Nicolas Rodier fait partie des 65 auteurs de premiers romans de cette rentrée littéraire 2020. A 38 ans, il a pourtant depuis longtemps en lui cette envie d’écriture. Plus largement, la littérature a toujours été une sorte de liberté lui permettant de s’éloigner d’un milieu social dans lequel il avait du mal à trouver sa place. La participation a un atelier d’écriture lui a donné confiance et légitimité. Ainsi est né « Sale bourge ».

Derrière cette invective, nous allons découvrir Pierre. Il a une quarantaine et se retrouve en garde à vue pour violences conjugales. Comment en est-il arrivé là, lui issu d’une famille de la bonne société versaillaise ? Remontant le fil de sa vie, Pierre se raconte, de son enfance à son mariage.

Dès lors, les souvenirs affluent. Et dans cette famille privilégiée, à chaque génération, les failles sont nombreuses, la violence, physique ou psychologique est permanente.

Nicolas Rodier décortique le mécanisme d’une famille vivant avec les codes d’une époque révolue mais qui croit toujours à sa supériorité.

L’écriture est glaçante, sans artifice, c’est la confession d’un homme qui libère sa parole et ne reconnait pas celui qu’il est devenu.

Le roman nous plonge dans le désarroi de cet homme qui a cherché à se démarquer de son entourage, qui a cru pouvoir échapper à l’emprise de ses proches. Mais les faits sont là, Pierre est en garde à vue pour avoir frappé sa femme.

Au-delà de la qualité de l’écriture et d’une construction habile, la force de ce roman est aussi d’aborder un sujet de société sous un prisme différent, tant la tentation est grande d’associer les violences conjugales et familiales à des milieux sociaux défavorisés. De même, sur ce sujet, la parole est souvent donnée à la victime. Là, c’est bel et bien le bourreau qui s’exprime, cherchant non pas à se dédouaner mais bien à comprendre comment il a été entrainé dans cette spirale de violence.

Ce livre est dérangeant, implacable, excellent et indispensable.

« Sale bourge » de Nicolas Rodier est publié aux éditions Flammarion.