Fabrice Gaignault

Fabrice Gaignault

La vie la plus douce

Livre 00'08'26"

Philippe Chauveau
Dans ce nouveau titre, Fabrice Gaignault La vie la plus douce, il est bien précisé sur la couverture qu'il s'agit d'un roman et pourtant... Et pourtant, la barrière est peut-être fragile entre le roman et peut-être certains pans de votre propre existence. Il y a aussi ce bandeau avec cette photo, cette jolie photo qui l'illustre. C'est quoi la vie la plus douce ?

Fabrice Gaignault
C'est un titre un peu ironique lorsqu'on se plonge dans le livre, c'est une phrase que me répétait mon grand-père quand les choses n'allaient pas en moi ou autour de moi : la vie la plus douce, c'est de ne penser à rien.


Philippe Chauveau
Présentez-nous ce jeune garçon qu'on va suivre sur une bonne partie de son adolescence. Il s'appelle Adrien. Qui est-il cet Adrien qui, effectivement, est ballotté dans une famille flamboyante, mais qu'il a parfois du mal à suivre ? Qui est-il, ce jeune homme ?

Fabrice Gaignault
C'est un jeune homme qui a grandi dans les années 60-70 et qui vient d'un milieu bourgeois, bourgeois éclairé et parisien. Mais qui a passé ses cinq premières années en Algérie et qui s'est senti un peu arraché à l'Algérie puisqu'il est parti à l'âge de 5 ans lorsque les événements ont tourné en faveur d'une indépendance justifiée, mais qui a provoqué un premier chaos puisqu'il fallait partir très, très vite. Il fallait partir parce la famille d'Adrien avait reçu des menaces de mort, il fallait quitter tout sur place, etc. Donc, la mère d'Adrien est repartie avec ses enfants très vite.

Philippe Chauveau
Et puis un retour en France ou en métropole, en tous les cas, où là, on les accueille, mais en même temps, ils ont un peu de mal à se faire leur place.

Fabrice Gaignault
Oui, c'est l'époque où il fallait bien caser tous ces gens-là. Il n'y avait plus de soleil, tout semblait à Adrien très gris, très sombre, très sinistre.


Philippe Chauveau
C'était la lumière qui lui manquait. Et la lumière va lui manquer à plusieurs moments de son existence. Parce que très vite, il va y avoir des failles dans cette famille, il y a le père Bertrand qui essaye de mener tout ça, mais qui a aussi peut être une autre vie, en tout cas, qui aspire sans doute à autre chose. Il y a la maman Caroline, qui est une artiste peintre, mais qui, elle aussi, vit dans un ailleurs. Et puis des relations avec Clara, la petite sœur, avec Etienne, qu'on va appeler le démon. Et puis, cet autre petit frère qui n'a vécu que quelques années, Sébastien, mais dont la présence est toujours bien là, dans cette famille. Beaucoup de chaos dans la vie d'Adrien. Comment se construit-on quand on a une enfance malmenée comme ça ?

Fabrice Gaignault
On se construit avec douleur, mais je dirais patience et indifférence. Dans le livre, on reproche beaucoup à Adrien par moments d'être pas éteint mais de se sentir un peu ballotté, de suivre le cours de l'existence.

Philippe Chauveau
Et pourtant, il observe. Il observe tout. Il retient tout. Je le disais, c'est une famille flamboyante puisque la maman est artiste peintre, côtoie des artistes. Dans la famille aussi, il y a la tante, la tante Emma, qu'on appelle la proustienne. Et puis, il y a quand même une certaine aisance financière. Et puis, on côtoie des des people, des célébrités, etc. Donc, il y a beaucoup de lumière, il y a une certaine lumière mais qui, pour Adrien, est sans doute un peu factice. Parce que lui, en tant qu'enfant, il y aurait peut être besoin d'autre chose.

Fabrice Gaignault
Pour Adrien, c'est terrible parce qu'il se construit un peu d'une façon schizophrénique, parce qu'il passe de la lumière de Saint-Tropez où ses parents avaient une maison, il y avait cette ambiance complètement solaire. Et puis, à partir de septembre, c'est comme si Adrien, on l'enfermait dans une sorte de prison, il se retrouvait en pension, dans une pension religieuse extrêmement stricte, assez cruelle, et même avec des professeurs et des surveillants sadiques. Des choses qui n'existent plus du tout, qui ne seraient plus du tout acceptées aujourd'hui. Et c'était un peu le jour et la nuit pour lui. A cela vient se greffer la maladie puis l'agonie de son petit frère, qu'il ne comprend pas très bien, mais on lui demande de venir voir quand même son petit frère parce qu'on lui dit que c'est la dernière fois qu'il le verra. Donc ça, c'est quelque chose qui le marque à vie parce qu'il va voir un petit garçon complètement décharné qui se meurt d'un cancer. A l'époque, on ne les guérissait pas du tout. Donc il se construit d'une façon un peu entre ombre et lumière.

Philippe Chauveau
Il se construit un peu tout seul parce que le père est un peu démissionnaire, parce que la mère va aussi sombrer dans une sorte non pas de folie, mais de monde parallèle. Il y a une peinture de cette société des années 70. Il y a la vie de cette famille et de ce gamin que l'on voit grandir au fil des années, Adrien. Et puis, en parallèle, il y a aussi les sentiments amoureux que va découvrir Adrien. Et c'est pour ça que le livre n'est en rien misérabiliste ou sombre. Parce que finalement, c'est sa vie, il va être cabossé, mais il y a quand même des signes d'espérance dans son parcours avec cette jeune fille qui va l'accompagner.

Fabrice Gaignault
Oui, volontairement l'écriture n'est pas misérabiliste, comme vous dites, et je l'espère, par moments ironique et drôle, parce qu'il y a des situations tellement tragiques que ça devient tragicomique. Et Candice va à la fois l'ouvrir à la sexualité, ils vont découvrir la sexualité ensemble. Mais comme Candice avait un père qui était un producteur de films pornos, ça va être quand même un milieu un peu spécial, même si c'est pas du tout glauque. Parce que le père, à côté de ça, est très correct. Mais il va se retrouver dans cette grande maison de Saint-Tropez l'été, avec des personnages, des écrivains, des gens un peu interlopes comme ça.

Philippe Chauveau
Mais ça veut dire aussi que Candice lui donne un autre regard sur sur le monde. Oui, elle lui permet de sortir de sa famille.

Fabrice Gaignault
Candice elle est extraordinaire pour Adrien. C'est la femme de sa vie, de ses sept- huit premières années, c'est sûr, parce qu'elle lui a apporté... Elle l'a déniaisé d'une certaine façon en lui apportant une certaine liberté de parole, de regard sur le monde et sur les gens et elle va le construire. Et puis, elle va être extrêmement présente dans sa détresse et sa solitude. Quand rien ne va dans sa famille, elle va le soutenir énormément, énormément.

Philippe Chauveau
On parlait des situations cocasses que vous racontez dans le roman et c'est vrai qu'on passe du rire aux larmes au fil des pages, avec une belle écriture. Plusieurs fois dans l'entretien, Fabrice Gaignault, vous avez parlé d'Adrien. Et puis parfois, vous vous êtes laissé aller à employer la première personne, à dire je. Et je le disais en préambule, c'est un roman, mais cette histoire ressemble furieusement à la vôtre. Est-ce qu'au point final, la vie vous est apparue plus douce ? C'était un besoin aujourd'hui, dans votre vie personnelle, d'écrire sur votre famille sous la forme romanesque ?

Fabrice Gaignault
C'est le livre le plus difficile et le plus attendu pour moi, en tout cas, c'est le livre que je voulais faire depuis des années et depuis longtemps. Il y a le personnage central de la mère aussi, dont on n'a pas tellement parlé, mais pour lequel Adrien a un attachement fou, et qui ne s'est jamais remise de la mort de son petit garçon. Et c'est un livre que je portais en moi, mais qui était très douloureux à écrire, qui était très compliqué. Et le fait d'avoir pris un double, un personnage, m'a permis d'en dire plus et de le transformer d'une façon romanesque. J'espère que ce livre est une création littéraire, mais que ce n'est pas simplement raconter la vie d'un jeune homme dans les années 70-80.

Philippe Chauveau
C'est toute la force de la plume romanesque. Sensibilité, sincérité. En tout cas, ce sont des mots qui définissent bien ce nouveau livre. Fabrice Gaignault. Ça s'appelle La vie la plus douce, et vous êtes publié chez Grasset. Merci beaucoup.

Fabrice Gaignault
Merci beaucoup.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Fabrice Gaignault est un nom bien connu du milieu littéraire parisien. Responsable des pages culture dans plusieurs magazines féminins, on le retrouve aussi dans le mensuel « Lire » où il chronique l’actualité du Livre. Mais Fabrice Gaignault est aussi écrivain. Outre deux beaux livres sur des périples en Inde et en Ethiopie, on lui doit en 2007 un « Dictionnaire de littérature à l’usage des snobs » où avec ironie et pertinence, il partage son amour des Lettres. Mais l’autre passion, c’est aussi le rock et le...La vie la plus douce de Fabrice Gaignault - Présentation - Suite
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