Didier van Cauwelaert

Didier van Cauwelaert

Jules

Portrait 6'00"

Bonjour Didier Van Cauwelaert
Bonjour.
Un nouveau titre de Didier Van Cauwelaert, aux éditions Albin Michel, Jules. En ce qui vous concerne, un nouveau titre, c'est toujours un événement. Lorsque l'on a été primé, lorsque l'on a reçu le Goncourt comme ce fut le cas en 1994 pour Un aller simple.
Est-ce qu'à chaque sortie d'un nouveau roman, c'est pour vous une sorte de challenge ? Est-ce que le Goncourt est une sorte d'épée de Damoclès au-dessus de la tête des auteurs ?
Non, c'est un merveilleux cadeau le Goncourt. C'est tout. Le challenge, c'est : est-ce que les gens seront encore présents à ce rendez-vous ? J'ai le privilège d'avoir un public fidèle, qui m'attend, et ça c'est appréciable.
Parce qu'il pourrait y avoir un phénomène d'usure. Il y a des phénomènes de mode qui retombent, d'autres qui arrivent. Ca fait longtemps le Goncourt, les gens auraient pu se lasser.
Et je trouve ça formidable que, dès le premier jour, avant qu'il y ait des papiers tout ça, les gens répondent à ce rendez-vous. Pour moi c'est même plus important que le plus beau des prix, c'est la durée. Un public qui vous suit et se renouvelle en même temps.
Justement, depuis vos premiers romans à Jules aujourd'hui, avez-vous l'impression Didier, qu'il y ait un fil rouge, une continuité même si ce sont des sujets, des personnages différents ?
Il n'y a rien à voir entre Jules et L'évangile selon Jimmy par exemple et pourtant, est-ce qu'il y a quand même un fil rouge ?
Et pourtant si. Vous avez dans les deux cas un personnage qui est un peu installé dans une routine, qui n'est pas très haut dans la société, qu'on ne remarque pas et à qui il arrive tout à coup quelque chose d'extraordinaire qui va agir comme un révélateur pour lui.
Moi aussi, j'ai l'impression que je me renouvelle à chaque fois. Alors, on n'est jamais dans le même milieu. Souvent je dis « je » à travers mes personnages donc ce n'est jamais le même niveau de langage selon leur âge, leur position sociale, leur sexe. Là, il y a de la nouveauté.
Mais sinon, c'est vrai que mes thèmes très souvent, je m'en rends compte en cours de route ou après coup, c'est la seconde chance, la réparation de l'autre ou de soi même, la reconstruction.
Que représente l'écriture dans votre vie ? Est-ce que l'écriture est pour vous un outil pour mieux communiquer ? Pour peut-être vous cacher, donner votre vision de la société ?
Me cacher certainement pas. D'abord, c'est une respiration. Quand on me dit « Vous écrivez tout le temps ? » Je dis « Oui, mais je respire tout le temps aussi. » Essayez d'arrêter de respirer pour gagner des records d'apnée, ce n'est pas mon but sur Terre.
Quand je parle de respiration, c'est comme les arbres qui absorbent le gaz carbonique et envoient de l'oxygène et rendent l'air un peu plus respirable. C'est ce dont j'ai profondément besoin. Je ne vais pas employer le terme de mission...
Mais en tous cas, c'est ce qui me rend heureux et ce qui, j'espère, fait du bien autour de moi.
Mais dans vos romans, vous pointez souvent, parfois sous le couvert d'une certaine légèreté comme c'est le cas avec Jules, vous pointez souvent des dysfonctionnements de notre société, des problèmes de sociabilité entre les êtres humains.
Et puis je pense que pour traiter les sujets graves, il faut une apparence de légèreté, sinon, on est ton sur ton. Et tout le monde s'en fout. On vit dans une époque suffisamment pesante pour ne pas en rajouter dans cette pesanteur qui nous entoure.
Donc, montrer des personnages qui sont plus forts que les événements qui leur arrivent, c'est à dire, pas la force, la puissance, pas le rapport de force, mais le pouvoir de décalage, l'humour, le fait de rester intact soi même émotionnellement quand vous en avez pris plein la gueule.
Lorsque vous construisez vos personnages comme les héros de votre dernier roman, vous avez conscience de la résonance qu'ils peuvent avoir sur vos lecteurs ?
Alors d'abord, je sens la résonance qu'ils ont en moi, parce que ce sont des personnages avec lesquels je vis longtemps avant de les coucher sur le papier. Il faut vraiment que je ne puisse pas faire autrement pour me lancer dans la rédaction.
C'est-à-dire que les personnages sont tellement mûrs qu'ils demandent : « allez, c'est quand , c'est maintenant ! ».
Et je ne peux plus faire autrement que d'écrire la situation, parce que tout ce que je fais par ailleurs me tombe des mains, je deviens désagréable pour tout le monde et pour moi même donc il vaut mieux que je cède à l'appel des personnages.
Lorsque vous êtes en salon ou en librairie pour des signatures, avez-vous un souvenir de rencontre, le témoignage d'un lecteur ou d'une lectrice qui vous ait particulièrement marqué, et où vous avez trouvé finalement la justification de votre travail d'auteur ?
Tout le temps. Quelle que soit la nature. Il y a une chose qui revient souvent qui me touche beaucoup.
Là encore, il y a quelques jours, une jeune femme qui me dit : je détestais lire pendant mes études, et c'est dans un de vos livres que j'ai retrouvé le goût de la lecture, avec vous et Romain Gary.
Elle dit ça dans cet ordre, je ne me permettrais pas de le citer comme ça, Romain Gary étant l'un de mes auteurs préférés, sous toutes ses coutures, et peut-être même avant tout le versant Emile Ajar. Voilà le genre de choses qui vous fait terriblement plaisir à entendre.
Parfois des choses très intimes, des gens qui se sont rencontrés autour d'un de mes livres, et qui après, viennent me raconter leur histoire personnelle à laquelle à mon insu, je suis lié. Je connais un type qui a dragué avec mes bouquins une fille qui était une de mes fans.
Et puis après, ils ont des enfants qui me lisent à leur tour. C'est merveilleux quand on publie depuis plus de 30 ans, il y a cette continuité, ce renouvellement.
Mes lecteurs me rendent très heureux, donc tout va bien. Après, pourquoi j'écris, c'est par insatisfaction de la réalité. Donc j'ai envie de la modifier cette réalité, de secouer un petit peu des gens qui en sont prisonniers.
Didier Van Cauwelaert, votre nouveau titre chez Albin Michel, Jules.

Philippe Chauveau :
Bonjour Didier Van Cauwelaert

Didier Van Cauwelaert :
Bonjour.

Philippe Chauveau :
Un nouveau titre de Didier Van Cauwelaert, aux éditions Albin Michel, Jules. En ce qui vous concerne, un nouveau titre, c'est toujours un événement. Lorsque l'on a été primé, lorsque l'on a reçu le Goncourt comme ce fut le cas en 1994 pour Un aller simple. Est-ce qu'à chaque sortie d'un nouveau roman, c'est pour vous une sorte de challenge ? Est-ce que le Goncourt est une sorte d'épée de Damoclès au-dessus de la tête des auteurs ?

Didier Van Cauwelaert :
Non, c'est un merveilleux cadeau le Goncourt. C'est tout. Le challenge, c'est : est-ce que les gens seront encore présents à ce rendez-vous ? J'ai le privilège d'avoir un public fidèle, qui m'attend, et ça c'est appréciable. Parce qu'il pourrait y avoir un phénomène d'usure. Il y a des phénomènes de mode qui retombent, d'autres qui arrivent. Ca fait longtemps le Goncourt, les gens auraient pu se lasser. Et je trouve ça formidable que, dès le premier jour, avant qu'il y ait des papiers tout ça, les gens répondent à ce rendez-vous. Pour moi c'est même plus important que le plus beau des prix, c'est la durée. Un public qui vous suit et se renouvelle en même temps.

Philippe Chauveau :
Justement, depuis vos premiers romans à Jules aujourd'hui, avez-vous l'impression Didier, qu'il y ait un fil rouge, une continuité même si ce sont des sujets, des personnages différents ? Il n'y a rien à voir entre Jules et L'évangile selon Jimmy par exemple et pourtant, est-ce qu'il y a quand même un fil rouge ?

Didier Van Cauwelaert :
Et pourtant si. Vous avez dans les deux cas un personnage qui est un peu installé dans une routine, qui n'est pas très haut dans la société, qu'on ne remarque pas et à qui il arrive tout à coup quelque chose d'extraordinaire qui va agir comme un révélateur pour lui. Moi aussi, j'ai l'impression que je me renouvelle à chaque fois. Alors, on n'est jamais dans le même milieu. Souvent je dis « je » à travers mes personnages donc ce n'est jamais le même niveau de langage selon leur âge, leur position sociale, leur sexe. Là, il y a de la nouveauté. Mais sinon, c'est vrai que mes thèmes très souvent, je m'en rends compte en cours de route ou après coup, c'est la seconde chance, la réparation de l'autre ou de soi même, la reconstruction.

Philippe Chauveau :
Que représente l'écriture dans votre vie ? Est-ce que l'écriture est pour vous un outil pour mieux communiquer ? Pour peut-être vous cacher, donner votre vision de la société ?

Didier Van Cauwelaert :
Me cacher certainement pas. D'abord, c'est une respiration. Quand on me dit « Vous écrivez tout le temps ? » Je dis « Oui, mais je respire tout le temps aussi. » Essayez d'arrêter de respirer pour gagner des records d'apnée, ce n'est pas mon but sur Terre. Quand je parle de respiration, c'est comme les arbres qui absorbent le gaz carbonique et envoient de l'oxygène et rendent l'air un peu plus respirable. C'est ce dont j'ai profondément besoin. Je ne vais pas employer le terme de mission... Mais en tous cas, c'est ce qui me rend heureux et ce qui, j'espère, fait du bien autour de moi.

Philippe Chauveau :
Mais dans vos romans, vous pointez souvent, parfois sous le couvert d'une certaine légèreté comme c'est le cas avec Jules, vous pointez souvent des dysfonctionnements de notre société, des problèmes de sociabilité entre les êtres humains.

Didier Van Cauwelaert :
Et puis je pense que pour traiter les sujets graves, il faut une apparence de légèreté, sinon, on est ton sur ton. Et tout le monde s'en fout. On vit dans une époque suffisamment pesante pour ne pas en rajouter dans cette pesanteur qui nous entoure. Donc, montrer des personnages qui sont plus forts que les événements qui leur arrivent, c'est à dire, pas la force, la puissance, pas le rapport de force, mais le pouvoir de décalage, l'humour, le fait de rester intact soi même émotionnellement quand vous en avez pris plein la gueule.

Philippe Chauveau :
Lorsque vous construisez vos personnages comme les héros de votre dernier roman, vous avez conscience de la résonance qu'ils peuvent avoir sur vos lecteurs ?

Dider Van Cauwelaert :
Alors d'abord, je sens la résonance qu'ils ont en moi, parce que ce sont des personnages avec lesquels je vis longtemps avant de les coucher sur le papier. Il faut vraiment que je ne puisse pas faire autrement pour me lancer dans la rédaction. C'est-à-dire que les personnages sont tellement mûrs qu'ils demandent : « allez, c'est quand , c'est maintenant ! ». Et je ne peux plus faire autrement que d'écrire la situation, parce que tout ce que je fais par ailleurs me tombe des mains, je deviens désagréable pour tout le monde et pour moi même donc il vaut mieux que je cède à l'appel des personnages.

Philippe Chauveau :
Lorsque vous êtes en salon ou en librairie pour des signatures, avez-vous un souvenir de rencontre, le témoignage d'un lecteur ou d'une lectrice qui vous ait particulièrement marqué, et où vous avez trouvé finalement la justification de votre travail d'auteur ?

Didier Van Cauwelaert :
Tout le temps. Quelle que soit la nature. Il y a une chose qui revient souvent qui me touche beaucoup. Là encore, il y a quelques jours, une jeune femme qui me dit : je détestais lire pendant mes études, et c'est dans un de vos livres que j'ai retrouvé le goût de la lecture, avec vous et Romain Gary. Elle dit ça dans cet ordre, je ne me permettrais pas de le citer comme ça, Romain Gary étant l'un de mes auteurs préférés, sous toutes ses coutures, et peut-être même avant tout le versant Emile Ajar. Voilà le genre de choses qui vous fait terriblement plaisir à entendre. Parfois des choses très intimes, des gens qui se sont rencontrés autour d'un de mes livres, et qui après, viennent me raconter leur histoire personnelle à laquelle à mon insu, je suis lié. Je connais un type qui a dragué avec mes bouquins une fille qui était une de mes fans. Et puis après, ils ont des enfants qui me lisent à leur tour. C'est merveilleux quand on publie depuis plus de 30 ans, il y a cette continuité, ce renouvellement. Mes lecteurs me rendent très heureux, donc tout va bien. Après, pourquoi j'écris, c'est par insatisfaction de la réalité. Donc j'ai envie de la modifier cette réalité, de secouer un petit peu des gens qui en sont prisonniers.

Philippe Chauveau :
Didier Van Cauwelaert, votre nouveau titre chez Albin Michel, Jules.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LE LIVRE
  • L'AVIS DU LIBRAIRE
  • Prix Goncourt 1994 pour « Un aller simple », Didier van Cauvelaert a à son actif plus d'une vingtaine de romans, sans compter des récits, des essais ou encore des pièces de théâtre. Ce besoin de l'écriture arrive très jeune, dès 8 ans, il se sent des velléités d'écrivain. Il attendra tout de même l'âge de 22 ans pour concrétiser ce rêve. Mais depuis, il n'a jamais cessé d'écrire avec toujours le même plaisir. Si dans certains de ses livres, l'intrigue flirte avec la légèreté, l'humour, le romantisme, il n'en reste...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? de Didier van Cauwelaert - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :Bonjour Didier Van Cauwelaert Didier Van Cauwelaert :Bonjour. Philippe Chauveau :Un nouveau titre de Didier Van Cauwelaert, aux éditions Albin Michel, Jules. En ce qui vous concerne, un nouveau titre, c'est toujours un événement. Lorsque l'on a été primé, lorsque l'on a reçu le Goncourt comme ce fut le cas en 1994 pour Un aller simple. Est-ce qu'à chaque sortie d'un nouveau roman, c'est pour vous une sorte de challenge ? Est-ce que le Goncourt est une sorte d'épée de Damoclès au-dessus de la tête des...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? de Didier van Cauwelaert - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau :Dans ce nouveau titre, Didier Van Cauwelaert, nous allons avoir j'ai envie de dire trois personnages essentiels. Il va y avoir Zibal, Alice, puis Jules. On parlera aussi de Fred qui aura son importance au fil des pages. Il y un joli chien sur la couverture choisie par Albin Michel. C'est assez rare qu'un auteur fasse d'un chien un personnage central dans un roman. C'est un chien guide d'aveugle puisqu'Alice a perdu la vue dans sa jeunesse, on découvrira comment au fil des pages. Et ce chien va la guider jusqu'au jour...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? de Didier van Cauwelaert - Le livre - Suite
    Nathalie Iris Non seulement j'ai aimé le dernier roman de Didier Van Cauwelaert mais je l'ai dévoré. En fait j'ai rencontré des personnes de chez Albin Michel, ils m'ont donné les épreuves, je l'ai commencé en rentrant chez moi et puis je ne l'ai pas lâché. Et ce roman m'a tellement conquise que j'ai demandé à Didier Van Cauwelaert d'être le parrain de la nuit blanche du livre, que j'organise fin juin à La Garennes-Colombes. Je trouve ce livre très drôle, mais derrière cette apparente drôlerie, il y a aussi beaucoup de...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? de Didier van Cauwelaert - L'avis du libraire - Suite