Bonnes fêtes...

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Découvrez le nouveau roman d'Irène Frain

Livre 5'56

Philippe Chauveau :

« Marie Curie prend un amant » et vous nous dites ça au présent ! Voilà un titre accrocheur. On a une image de Marie Curie, cette femme qui a toujours travaillé avec son époux, toujours habillé en noir avec son petit chignon bien serré. Vous nous présentez une autre femme, qui a une vie amoureuse et douloureuse. Pourquoi avoir eu envie de nous parler de Marie Curie ? Vous racontez dans les premières pages que c'est un peu par hasard, en ayant découvert un ex-libris…

Irène Frain :

Oui, je tombe vraiment par hasard sur une petite reliure en percaline bleue avec un ex-libris qui figure un diable très libidineux, un vieil homme poilu, ignoble.

Philippe Chauveau :

Et vous avez eu envie d'en savoir un peu plus…

Irène Frain :

Avec mon côté narquois, e me suis dit « C'est quoi ce truc, un roman porno ? ». En fait, il s'agissait de deux revues d'extrême droite « L'œuvre » qui sont reliés par quelqu'un qui manifestement l'a mis dans sa bibliothèque pornographique. Un vieux monsieur graveleux qui allait chercher ça en sous rayon de sa bibliothèque, en cachette de sa femme, de sa bonne ou de ses enfants. En fait, dedans, on trouvait des attaques ignobles sur Marie Curie qui la présentaient comme une vieille femme en chaleur, une hypocrite finie qui serait venue en France pour faire main basse sur Pierre Curie et lui piquer ses découvertes.

Philippe Chauveau :

Du coup, vous tombez sur un scandale qui a défrayé la chronique il y a cent ans, dans les années 1910, car effectivement Marie Curie est veuve et va vivre une passion amoureuse avec Paul Langevin. Cela n'avait rien de condamnable mais la presse de l'époque s'empare du sujet.

Irène Frain :

Elle mène cette passion de façon fort discrète. Paul Langevin a un coup de foudre pour elle.

Philippe Chauveau :

Comme vous l'expliquez, Paul Langevin est marié mais mal marié. C'est un homme battu

Irène Frain :

Plus que cela d'ailleurs, il est roué de coups, porte des cicatrices mais il n'a jamais pu partir à cause de ses enfants qu'il adore. Et il se dit que s'il part, sa femme aura la garde des enfants qui vivront alors dans un milieu pathogène. C'est un homme généreux, hyper sensible et il tient.

Philippe Chauveau :

On lit ce livre vraiment comme un roman car ses personnages, dont Marie Curie, sont extrêmement romanesques mais il y a aussi l'enquête que vous avez menée. Vous avez cherché les documents, vous avez travaillé à la BNF et au musée Curie. Vous avez notamment étudié les comptes de Marie Curie

Irène Frain :

Les comptes sont très révélateurs. Il fallait être opiniâtre et très rigoureux pour ne pas se laisser abuser. Le lecteur ne le verra pas mais il a fallu établir des statistiques pour voir qu'effectivement, cette femme a des piques de dépenses supplémentaires parce qu'elle est amoureuse, elle se déplace beaucoup, elle se cache en utilisant des fiacres, aujourd'hui ce serait des voitures à vitres fumées.

Philippe Chauveau :

Ils vont prendre ce petit appartement rue du Banquier pour abriter leur amour

Irène Frain :

Oui, dans le XIIIème arrondissement, qui existe toujours. J'y suis retourné plusieurs fois et je me suis imprégnée de l'atmosphère. Mais il y a aussi sa maison de veuve, à Sceaux. En fait, cette maison était racontée mais jamais documentée.

Philippe Chauveau :

Mais finalement, cette histoire qui unit Marie Curie à Paul Langevin est une sorte d'hommage à Pierre Curie, disparu depuis deux ans. Car tous les deux étaient fascinés par Pierre Curie.

Irène Frain :

Absolument, c'est un trio symbolique ! Les gens de l'époque qui ont connu Pierre Curie l'ont idolâtré et ils avaient raison. Il était charismatique, il avait une présence, un regard. On s'en aperçoit sur les photos de Pierre Curie qui ont maintenant 110 ou 120 ans et elles sont incroyables. Il est là !

Philippe Chauveau :

Le fantôme de Pierre Curie est plutôt bienveillant. C'est la société qui est contre eux

Irène Frain :

Oui ! Ils vont vivre « Roméo et Juliette » à la quarantaine et c'est tombé sur la femme. Car Marie Curie a été victime d'une vengeance sociale talibanesque puisqu'elle a été trainée en justice. Il s'en ait fallu d'un cheveu pour qu'elle soit condamnée, trainée en procès. Elle risquait une amende et la prison et dans la presse, on lit « Mme Curie a enlevé le professeur Langevin ». Or, elle était elle-même professeur

Philippe Chauveau :

D'où le titre que vous avez choisi

Irène Frain :

Absolument !

Philippe Chauveau :

On ne peut pas s'empêcher de voir le clin d'œil du destin car si Paul Langevin et Marie Curie n'ont pas pu vivre leur histoire d'amour jusqu'au bout, les descendants, eux, ont fini par unir les deux noms.

Irène Curie :

C'est extraordinaire d'autant que Pierre Curie, le grand fantôme de cette histoire, ne croyait pas au destin et il en avait convaincu Marie. Il ne croyait qu'au hasard. Alors hasard ou destin, la petite-fille de Marie Curie a épousé sans le savoir le petit-fils de Paul Langevin. La boucle était bouclée.

Philippe Chauveau :

Voilà un très bon livre que je vous recommande vivement, un gros coup de cœur qui nous permet de redécouvrir cette femme incroyable qu'était Curie. « Marie Curie prend un amant », le nouveau livre d'Irène Frain aux éditions du Seuil. Merci beaucoup.

Irène Frain :

Merci à vous Philippe

Découvrez le nouveau roman d'Irène Frain Le Seuil
  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Irène Frain garde au fond d'elle-même cette amour pour la Bretagne, sa terre d'origine, qu'elle a raconté dans plusieurs ouvrages, comme « Sorti de rien » ou « La maison de la Source » mais elle aime aussi l'aventure, le voyage, l'ailleurs, elle l'a prouvé avec « Quai des Indes » ou « La forêt des 29 ». En 1982, elle conjugue ses deux passions avec son premier roman « Le nabab » racontant l'histoire d'un jeune mousse breton devenant nabab en Inde au XVIIIème siècle. Le succès de ce livre incita Irène Frain à...Ecrire est un roman d'Irène Frain - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau  Bonjour Irène Frain, merci d'être avec nous. « Marie Curie prend un amant », c'est votre actualité aux éditions du Seuil. Avant d'évoquer ce livre, revenons sur votre parcours. « Le nabab » en 1982 a été un énorme succès et j'ai envie de dire que finalement, dans « Le nabab », il y a tout Irène Frain parce qu'on y évoque la Bretagne avec ce jeune mousse, on y évoque aussi l'Histoire avec le XVIIIème siècle et on évoque enfin l'Orient, cette partie du monde qui vous fascine depuis tant...Ecrire est un roman d'Irène Frain - Portrait - Suite
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