Incontournable Gonzague Saint Bris. En près de 40 ans de carrière et avec une cinquantaine de livres à son actif, Gonzague Saint Bris fait partie du milieu culturel français. Si ses livres sont en librairie, lui est aussi régulièrement présent dans les médias pour collaborer à diverses émissions et il porte lui-même de nombreux projets audiovisuels, comme récemment ces reportages sur les châteaux de la Loire vus depuis un drône. Gonzague Saint Bris a toujours mille projets en tête !
Gonzague Saint Bris enthousiasme, amuse, fascine ou irrite mais en tous les cas, il ne laisse personne indifférent. Que ce soit pour ses essais, ses romans, ses biographies historiques, sa plume fait mouche et son style enlevé, élégant, drôle aussi parfois a bien souvent ramené de nombreux lecteurs à l'Histoire de France. Prix Interallié en 2002 pour « Les vieillards de Brighton », on lui doit de nombreuses biographies historiques consacrées notamment à plusieurs rois de France mais aussi à La Fayette, à Balzac ou à Léonard de Vinci, le génial Léonard qui s’éteignit en Touraine, au château du Clos-Lucé, là même où Gonzague Saint Bris passa son enfance.
Passionné d’Histoire donc, fin lettré, non dénué d’humour, voire même d'autodérision, Gonzague Saint Bris a aussi le goût du partage comme il le prouve chaque année, en été, en organisant avec un bataillon de bénévoles La Forêt des Livres, qui accueille des milliers de visiteurs et plus de 250 auteurs en pleine nature.
La vingtième biographie de Gonzague Saint Bris est consacrée à Louis XI, roi de France célèbre mais qui a toujours souffert d’une image négative, sombre. On le présente retors, machiavélique, fourbe. Qu'en est-il réellement ? Réponse avec Gonzague Bris dans ce nouvel ouvrage « Louis XI le méconnu » aux éditions Albin Michel.

Philippe Chauveau :

Bonjour Gonzague Saint Bris et merci d'être avec nous pour évoquer votre actualité « Louis XI le méconnu » aux éditions Albin Michel. Nous y reviendrons bien sûr. On vous connait depuis des années pour votre bibliographie très large. Quelle est votre motivation ? Quel est votre ressort lorsque vous vous mettez à votre table de travail ? Qu'est-ce qui vous donne toujours envie d'écrire et partager ?

Gonzague Saint Bris :

En fait, ce qui me passionne, c'est le présent et l'avenir de l'Histoire dans nos vies. Je sais une chose : pour être heureux, il faut aimer son propre passé et encore mieux, aimer son passé d’avant son passé si on veut être très heureux. Et pour avoir de l'avenir, il faut connaître tout du passé. Bernanos a dit « Ne pas revenir sur le passé est la meilleure façon pour que ce passé revienne sur vous ». Et la biographie joue un très grand rôle dans ma vie. J'ai écrit 50 livres dont 20 biographies, celle-ci est la vingtième, et chaque fois que je m'attache à un personnage, que ce soit un écrivain comme Balzac, un héros de l'humanitaire comme Lafayette ou un roi de France, j'entre dans quelque chose qui est pour moi magique, qui est de parvenir à le connaitre au-delà de ce que l'on peut espérer. Je considère que chacun de mes sujets de biographies, ce sont des gens que je suis dans la rue et je les connais si bien que je sais parfaitement s'ils vont tourner à la première ou à la deuxième rue.

Philippe Chauveau :

Vous avez souvent raconté votre enfance en Touraine, au Clos-Lucé. Vous avez aussi raconté que vos frères vous avaient eux-mêmes offert des livres lorsque vous étiez enfant. Quand vous vous penchez sur ces destins, sur ces grands personnages qui ont façonné notre histoire, gardez-vous une âme d'enfant, une admiration face à eux ou êtes-vous bien ancré dans votre époque

Gonzague Saint Bris :

L’âme d’enfant est très utile car dans la biographie, dans l'Histoire, il y a cette phrase de Dumas « On ne réussit dans l'Histoire que par l'imagination ». Cela ne veut pas dire que l'on doit inventer quelque chose qui n'existe pas mais entre deux points fixes que l'on connait parfaitement, l'imagination peut vous donner le maillon manquant. Et en ce qui concerne Louis XI, le début de ma passion pour l'Histoire, c’est la lecture de ce roman de Walter Scott sur Louis XI, qui s'appelle « Quentin Durward » et c'est vrai que, sans me comparer à mon modèle, je suis né à Loches, Louis XI est né à Bourges mais il a passé les dix premières années de sa vie à Loches, puis il est allé dans le clair château d'Amboise rejoindre sa mère, où il a commencé à vivre à partir de 13 ans. Donc il y a beaucoup de points communs. Et encore plus ! Le Clos-Lucé d'Amboise qui est ma demeure familiale mais qui fut surtout la maison de Léonard de Vinci, a été bâtie par un conseiller de Louis XI, qui s’appelle Etienne Leloup. Lorsque nous étions enfants et que nous n'étions pas sages, on nous disait « Attention, vous allez avoir à faire à Etienne le Loup » !

Philippe Chauveau :

Ce qui est toujours étonnant avec vous Gonzague Saint Bris, c'est que finalement, vous avez rencontré énormément de personnalités et votre vie en elle-même a un côté très romanesque. Pourtant, il y a longtemps que vous ne vous êtes pas attaqué au roman. Depuis plusieurs années maintenant, vous êtes dans les essais, les biographies et les récits historiques. Cela ne vous démange pas de retrouver la plume romanesque que vous savez si bien manier ?

Gonzague Saint Bris :

Je trouve que le roman est un art très difficile. Le roman autobiographique est encore plus difficile et c'est ce qui me plait. J'ai fait deux romans dans cet esprit, « Les vieillards de Brighton » prix Interallié et « L'enfant de Vinci » dans lequel je racontais ma vie à l'âge de 13 ans au Clos-Lucé. Effectivement, avec la maturité, je pense à un troisième volume dans cet esprit.

Philippe Chauveau :

Vous qui êtes souvent au contact de vos lecteurs, quelle est la phrase, le compliment que l'on vous ait fait et qui vous a conforté dans votre désir d'écrire ?

Gonzague Saint Bris :

Chaque rencontre avec un lecteur ou une lectrice est un fabuleux encouragement mais c’est plutôt à moi de les complimenter car je considère qu'un livre n'existe que quand les gens se l'approprient et vous disent « Mais votre histoire, c'est la nôtre ». Là, c’est intéressant.

Philippe Chauveau :

Votre actualité Gonzague Saint Bris, « Louis XI le méconnu », aux éditions Albin Michel.

Philippe Chauveau :
Gonzague St Bris, vous avez publié de nombreuses biographies historiques telles La Fayette, Louis XIV, Henri IV ou François Ier qui sont des personnages historiques flamboyants. Et là, pour ce nouveau personnage historique auquel vous vous attaquez, Louis XI, voilà un homme sombre, retors, en tous cas c'est ainsi que la légende le présente. Alors pourquoi Louis XI dans votre parcours

Gonzague Saint Bris :
Parce que c'est franchement l'un des très grands rois de France à l'égal de François Ier ou Louis XIV. C'est celui qui a fait la France, c'est un roi en période de crise, c'est le roi qui ferme la Guerre de Cent ans. Au point de vue look, c'est une voiture banalisée, quand ses sujets le voient passer, ils se disent « Mais c'est ça le roi de France ? Il n'y a pas pour vingt balles entre son costume et son cheval ! » mais c'est un homme qui a montré sa capacité en tant que chef de guerre tout en ayant compris qu'il pouvait faire l'économie des batailles par la ruse, l'esprit, les alliances et les mariages pour s'emparer de la nouvelle France, sans verser le sang des français. C'est le premier roi qui abolit l'idée qu'il est un grand seigneur comme le duc de Bretagne ou le duc de Bourgogne pour devenir un souverain. Un souverain, qu'est-ce que c'est ? Ce n'est plus un roi, c'est quelqu'un qui est responsable de son peuple et Louis XI passe sa vie à parcourir la France, avec sa cave dans des chariots, à aller vers les français.

Philippe Chauveau :
Vous avez choisi de sous-titrer votre ouvrage « Louis XI le méconnu » parce qu'il y a cette légende noire que j'évoquais au préalable. Est-ce une légende qui est très vite arrivée après le règne de Louis XI ou la doit-on au XIXème siècle avec Michelet notamment dans son « Histoire de France » ?

Gonzague Saint Bris :
Cette légende vient d’abord des grands qu'il a rabaissés. Il est parvenu à faire la France d'aujourd'hui en s'emparant du duché de Bourgogne de Charles le Téméraire, du duché de Bretagne de François II, en s'emparant de la Provence de René d’Anjou et au fond, Louis XI n'aime pas les grands et ceux-là, après sa mort, vont se déchainer contre lui. La légende commence. Mais il est vrai que c'est le XIXème siècle romantique qui fait la légende noire de Louis XI et on s'en donne à cœur joie ! Cela commence avec Walter Scott, et les trois-cents archers dans le sinistre château de Plessis-les-Tours, avec les prisons de Loches, et puis aussi avec Victor Hugo et « Notre Dame de Paris », Honoré de Balzac avec « Maître Cornélius » et bien sûr Alexandre Dumas et Michelet qui ne le ménagent pas.

Philippe Chauveau :
Vous avez mis un temps assez long à écrire cette biographie. C'est un personnage qui vous a suivi pendant plusieurs années. Pourquoi avoir mis plus de quatre ans pour écrire cette biographie ?

Gonzague Saint Bris :
Cinq ans pour être sûr de bien faire, de tout vérifier et heureusement, j'avais les rapports des ambassadeurs milanais qui sont de véritables espions et racontent tout sur Louis XI. Il y a aussi une amitié inouïe entre Louis XI et Francesco Sforza et là, il y a beaucoup de clés de son caractère. C'est un homme qui n'aime pas son père et désire le voir mourir et son père ne l'aime pas non plus. On va alors lui donner le Dauphiné, une province que l'on donne aux dauphins pour voir de quoi ils sont capables et lui va en faire un royaume inouï. Il va créer le parlement de Bourgogne, l'université de Valence qui fait l'admiration de l’Europe et il montre ce qu'il peut faire.

Philippe Chauveau :
Au cours de ces années de travail pour cette biographie, votre vision de Louis XI a-t-elle changée ? Entre le premier mot que vous avez mis sur le papier et la fin du livre, votre regard sur lui a-t-il changé ?

Gonzague Saint Bris :
Je ne l'ai jamais jugé, même lorsque j'étais adolescent et que je lisais Walter Scott parce que je sais comment il était avec les gens. La preuve est au Clos-Lucé ! Comment a-t-il connu Etienne Leloup qui est devenu son conseiller ? Il se promène dans les cuisines de son château de Plessis et il croise un gamin, un marmiton et lui demande « Combien gagnes-tu toi ? ». « Je gagne comme le roi ! ». « Ah bon, mais combien gagnes-tu ? Combien gagne le roi ? ». «Le roi gagne ses dépens, je gagne des dépens ». Il va élever cet enfant, en faire son conseiller, son maitre des eaux et forêts.

Philippe Chauveau :
Louis XI entre dans ce studio. Vous vous retrouvez face à lui. Qu'auriez-vous envie de lui dire ?

Gonzague Saint Bris :
Je me lève et je le remercie de ce qu'il a fait pour la France. J'essaie aussi de le consoler parce qu'un jour, alors qu'il chassait dans la forêt de Loches, un messager arrive « Sire, j’ai une affreuse nouvelle, vous venez de perdre votre fils, François ». Là, Louis XI est atterré. « Qu'on fasse venir les bûcherons. Je veux que l'on coupe tous les arbres autour de moi, je veux un cercle de deuil ».

Philippe Chauveau :
Merci Gonzague St Bris, votre actualité « Louis XI le méconnu » chez Albin Michel.

Gonzague Saint Bris :
Merci beaucoup Philippe Chauveau