Pierre Lemaitre

Pierre Lemaitre

Couleurs de l'incendie

Portrait 6'10"

Philippe Chauveau : Bonjour Pierre Lemaitre

Pierre Lemaitre : Bonjour.

Philippe Chauveau : Votre actualité, « Couleurs de l'incendie » chez Albin Michel. On se souvient qu'il y eut en 2013 « Au revoir là-haut », prix Goncourt. Mais avant il y avait eu d'autres titres ou vous évoluiez plus dans l'univers du polar, du roman noir. Est-ce que le Goncourt va être un marqueur dans votre carrière d'auteur ? Y'aura-t-il un avant et un après Goncourt?

Pierre Lemaitre : Oui parce que je fais partie de ces Goncourt dont la carrière change à partir du prix. Il y a des prix Goncourt pour lesquels cela ne change pas beaucoup parce qu'ils étaient déjà des auteurs reconnus, déjà légitimes. Je pense à Jean Echenoz par exemple, je ne suis pas certain que le prix Goncourt ait modifié considérablement la carrière de Jean Echenoz. La mienne, par contre, du fait de ma provenance du roman noir, j'étais un candidat plutôt inattendu pour le prix Goncourt, ce qui veut dire que ma carrière, effectivement, a changé. Je pense qu'il y a un avant et un après Goncourt.

Philippe Chauveau : Est-ce que cela a changé votre façon de travailler? Peut-être votre relation avec vos lecteurs aussi? Est-ce que vous avez changé?

Pierre Lemaitre : Ce qui a changé va dans le sens d'une plus grande liberté. L'effet du Goncourt est un effet de légitimation. Alors, ça libère, et c'est plus ou moins inconscient, je pense que le texte montre qu'il y a un effet de libération. Je ne me pose plus la question de la qualité de ce que je fais, non pas que je n'ai aucun doute, mais ce n'est plus un enjeu, je n'ai plus rien à prouver, je peux faire les livres que je souhaite avec le ton que je veux. Cette espèce de relâchement a été du côté du plaisir, de la jubilation. Il me semble que mon rapport aux lecteurs se sent encore plus libéré. Je crois que c'est une chose que les lecteurs sentiront dans ce roman.

Philippe Chauveau : Allez-vous rester un auteur qui va se balader du polar à la littérature générale ou, au contraire, allez-vous aller dans un genre bien défini? Demain, ce sera quoi l'écriture de Pierre Lemaitre?

Pierre Lemaitre : J'espère que cela continuera à évoluer. Si vous regardez la carrière des auteurs que vous aimez, vous avez des romans que vous aimez bien, des romans que vous aimez moins mais vous devez discerner malgré tout la progression. Je pense à Modiano que j'ai beaucoup suivi et que je continue de suivre, il n'y a pas de doutes que les derniers opus de Modiano montrent quelqu'un qui est au sommet de son art et qui continue de progresser malgré le fait que l'essentiel de sa carrière soit maintenant derrière lui. J'espère qu'on continuera de dire que mon écriture progresse. Un des effets positifs du Goncourt c'est que je fais ce que je veux. Si demain j'ai une bonne idée pour un roman noir, ce sera un roman noir, si c'est une bonne idée pour un roman historique, ce sera un roman historique. Je ne me pose plus la question de la rubrique dans laquelle je m'inscris, je m'inscris avant tout dans le plaisir de ce que j'écris.

Philippe Chauveau : Lors d'une précédente rencontre, vous nous aviez raconté que le goût de l'écriture et de la lecture était venu notamment par Alexandre Dumas. Là, vous évoquez Echenoz, vous évoquez Modiano, quelles sont vos lectures? De quels auteurs, de quel genre de littérature aimez-vous vous nourrir?

Pierre Lemaitre : D'abord je dois reconnaître que je ne suis pas un très bon lecteur parce que je travaille beaucoup et que, de fait, je suis toujours dans mon histoire. Je ne suis pas un bon lecteur parce que je ne suis pas un lecteur authentique, je ne rentre pas dans un roman avec une naïveté totale et une envie de jouer le jeu et de signer le contrat implicite que l'on doit signer normalement avec un auteur. Ce qui veut dire que je pense toujours à ma propre histoire en lisant les histoires des autres, et que je ne suis pas un bon lecteur. Cela dit, je suis un lecteur de Yves Ravey, je suis un lecteur d'Echenoz, je suis un lecteur de Virginie Despentes, je suis un lecteur d'Emmanuel Carrère. Mais malgré tout, je dois reconnaître que je ne suis pas un bon lecteur !

Philippe Chauveau : Personne n'est parfait ! On va parler de cinéma. Il y a eu le Goncourt « Au revoir là-haut’ en 2013 et puis l'adaptation au cinéma qui a été un énorme succès, réalisé et joué par Albert Dupontel. Vous avez collaboré au scénario de ce film, l'écriture cinématographique est un exercice vers lequel vous auriez envie de continuer?

Pierre Lemaitre : Modérément, ce qui m'intéresse toujours, c'est la manière de raconter les histoires. Lorsque vous allez faire une expérience du côté de la télévision, de la bande dessinée ou du cinéma, vous vous confrontez avec des grammaires, des syntaxes particulières. La manière de raconter est codée par le type de média dans lequel vous vous inscrivez. Et c'est toujours une expérience enrichissante pour un romancier d'aller se confronter avec des contraintes nouvelles, et des ouvertures nouvelles. Quand vous revenez ensuite au roman, vous pouvez faire bénéficier le roman des expériences que vous avez fait ailleurs. Je parle d'expérience dans la mesure où ce n'est pas quelque chose que je ferai durablement parce que je suis un romancier mais ces aventures dans le cinéma ou dans la télévision m'ont toujours apporté beaucoup de choses.

Philippe Chauveau : Si vous deviez vous définir d'un mot, en tant qu'auteur et en tant qu'homme, lequel vous traduirait le mieux?

Pierre Lemaitre : Je dirais que je suis un auteur sincère. Sincère, dans la mesure où je n'avance pas masqué, je pense que n'importe qui lisant mes livres sait de quoi je parle et qui je suis. Je le fait avec sincérité. Je pense que ce terme de sincérité est un terme qui n'est pas trop valorisant, pas trop immodeste et je crois assez honnête pour définir mon rapport à la fois à mon travail et à mes lecteurs.

Philippe Chauveau : Votre actualité Pierre Lemaitre, chez Albin Michel, « Couleurs de l'incendie ».

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