Olivier Bourdeaut

Olivier Bourdeaut

Pactum salis

Livre 6'24

Philippe Chauveau : Ce premier roman, En attendant Bojangles, on en parle beaucoup Olivier Bourdeaut. C'est un couple, un couple qui s'aime énormément et puis il y a cet enfant qui est à la fois amusé, interloqué de voir ses parents qui s'aiment si fort. Et puis il y a toujours cette petite musique de Nina Simone, cette chanson qui date de 71, Mister Bojangles qui passe en boucle dans la maison. Et le père et la mère qui s'enlacent pour danser sur cette jolie mélodie. J'ai bien sûr plein de questions qui viennent en même temps. Est-ce que le livre a commencé avant le titre, ou le titre était-il trouvé avant de commencer l'histoire ?

Olivier Bourdeaut : J'ai découvert cette chanson 15 jours avant l'écriture du roman.

Philippe Chauveau : L'histoire était déjà dans votre tête ?

Olivier Bourdeaut : Absolument pas. Non. Je n'avais absolument rien déterminé de l'histoire avant de me mettre à table. J'avais deux mois pour écrire un roman puisque je devais retourner à Paris pour des rendez-vous administratifs sinistres. Et donc, l'objectif, c'était d'écrire un roman pendant deux mois. Et je vais être honnête, je n'y croyais pas du tout. J'ai essayé de creuser dans l'avion en me disant, il faut absolument que je trouve un sujet, et je n'en avais pas. Et j'avais cette chanson depuis quinze jours dans les oreilles. C'est grâce à un ami que je l'ai découverte. Et elle est passée au moment où j'ai commencé à écrire le roman. Je trouvais que c'était une bonne idée de mettre cette belle musique qui m'enchantait depuis quinze jours.

Philippe Chauveau : Il y a une sorte d'alchimie finalement.

Olivier Bourdeaut : Oui, exactement.

Philippe Chauveau : Le roman se construit finalement en deux parties. C'est l'enfant qui raconte. C'est l'enfant qui est le narrateur. De temps en temps, il y a aussi les carnets du père qui font avancer l'intrigue. Dans la première partie, on découvre cette famille un peu dingue. Le couple s'aime très fort, le gamin assiste à tout ça. Il n'est pas scolarisé parce qu'il est beaucoup trop intelligent pour ça. La mère voit son enfant comme un vrai personnage de roman. Et puis d'un seul coup, la folie va virer un peu au tragique. Cette amour fou va devenir vraiment de la folie au sens propre. C'est un livre qui oscille entre le côté drôle, le côté sombre. C'est parfois très violent, parfois très tendre, très émouvant. Qu'aviez-vous envie de nous raconter dans cette histoire ?

Olivier Bourdeaut : Je n'avais pas l'histoire comme je viens de vous le dire. Et j'avais plusieurs mots et je voulais un état d'esprit pour ce roman. Je suis flatté d'être comparé à Boris Vian depuis le début et dans 99% des articles, et c'est effectivement une grande chance et un honneur pour moi d'être comparé à une éminence littéraire comme Boris Vian. Mais ça n'est pas du tout sous son patronage que j'ai commencé l'écriture du roman. Déjà, j'ai essayé de faire quelque chose d'original, mais on n'y arrive jamais puisque, après 2000 ans d'histoire, on est toujours comparé à quelqu'un. Je voulais faire quelque chose de poétique déjà. Au niveau de l'enfant, utiliser le langage de l'enfant et sa candeur pour mettre de la poésie dans ses propos. Le père est l'autre narrateur. Et il s'exprime par le biais de carnets que son fils retrouve. Et le troisième personnage qui est devenu central sans que j'ai décidé de faire ça comme ça, c'est la mère, et la mère n'intervient pas en tant que narrateur. C'est son comportement dans lequel j'ai voulu mettre de la poésie.

Philippe Chauveau : Alors expliquons-le, c'est vrai que la mère est un personnage central. C'est un personnage solaire. Elle est complètement loufoque, elle est hors-norme, et elle essaye d'entrainer son mari et son fils dans une vie qui est très loin des sentiers battus.

Olivier Bourdeaut : Elle y arrive.

Philippe Chauveau : Et elle y arrive d'ailleurs.

Olivier Bourdeaut : C'est un succès son histoire.

Philippe Chauveau : Et au fil des pages, on comprend que cette folie, malheureusement, n'est pas feinte et que ce bonheur va finir par se craqueler. C'est pour cela que le roman est à la fois drôle et violent, drôle et triste, et aussi très émouvant parce que l'enfant va aussi assister impuissant à la déchéance de sa propre mère.

Olivier Bourdeaut : Au début, tout a l'air de très très bien fonctionner comme ça. Or, l'intérêt je crois des deux narrateurs différents, c'est qu'à un certain moment, en observant les folies de sa mère, l'enfant est émerveillé, ça le fait beaucoup rire. Or, pour les mêmes anecdotes, les mêmes faits, son père lui voit les choses d'une manière beaucoup plus accablante. Il est effaré de constater certaines choses qui font beaucoup rire son fils mais le père voit le potentiel de la fêlure. Et il voit déjà la fêlure se transformer en brèche, en gouffre.

Philippe Chauveau : Vos personnages, le couple, l'inspiration, Zelda, Scott Fitzgerald. On est d'accord là dessus.

Olivier Bourdeaut : Je suis ravi. Oui, oui, vraiment.

Philippe Chauveau : C'est très prégnant, ça.

Olivier Bourdeaut : Physiquement, je voulais donner le visage de Scott et de Zelda.

Philippe Chauveau : Ca se ressent dans les personnages, mais aussi dans l'ambiance, dans ce décor un peu année 20 même si la chanson de Nina Simone est beaucoup plus récente, mais on sent qu'il y a cette inspiration quand même. Olivier Bourdeaut : Je n'ai pas voulu donner de date fixe au roman, donc on peut l'imaginer dans les années 20-30, et ça peut se poursuivre dans les années 60-70, pourquoi pas. Il y a déjà ce flottement intemporel qui permet à chacun de mettre la famille dans l'environnement qu'il veut.

Philippe Chauveau : Au fil des pages, je pense que chaque lecteur peut s'approprier l'histoire un peu à sa façon avec son propre ressenti, mais on évoque l'amour, le couple, la maladie, l'enfance, et puis surtout le paradis perdu de l'enfance. Vous êtes resté un grand enfant Olivier Bourdeaut ?

Olivier Bourdeaut : Parfois oui. Souvent, joyeux. Je ne sais pas si c'est le propre de l'enfant d'être joyeux. Mais je suis très insouciant aussi. Philippe Chauveau : Vous me permettez de lire un extrait ?

Olivier Bourdeaut : Mais bien sûr.

Philippe Chauveau : Il s'agit non pas du narrateur mais d'un des carnets du père qui évoque sa relation avec son épouse. "Son comportement extravagant avait rempli toute ma vie. Il était venu se nicher dans chaque recoin. Il occupait tout le cadran de l'horloge, y dévorant chaque instant. Cette folie je l'avais accueilli les bras ouverts, puis je l'avais refermée pour la serrer fort et m'en imprégner. Mais je craignais qu'une telle folie douce ne soit pas éternel. Pour elle, le réel n'existait pas".

Olivier Bourdeaut : Parfait.

Philippe Chauveau : Merci Olivier Bourdeaut. En attendant Bojangles, c'est donc votre premier roman, et on vous souhaite le meilleur. C'est aux éditions Finitude.

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  • LIVRE
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