Titulaire d’une maitrise de philosophie, Régis Jauffret est un observateur avisé de la société et de l’âme humaine qu’il aime à ausculter dans ce qu’elle a de plus sombre, de plus torturé, de plus violent. Son premier roman, « Seul au milieu d’elle » parait en 1985. Soutenu par la critique et les libraires, il va rapidement faire sa place dans l’univers littéraire tant par la qualité et l’originalité de son écriture que par la pertinence des sujets qu’il aborde. Avec « Histoires d’amour », « Univers, Univers » ou encore « Cannibales », il s’est imposé comme l’un des auteurs majeurs de sa génération. S’inspirant parfois de faits-divers ou de personnages authentiques, certains de ses livres ont pu créer la polémique comme « Claustria », « Sévère » ou « La ballade de Rikers Islands ». Il n’en demeure pas moins que l’écriture de Régis Jauffret, serré, rapide, vive, interpelle et séduit.
Il décroche le prix Femina en 2005 pour « Asile de fous ». Mais se plaisant aussi dans l’écriture de textes courts, il reçoit le prix Goncourt de la nouvelle en 2018 pour « Microfictions » qu’il décline sur plusieurs tomes.
Le nouveau roman de Régis Jauffret, le voici, « Dans le ventre de Klara » paru aux éditions Récamier. Livre à la fois essentiel et dérangeant. Effectivement, cette Klara dont il est question n’est autre que la mère d’Adolf Hitler et pendant neuf mois, comme à un journal intime, la jeune femme se raconte et raconte sa grossesse, dans l’espérance de l’avenir brillant dont elle rêve pour son enfant.
Se basant sur les sources historiques existantes mais faisant œuvre de romancier, Régis Jauffret s’est emparé de ce sujet à bras le corps exploitant tout ce qui existait sur le sujet. Mais c’est aussi avec beaucoup de pudeur qu’il aborde le destin de cette femme qui va enfanter un monstre. Car elle n’en reste pas moins une femme et une mère attachée à son enfant, la chair de sa chair. Epouse soumise, mariée à un homme qui est aussi son oncle, ayant déjà perdu deux enfants en bas âge, contrite dans la religion, baignant dans l’antisémitisme ambiant de la fin du XIXème siècle, Klara est attachante par la désespérance dans laquelle elle évolue. C’est ce qui rend ce livre à la fois dérangeant et bouleversant. La force du roman est aussi d’accompagner le récit de la jeune femme d’extraits de textes autour de la Shoah, comme sortis de terre, comme si le destin d’Hitler était écrit d’avance. Hitler qui n’est pas présent dans le livre et qui pourtant, est à toutes les pages, entre chaque ligne.
Livre essentiel, violent, sombre et magnifique, aux abysses du mal, le nouveau roman de Régis Jauffret, « Dans le ventre de Klara » est publié aux éditions Récamier.