Eric-Emmanuel Schmitt

Eric-Emmanuel Schmitt

Félix et la source invisible

Portrait 06'02"

Philippe Chauveau :

Bonjour Eric-Emmanuel Schmitt.

Eric-Emmanuel Schmitt :

Bonjour.

Philippe Chauveau :

Votre actualité, « Félix et la source invisible » chez Albin Michel, ce nouveau livre prend place dans le cycle de l'Invisible, il prend place aussi dans une bibliographie déjà conséquente faite de pièces de théâtre, de poésie, d'essais... Si vous faites le bilan de votre parcours d'auteur, êtes-vous un homme heureux aujourd'hui en tant qu'écrivain ?

Eric-Emmanuel Schmitt :

C'est une question que je ne me pose pas. Ce qui me rend heureux, c'est d'avoir autant de livres en moi qui demandent encore à sortir. Je ne cherche pas, je suis enceint, multi-enceint de plein d'histoires… Je fais les livres aussi naturellement qu'un pommier fait des pommes, je réponds à une nécessité de nature.

Philippe Chauveau :

Tous ces personnages que vous nous avez présentés au fil des années, qui sont-ils ? Vous protègent-ils ?

Eric-Emmanuel Schmitt :

Il n'y a jamais une origine précise à un personnage, un personnage est sa propre origine. Un personnage se met à exister dans mon cerveau et me parle. Je sens sa présence, son type de présence, si c'est lumineux, si ce n'est pas lumineux, si c'est une énergie négative ou une énergie positive, j'ai vraiment l'impression d'être habité par des personnages.

Philippe Chauveau :

Comment se présentent les lecteurs qui vous lisent ? Y-a-t-il selon vous un lecteur type ou différentes personnalités ? Comment vous les représentez-vous?

Eric-Emmanuel Schmitt :

Ce qui me rassure, c'est que j'ai découvert que j'avais toutes sortes de lecteurs. C'est assez incroyable et d'ailleurs mon éditeur me le dit lors des séances de signatures, il me dit : « Vous avez un lectorat extrêmement diversifié ».

Philippe Chauveau :

Vous avez l'impression que les lecteurs viennent chercher des choses différentes en fonction de leur âge, de leur vie, de leurs besoins ?

Eric-Emmanuel Schmitt :

Je ne sais pas s’ils viennent chercher des choses différentes mais ils les prennent différemment. Quand des lecteurs très jeunes me lisent, ils ont une appréhension de l'histoire qui est la leur. Par exemple, lorsqu'ils lisent « Oscar et la dame rose », ils ne pleurent pas, ils sont émus mais ils ne pleurent pas, ils me disent : « Oscar ne pleure pas, pourquoi je pleurerais ? ». Oscar est un enfant malade. Tandis que les adultes qui lisent le même texte sont grevés par leur propre douleur et les personnes qu'ils ont perdues, par leur chagrin, et donc les larmes arrivent. Selon le moment de sa vie où on lit les choses, on a peut-être la même attente, l'attente d'une spiritualité, l'attente du sens mais on est différents, à différents moments de l'attente. Les lectures sont extrêmement différentes.

Philippe Chauveau :

Pensez-vous au lecteur lorsque vous écrivez ?

Eric-Emmanuel Schmitt :

Ah oui, c'est à lui que je parle ! Je m'adresse, je rentre en relation avec le lecteur, je lui fais une promesse, « je te prends par la main et je t'emmène quelque part, et je ne te lâcherai pas, même quand tu vas avoir un moment de trouble, parce qu'il y aura des moments de trouble, parce que je n'ai pas peur des sujets graves, mais je te sortirai aussi de ces moments de trouble. Je ne vais pas te lâcher la main dans le trouble, comme font beaucoup d'écrivains, et c'est leur droit, moi j’irai jusqu'au bout et on sortira du trouble, on va faire un vrai voyage. ». J'ai la prétention d’emmener le lcteur pour éprouver des émotions et avoir des idées qu'il n'aurait peut-être pas eues s’il n'avait pas lu ce livre. Je l'emmène dans une aventure, dans un voyage.

Philippe Chauveau :

Si vous n'aviez pas rencontré l'écriture dans votre vie, qu'auriez-vous aimé être ?

Eric-Emmanuel Schmitt :

J'aurais aimé être des tas de choses, c'est peut-être pour ça que j'écris, pour être tous ces personnages que je n'ai pas pu être.

Philippe Chauveau :

Il n'y a pas un métier qui vous aurait intéressé ?

Eric-Emmanuel Schmitt :

Si, j'aurai aimé être compositeur, chef d'orchestre, archéologue, diplomate, ou artisan aussi. J'avais un grand-père artisan et j'adore la patience et le perfectionnisme de l'artisan. Le danger était que beaucoup de choses me plaisent et je pouvais me tromper. Finalement, vu la naturalité avec laquelle les histoires m'arrivent et se déposent sur le papier, je pense que je ne me suis pas trompé.

Philippe Chauveau :

Si vous pouviez croiser le petit Eric-Emmanuel Schmitt qui avait 10 ans, qu'auriez-vous envie de lui dire face à sa vie d'homme ?

Eric-Emmanuel Schmitt :

Quelque chose qu'il savait déjà : que la vie c'est formidable. A dix ans, j'étais persuadé qui vivre, ce n'était pas un coup de salaud qu'on m'avait fait, à la différence de tant d'écrivains mais que c'était un super cadeau que l'on m'avait fait, on m'a donné la vie et des années à vivre. Je lui confirmerais qu'il a raison de sourire à l' existence. Après, l'existence vous donne des coups, elle vous blesse, elle vous scandalise, elle vous abat parfois physiquement, parfois mentalement, elle vous alourdi de chagrin etc. Il faut toujours aller se ressourcer dans nos étonnements premiers parce qu'on est cousus d'étonnements, il faut toujours revenir aux étonnements que l'on a éprouvés et se dire « c'est ça ma colonne vertébrale, c'est ça mon guide, ce ne sont pas mes tristesses, ce sont mes émerveillements ».

Philippe Chauveau :

Votre actualité Eric-Emmanuel Schmitt, « Félix et la source invisible », vous êtes publié chez Albin Michel.

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