Xavier Darcos de l'Académie française

Xavier Darcos de l'Académie française

Dictionnaire amoureux de l'Ecole

Livre 7'19

Philippe Chauveau : « Les dictionnaires amoureux », c'est cette belle collection chez Plon. Et l'on sait que ce sont des ouvrages très subjectifs puisque finalement ce sont des ouvrages placés sous le signe de la passion et de l'enthousiasme. Vous avez été ministre de l'enseignement et de l'Education nationale, il était donc légitime que vous vous mettiez à ce travail. Comment avez-vous conçu votre dictionnaire amoureux de l'Ecole, Xavier Darcos ?

Xavier Darcos : Alors, je m'étais fixé deux principes. Le premier c'est que ce ne soit pas un plaidoyer pro domo pour dire « ma vie, mon œuvre » et les autres ont mal fait : premier principe. Deuxième principe, c'est faire en sorte que ce soit comme vous l'avez justement dit un dictionnaire amoureux, c'est-à-dire un vagabondage. Et que l'on puisse passer d'un tout petit sujet, par exemple, du porte-plume ou de l'encrier et aller plus loin, parler de Locke, de Jules Ferry, parler des grandes lois scolaires dans un vagabondage qui relève de l'humeur. On a envie de parler de ça, on en parle. En faisant en sorte que les chapitres soient brefs, dans une langue un peu acide ou rapide et que ce soit pas un long exposé. Bon, voilà. Voilà les deux principes qui m'ont guidé : pas d'auto-satisfaction et une très grande diversité des entrées.

Philippe Chauveau : Ce que l'on apprécie dans votre ouvrage, Xavier Darcos, c'est qu'il y a à la fois une part de nostalgie, à l'image de la photo de Doisneau qui est sur la couverture. Vous évoquez le porte-plume, vous évoquez l'encrier. Donc il y a l'école d'hier, celle de Jules Ferry, celles des années cinquante. Et puis vous parlez aussi de l'Ecole d'aujourd'hui, des difficultés qu'elle rencontre, c'est-à-dire qu'à la fois on est dans le passé et dans le présent et tout le monde peut s'y retrouver car nous avons tous nos propres souvenirs et nous avons tous forcément autour de nous des jeunes aussi qui sont confrontés à l'école d'aujourd'hui. Ca c'était important pour vous que l'on puisse aller d'une époque à une autre ?

Xavier Darcos : Je crois surtout qu'il n'y a pas un secteur de l'activité humaine ou de l'activité publique en l'occurence qui soit autant contraint tout le temps d'évoluer et de bouger. Alors à la fois nous avons une mythologique à laquelle nous tenons beaucoup, qui est la mythologie jules ferryste : toutes les images classiques des écoles communales, que tout le monde a conservé plus au moins, même ceux qui viennent d'une génération plus récente. Et à la fois, aussi il y a la rapidité incroyable des modes de communication et d'accès au savoir. Et donc il était absolument nécessaire de regarder le passé car, je le répète mais, nous avons une mythologie commune de l'Ecole en France qui compte beaucoup. Et de montre que, aussi, l'Ecole est confrontée à des défis sans nom que personne d'autre qu'elle ne peut régler. Au moment où les quartiers sont en difficulté, les partis sont tournés en dérision, les Eglises disparaissent, où les associations n'existent plus guère, où la famille est décomposée plutôt que recomposée... L'Ecole subsiste. Et donc c'est à la fois le premier et le dernier recours. Et cette pression qui s'exerce continuellement sur elle fait que de fait elle ne peut échapper à aucune actualité.

Philippe Chauveau : C'est un dictionnaire amoureux, c'est aussi un dictionnaire passionné. Qui dit passion dit aussi parfois petits coups de griffe. Vous n'épargnez pas de temps en temps de montrer qu'il y a des aberrations...Vous faites des comparaisons avec des systèmes scolaires de certains pays de l'étranger et vous dites « là, on a fait fausse route » ou « on fait fausse route ». Je le cite puisque vous l'évoquez dans votre livre, si je reprends la phrase de Claude Allègre, l'un de vos prédecesseurs : « le mammouth » existe toujours ? L'éducation reste quand même un mammouth difficile à remuer ?

Xavier Darcos : Oui parce que c'est la moitié des fonctionnaires français. C'est quinze millions d'élèves qui passent le bac chaque année donc c'est une très très lourde machine. Et une partie de cette lourde machine, concerne les adolescents qui sont faciles à animer ou stimuler. Presqu'aucun ministre n'a échappé à un mouvement lycéen. Bon d'ailleurs, lorsqu'on en fait le bilan, on se rend compte que les lycéens sont sortis d'abord et ils se sont demandés pourquoi...

Philippe Chauveau : Vous en parlez avec beaucoup d'humour de ces mouvements...

Xavier Darcos : Oui, j'ai reçu des mouvments lycéens moi-même enfin bon... Et puis ce qui me fait sortir un peu de mes gonds quelques fois, c'est le fait que l'on puisse douter, que l'enseignement reste quand même un lieu de transmission. Et pour transmettre, il faut des règles, il faut des droits, il faut des contenus, il faut des disciplines. Aucun enfant, ni créatif, ni même très génial n'inventera d'orthographe ou la chronologie ou les mathématiques. Il y a bien un moment où il faut apprendre, il y a bien un moment où il faut une verticalité : il y a quelqu'un qui sait et quelqu'un qui ne sait pas. Et la tendance actuelle, je vois sur les nouveaux programmes, qui consiste à mettre ensemble le professeur de français, le professeur d'histoire-géographie, de sciences naturelles et d'éducation physique et sportive pour causer ensemble d'environnement, de la pollution, de l'esclavage ou du tiers-monde, ça peut être utile mais, ça ne dispense pas de connaître les structures élémentaires du savoir. Donc c'est les rares moments où je m'énerve un peu. Et je trouve dommage que l'on sacrifie ce qui a fondé la transmission d'une culture depuis des générations. Il y a loin de communiquer à transmettre.

Philippe Chauveau : Avez-vous l'impression que parfois dans le monde de l'éducation, on manque pas de bon sens tout simplement ?

Xavier Darcos : Je crois que surtout chacun veut marquer sa place, vous voyez. Alors tout le monde invente quelque chose mais l'inventivité est sans doute utile. Mais la permanence de la transmission est plus indispensable encore.

Philippe Chauveau : Lorsque vous avez écrit ce dictionnaire amoureux Xavier Darcos, était-ce plus le ministre, l'enseignant, le petit gamin de 7-8 ans qui était derrière la plume ?

Xavier Darcos : Et bien c'est un peu le bilan d'une vie consacrée à l'école quand même. Je le répète, j'y ai passé beaucoup de temps. Cela ne m'a pas empêché de me planter d'ailleurs puisque j'ai tout fait : j'ai enseigné à tous les niveaux, j'ai été inspecteur général, doyen de l'Inspection générale, conseiller du ministre pour l'éducation, ministre délégué, ministre... Je me suis dit « quand même j'ai un petit bagage, je vais arriver à m'en sortir ». Comme les autres, je n'ai évité aucun écueil. Donc c'est le bilan d'une longue vie consacrée à l'école, à divers niveaux avec diverses approches, y compris celle d'un parent d'élève et bilan amoureux, parce que de fait, ça a été... C'est la passion de ma vie que le monde de la transmission et du savoir, oui vraiment. Donc je pense que ce dictionnaire doit refléter un peu tout ça. C'est un melting-pot. On ne devrait pas dire ça, pour un académicien... C'est comme ça qu'on dit : un mélange.

Philippe Chauveau : Un « Dictionnaire amoureux de l'Ecole » dans lequel, je le disais, chacun se retrouvera avec ses propres souvenirs. C'est aussi un panorama de l'éducation aujourd'hui en France. Le dictionnaire amoureux de l'Ecole de Xavier Darcos est publié chez Plon. Merci beaucoup.

Xavier Darcos : C'est moi qui vous remercie.

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  • Xavier Darcos fut ministre délégué à l'enseignement scolaire avant d'être ministre de l'éducation nationale de 2007 à 2009. On ne s'étonnera donc pas qu'il publie chez Plon son dictionnaire amoureux de l’école. Comme le stipule le titre de cette collection, dictionnaire amoureux, il s'agit bien là d'un ouvrage de passion et non d'un livre exhaustif sur le sujet ou d'un énième essai pour dénoncer les carences de notre système scolaire. Non, ici Xavier Darcos entraîne le lecteur dans un vagabondage où les thèmes sérieux...Dictionnaire amoureux de l'Ecole de Xavier Darcos - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau : Bonjour Xavier Darcos ! Xavier Darcos : Bonjour ! Philippe Chauveau : Merci d'avoir accepté notre invitation. Votre actualité c'est ce « Dictionnaire amoureux de l'Ecole », on va bien sûr en reparler mais on va faire un peu plus connaissance. Avant de parler de votre parcours, de votre engagement, vous avez été Ministre de l'Education, on le sait. Mais quel enfant étiez-vous, justement à l'école ? Lorsque vous étiez un gamin, vous étiez bon élève ? Quels sont vos souvenirs d'école ? Xavier...Dictionnaire amoureux de l'Ecole de Xavier Darcos - Portrait - Suite
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