Et puis après, une circonstance, quelqu'un m'a dit de publier le texte, de le partager. J’y suis allé un peu timidement parce que c'est compliqué de se livrer. C'était quand même assez personnel. Je n'avais rien livré d'intime, mais c'était quand même ma vie. Finalement, je l'ai présenté à deux éditeurs qui l'ont accepté.


Philippe Chauveau :

Vous avez fait le choix d’une autre forme d'écriture avec l'image et ce film documentaire dont on a aussi beaucoup parlé, « Et les Mistrals gagnants » où là, ce sont les enfants que vous mettez à l'honneur. Un film tourné à hauteur d'enfant, justement. Quelle était la genèse de ce projet audiovisuel ?


Anne-Dauphine Julliand :

Il est né d'une frustration, comme quoi les frustrations sont parfois positives. Moi, j'ai vécu la vie de mes deux filles qui étaient extraordinaire. Et puis, j'ai réalisé que ce qu'elles m'avaient proposé, cette façon de vivre l'instant tel qu'il est à savoir on pleure quand c'est triste et on est capable de rire quand c'est joyeux, c'est le propre de tous les enfants, malades ou pas malades. Mais ce n'était pas juste mes filles qui avaient cette capacité là. J'ai eu envie que les enfants nous le disent, que les enfants nous le racontent et donc, je les ai filmés en m’effaçant le plus possible. Je n'apparais pas dans le film. On ne m'entend pas. On ne voit pas d'adultes ou presque pas, seulement ceux qui interagissent. Quand on entend les enfants parler et nous expliquer la vie, d'un coup, on la comprend mieux.


Philippe Chauveau :

Avec vos deux premiers titres et avec les interviews que vous avez accordées lors de la présentation de ces deux ouvrages, vous n'avez jamais caché votre foi chrétienne et catholique, votre engagement, votre implication. Pourquoi est-ce important dans votre vie de témoigner aussi de votre foi ?


Anne-Dauphine Julliand :

En fait, je témoigne quand on me demande d'en témoigner. Mais je ne l'impose jamais. J'ai quelques petits mots dans les livres ou je fais allusion aux prêtres qui nous accompagnent ou à une autre dimension de la vie. C'est important parce que, pour moi, c'est l'essence de tout amour. En fait, je crois que c'est ça la foi. Ce n'est pas un ascenseur à savoir que croire en Dieu n’empêche pas de souffrir. Mais pour moi, la différence, c'est que dans cette terrible épreuve qui bouleverse tout, qui nous met à mal et qui fait trembler toutes les certitudes que l'on a, je me suis dit que j'avais un allié, c'était Dieu qui m'aimait quoiqu'il arrive. Je trouve ça important dans ce monde qui a tellement soif d'amour. On peut bien sûr trouver de l'amour humain ailleurs et heureusement parce que l'amour se transmet autrement. Mais moi, j'ai trouvé cette source d'amour aussi dans la religion et j'avais envie de le partager.


Philippe Chauveau :

« Deux petits pas sur le sable mouillé », « Une journée particulière » des témoignages qui vous touchent de près. Et puis aujourd'hui, voilà un roman. Pourquoi ce besoin de tourner une page, de passer à autre chose, de nous raconter une histoire qui, cette fois ci, s'éloigne de votre propre vie ? Cela veut dire que maintenant, vous êtes romancière ?


Anne-Dauphine Julliand :

Tout à fait ! C'est plus qu'un besoin, c'est vraiment une envie, cette envie d'écrire. J'ai trouvé ça magnifique de voir à quel point on peut partager quand on écrit. Mais j'avais encore envie de partager plus que d'écrire. Mais évidemment, je n'avais plus envie de raconter ma vie. Je me suis dit l'imaginaire peut aussi servir parfaitement ce que l'on a envie de dire, d'où ce roman dans lequel je garde ma source d'inspiration. Je reste proche du sujet qui est le mien à savoir la maladie de l'enfant, mais qui, là, n'est qu'un prétexte.


Philippe Chauveau :

Le premier titre en tant que romancière d'Anne-Dauphine Julliand, « Jules-César », aux éditions Les Arènes.

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  • LIVRE
  • Le nom d’Anne-Dauphine Julliand ne vous est sans doute pas inconnu. En 2011, son livre « Deux petits pas sur le sable mouillé » a été un vrai succès de librairie avec plus de 500 000 exemplaires vendus. Dans ce livre, suivi de « Une journée particulière », Anne-Dauphine Julliand racontait, avec justesse et pudeur, la maladie et la mort de sa petite fille Thaïs. Journaliste de formation, elle écrit en presse quotidienne et en presse professionnelle avant de réaliser son premier film documentaire, « Et les mistrals...Jules-César d'Anne-Dauphine Julliand - Présentation - Suite
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