Sa vie semblait toute tracée. Bon élève et enfant modèle, il intègre les grandes écoles pour parfaire un cursus qui doit l’amener vers un avenir professionnel assuré.Mais, en intégrant HEC, Tom Connan découvre surtout un monde dont il sent diablement étranger. Non, décidément, cette vie n’est pas faite pour lui. De cette expérience étudiante dans laquelle il ne se reconnait pas, il publie un premier livre « Le camp » qui dénonce l’hypocrisie du système, la vacuité de cet enseignement hors sol, l’individualisme...
Pollution de Tom Connan - Présentation - Suite
Philippe Chauveau
Bonjour Tom Connan.
Tom Connan
Bonjour.
Philippe Chauveau
Pollution, c'est votre actualité, c'est chez Albin Michel. C'est à la fois votre deuxième livre et plutôt le troisième puisqu'il y avait eu un précédent titre en 2017, il s'appelait Le Camp. Le camp, c'est ça ? Et puis, c'est vrai qu'on vous a découvert en librairie avec Radical, qui était considéré par votre éditeur, Albin Michel, comme votre premier roman. Il y a l'écriture romanesque, mais pas que, parce qu'il y a aussi la musique. Il y a la...
Pollution de Tom Connan - Portrait - Suite
Philippe Chauveau
Dans ce nouveau titre, Tom Connan, vous allez nous tout de suite nous placer dans une situation qu'on a connue il y a quelques mois maintenant. Nous sommes en plein confinement, en pleine pandémie. C'est David qui décide de quitter Paris. Plus rien ne le retirer à Paris. Vous l'expliquez dès les premières lignes, et il va partir faire du woofing, c'est- à-dire qu'il va s'engager à aller donner un coup de main dans une ferme biologique dans le Cotentin, pas loin de Cherbourg, en échange du gîte et du couvert. Et...
Pollution de Tom Connan - Livre - Suite
Tom Connan
Pollution
Présentation 00'03'39"Sa vie semblait toute tracée. Bon élève et enfant modèle, il intègre les grandes écoles pour parfaire un cursus qui doit l’amener vers un avenir professionnel assuré.
Mais, en intégrant HEC, Tom Connan découvre surtout un monde dont il sent diablement étranger. Non, décidément, cette vie n’est pas faite pour lui. De cette expérience étudiante dans laquelle il ne se reconnait pas, il publie un premier livre « Le camp » qui dénonce l’hypocrisie du système, la vacuité de cet enseignement hors sol, l’individualisme des étudiants et leur rivalité. Bien qu’auto-publié, le texte est largement relayé et remarqué par la critique.
Très vite, les éditions Albin Michel propose à Tom Connan de publier son second titre « Radical ». Là encore, s’inspirant de sa propre expérience, Tom Connan évoque l’histoire d’amour impossible entre deux garçons, l’un des deux étant dans l’extrémisme politique et imposant à son amant une relation toxique et destructrice. Avec la violence de du sujet et la qualité de l’écriture, « Radical » est salué par la critique. Mais le jeune auteur ne s’arrête pas là.
Parallèlement à l’écriture, il s’essaie à la création artistique sous diverses formes comme l’art digital ou la musique et porte un regard ciselé et générationnel en tant que chroniqueur pour Sud Radio et le magazine TecknikArt.
En 2022, poursuivant sa démarche littéraire, Tom Connan publie ce nouveau roman « Pollution » dont la couverture interpelle, voire dérange.
Alors que la France sort d’un premier confinement, David fait le choix de quitter Paris. Anéantie par la crise sanitaire, sa boîte va fermer, il est au chômage et n’en peut plus de ses 20m2 en banlieue. Il choisit d’aller donner un coup de main dans une ferme du Cotentin en échange du gîte et du couvert, ce que l’on appelle le woofing. Là, il est accueilli par Alex, le fils des fermiers, et rejoint par Inès, une influenceuse des réseaux sociaux qui veut raconter son quotidien dans cet univers rural. Bien vite, ce décor bucolique se transforme en un huis-clos oppressant. Au fil des pages, tel un thriller qui ne dirait pas son nom, le roman prend une autre dimension : pourquoi les parents d’Alex qui ont fait le choix d’un élevage bio doivent-ils s’absenter si souvent ? Pourquoi les bêtes du troupeau semblent-elle amorphes ? Sont-elle malades ? Cette centrale nucléaire, à quelques kilomètres d’ici, quel est son impact ? Et alors que le pays se remet difficilement de la crise sanitaire, jusqu’où ira le radicalisme politique qui semble envahir le pays ? Prenant pour toile de fond les évènements que nous avons vécus ces derniers mois, le roman de Tom Connan évoque des thèmes sociétaux qui font l’actualité : le retour, factice, à la nature, la crise sanitaire, l’invasion des écrans et des réseaux sociaux, la déliquescence du lien humain. Le radicalisme politique, l’écologie…
Le roman de Tom Connan fait froid dans le dos, nous dérange, nous interpelle, mais c’est un formidable roman d’anticipation qui nous pose les bonnes questions, nous bouscule dans nos certitudes, nous raconte une société à bout de souffle, la nôtre, et nous révèle les failles d’une jeune génération fragilisée et en manque de repères.
Un roman coup de poing porté par une écriture addictive et percutante qui laisse entrevoir un auteur qui marquera son temps.
« Pollution » de Tom Connan est publié chez Albin Michel.
Tom Connan
Pollution
Portrait 00'07'48"Philippe Chauveau
Bonjour Tom Connan.
Tom Connan
Bonjour.
Philippe Chauveau
Pollution, c'est votre actualité, c'est chez Albin Michel. C'est à la fois votre deuxième livre et plutôt le troisième puisqu'il y avait eu un précédent titre en 2017, il s'appelait Le Camp. Le camp, c'est ça ? Et puis, c'est vrai qu'on vous a découvert en librairie avec Radical, qui était considéré par votre éditeur, Albin Michel, comme votre premier roman. Il y a l'écriture romanesque, mais pas que, parce qu'il y a aussi la musique. Il y a la création artistique, plus largement avec l'art digital. Si vous deviez donner une définition de ce que vous êtes, vous êtes un touche-à-tout ? Plus que ça ?
Tom Connan
Non, je n'aime pas trop ceux qui touchent trop à tout, qui accumulent les titres. Vous savez, dans les émissions, ils sont à la fois plasticien, chanteur, comédien. Je trouve ça un peu un pénible. Mais après, artiste, au sens très humble du terme, créatif, créateur de contenus comme vous voulez, mais après c'est avec lui. J'ai créé il y a peu près deux-trois ans un label qui s'appelle Connan et où je fais pas mal de choses assez différentes, de l'art digital, de la musique, des vêtements, pas mal de productions que je considère comme étant toutes plus ou moins liées. En fait, j'aime beaucoup l'idée, ça nous amène peut-être sur un autre sujet, mais ce qu'on appelle l'art total, total art et qui est justement une approche beaucoup plus qu'un courant artistique à proprement parler, mais où justement, on utilise plusieurs médiums pour envisager la culture, pour envisager l'art, la création d'émotions, etc. J'aime beaucoup cette idée de l'art total.
Philippe Chauveau
Alors expliquez-moi comment on passe des hautes études de HEC justement à l'art total, au fait d'être artiste. Est-ce qu'il y avait un lien, une évidence ? Est-ce que c'est un changement de vie, ou finalement, est-ce que c'est une suite logique pour vous ?
Tom Connan
Oui, un changement quand même très brutal. C'est assez vrai. J'aime énormément un écrivain qui s'appelle Guillaume Dustan, qui est décédé il y a pas mal de temps, en 2005 je crois, qui était un écrivain gay assez trash, mais qui avait un parcours aussi… Je me compare pas à Dustan, mais un parcours de vie qui me parle puisqu'il avait fait des études justement assez brillantes. Il a fait Sciences-Po, l'ENA tout ça, j'ai fait aussi Sciences-Po. Il avait ensuite, à un moment donné de sa vie, vers 25 ans, quelque chose comme ça, un peu envoyé tout paître, cette remise en question très profonde l’avait amené après à abandonner la fonction publique. Il était juge administratif à Versailles, je crois. Et ensuite, il s'est lancé en littérature. Mais c'est vrai que c'est un parcours, sans doute un peu de premier de la classe, dans lequel je me reconnais un peu effectivement où à un moment donné, les événements de la vie... Bon, dans mon cas, c'est plus peut être des histoires d'amour très difficiles, très violentes, ou en tout cas que j'ai vécues comme telles, qui m'ont ensuite amené à abandonner définitivement en tout cas, ce que je pensais à l'époque, ce que je pense toujours d'ailleurs maintenant, l'idée d'une carrière axée sur la carrière, sur l'argent, la réussite professionnelle et sociale au sens le plus évident, le plus courant. Je me suis dit à un moment c'est un peu vain. Il y a deux ou trois trucs qu'on veut faire dans sa vie. Peut-être les livres, peut-être la création, allons-y et perdons pas de temps.
Philippe Chauveau
Néanmoins cette activité que vous avez aujourd'hui, dans ce que vous appelez l'art total et notamment l'écriture, puisqu'on va se concentrer sur ce domaine-là, est-ce qu'il y avait quand même des influences ? Est-ce que dans votre famille, on vous a déjà ouvert les portes de la culture ? Ou bien est-ce vous tout seul qui découvrez cet univers ?
Tom Connan
Depuis qu'on est enfant, on a toujours été incité à lire très fortement. Après, en grandissant, j'ai beaucoup lu des Frison-Roche, notamment tous ces récits d'aventure dans la montagne, que je trouvais absolument fascinants. Jules Verne etc… Des essais aussi. Après, quand j'ai commencé à devenir ado, j'ai beaucoup lu de philo, de penseurs critiques, comme Alain Badiou comme Frédéric Lordon, etc. C'est vraiment des gens qui m'ont aussi beaucoup influencé. Ça a toujours été quand même quelque chose qui était ancré dans la famille.
Philippe Chauveau
L'envie de prendre vous-même la plume, c'est quand même très lié à vos études. C'est un peu HEC où vous ne vous sentez peut-être pas dans votre univers ? Le camp qui raconte justement un peu cet univers étrange dans lequel vous êtes propulsé Et puis, après, ce qui est votre premier roman est publié chez Albin Michel, Radical, cette histoire d'amour entre deux garçons, mais une histoire d'amour impossible puisque l'un des deux est un extrémiste et que l'autre ne supporte pas ce positionnement politique. Donc ça veut dire que finalement, s'il n'y avait pas eu votre passage à HEC, l'ouverture vers l'écriture aurait peut-être été différente ?
Tom Connan
Je crois que c'est Modiano qui explique qu'on écrit quand on va mal. Il semble que c'est lui. Peut-être que je me trouve, mais je crois que c'est lui. Effectivement, si on ne va pas mal, on n'écrit pas. Je sais que Radical, concrètement parlant, quand j'avais commencé à l'écrire, j’allais effectivement assez mal après une rupture amoureuse très violente que vous avez rappelée en effet, que j'ai transformée en fiction, malgré tout, et j'étais à Beaubourg, dans la bibliothèque, dans le centre de Paris. Et vraiment, c'était la dégringolade intérieure. Comme beaucoup de gens peuvent le vivre après les épisodes de ce type, évidemment, ou après des deuils. Je pense que la séparation amoureuse est une forme de deuil, évidemment. Et j'avais pris un relevé de banque que j'avais sur moi, que je trouvais que j'avais reçu. J'avais commencé à écrire Radical à la main, comme ça, parce qu'on n’a besoin de rien d’autre. J'avais emprunté un stylo à un mec à côté, puis j'ai commencé à écrire. La littérature, l'écriture, c'est ça. C'est d'abord ça. C'est un accès direct à l'expression et à l'émotion.
Philippe Chauveau
Alors j'entends bien pour Radical, il y a cette inspiration très personnelle. Et puis il y a aussi ce sujet plus universel qui est l'extrémisme politique que vous dénoncez. Là cette fois ci dans Pollution, on va en reparler, mais on parle d'une société au bord de l'implosion, avec après une crise sanitaire et puis avec l'écologie, une société qui ne prend pas soin de sa planète, est-ce qu'il y a une écriture revendicatrice de votre part ? Vous parlez d'écrire quand on va mal, vous vous faites aussi pour mission d'écrire pour montrer que la société va mal ?
Tom Connan
Oui, enfin en tout cas, si c'est le cas, il faut le dire en effet. J’aurais effectivement de grandes difficultés, je pense, je ne sais pas pour quelle raison d'ailleurs, mais à m'extraire du monde dans lequel nous sommes, même le monde spécifique, c'est-à-dire la France, l'Occident, l'Europe, le monde concret que je connais, je pourrais difficilement écrire sur une autre époque ou sur un monde que j'ignore totalement. J'ai l'impression que j'ai toujours et j'ai toujours pensé que la littérature, enfin que les romans, devaient être un instrument de connaissance. Je pense qu'on est dans un monde aujourd'hui où l'essai de 450 pages sur les problèmes économiques contemporains, ça peut être aride, c'est compliqué, surtout qu'on est vraiment dans un monde où il y a beaucoup de flux de divertissement en continu, les réseaux sociaux, les applications et donc c’est difficile aussi de se concentrer. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire. Mais à un moment donné, le roman, c'est aussi quelque chose qui peut permettre d'amener d'autres publics qui n'auraient pas forcément le réflexe, le temps, etc, de se taper des essais de 450 pages sur l'économie, la politique ou l'écologie et donc dans les personnages, à travers des idées, des situations plus universelles qui parlent à tout un chacun, potentiellement, en tout cas si c'est réussi, on peut effectivement parler de la politique, de la société etc. Je pense que le roman vraiment est là-dedans, la création d'émotions, de personnages, mais également le contact direct avec le réel et avec le social.
Philippe Chauveau
J'ai lu dans un papier, un journaliste écrivait de vous que vous étiez un auteur désabusé mais engagé. Vous êtes d'accord avec cette définition ?
Tom Connan
Oui, désabusé. Je pense qu'on peut l'être quand même parce qu’il y a quand même un nombre de crises, de difficultés qui s'accumulent. Le monde du travail est totalement changé. La planète se disloque, l'extrémisme monte à gauche, à droite, etc. J’ai l'impression qu'on passe un peu d'une phase à une autre. Même aujourd'hui, regardez le journal de 20 h, ça devient quand même très très compliqué à supporter mentalement. Donc en effet, je pense que oui, être désabusé, désenchanté comme disait Mylène Farmer, c'est un peu le point de départ, mais engagé aussi, bien sûr. Parce que justement, face à cela, je pense qu'à sa petite échelle, on peut tous faire un certain nombre de choses… Je pense d’ailleurs même qu'on est même désabusé sur les moyens d'action.
Philippe Chauveau
C'est votre actualité, Tom Connan, avec cette couverture qui fait froid dans le dos, ça s'appelle Pollution. C'est chez Albin Michel.
Tom Connan
Pollution
Livre 00'07'42"Philippe Chauveau
Dans ce nouveau titre, Tom Connan, vous allez nous tout de suite nous placer dans une situation qu'on a connue il y a quelques mois maintenant. Nous sommes en plein confinement, en pleine pandémie. C'est David qui décide de quitter Paris. Plus rien ne le retirer à Paris. Vous l'expliquez dès les premières lignes, et il va partir faire du woofing, c'est- à-dire qu'il va s'engager à aller donner un coup de main dans une ferme biologique dans le Cotentin, pas loin de Cherbourg, en échange du gîte et du couvert. Et là, il va rencontrer Alex, qui est le fils de la ferme. Et puis Iris, qui est une Youtubeuse qui a décidé de faire un petit peu la même chose. David, il est, il est quoi ? C'est un jeune d'aujourd'hui. C'est la représentation du jeune d'aujourd'hui, un peu paumé ?
Tom Connan
C'est une version, il est parisien, même s'il habite Porte de la Chapelle, donc il n'est quand même pas très loin du périphérique. Disons que c'est la condition un peu standard pour ceux, en tout cas qui vivent dans des grandes villes, dans les grandes métropoles, même françaises, en effet, on est souvent dans de petits studios, dans des chambres de bonne jusqu'à parfois des âges assez avancés. Donc il est dans cette situation-là, effectivement, et donc, à un moment donné, vivre dans 20 mètres carrés, la crise du COVID, de la pandémie et le confinement, c'est un peu compliqué, donc il n'a plus rien à perdre. Il est en chômage partiel par ailleurs.
Philippe Chauveau
Parce que la boite dans laquelle il bosse risque de fermer suite à la crise sanitaire.
Tom Connan
Exactement, et donc il n'a plus vraiment de perspectives et du mal à se projeter parce que c'est toujours pareil, dans le monde d'aujourd'hui, la jeunesse, et pas que la jeunesse d'ailleurs, c'est vrai aussi pour ceux qui sont en transition de carrière etc., ne se projettent pas vraiment à plus d'un an ou deux ans, cinq ans. Quand vous n'avez pas comme ça d’engagement vers un dessein, vers un objectif un peu clair, c'est moins motivant. Et donc à tout moment vous pouvez changer. C’est ce qui fait aujourd’hui que beaucoup de gens changent de boulot, changent de vie. David, de ce point de vue-là, représente assez bien, pas seulement la jeunesse, mais cette tentation de l'exil, de l'exode et notamment de l'exode urbain.
Philippe Chauveau
Alors effectivement, c'est l'image de l'exode urbain. Partir faire une autre vie à la campagne. Sauf que là, ça ne se passe pas forcément comme il l'aurait souhaité. Alors certes, il se propose pour aider dans cette ferme biologique. Il est accueilli par Axel. Les parents sont là, mais vraiment par intermittence. Parce que très vite, on va comprendre que le père n'est pas très en forme et qu'il doit se faire soigner. Et donc on va retrouver ces trois jeunes. Alex, qui accueille David et puis Iris aussi, cette Youtubeuse qui, elle aussi, a des envies, des envies d'ailleurs, mais qui a surtout envie de filmer sa vie H24.
Tom Connan
Elle, elle est aussi parisienne, mais elle travaille dans une galerie d'art. Elle est stagiaire, elle veut partir faire du woofing pour goûter aux plaisirs de la campagne. A priori, c'est ça. Mais effectivement, c'est quand même un objectif plus utilitaire. Alors que David est plus quelqu'un d’un peu paumé qui cherche vraiment à quitter Paris. Elle, effectivement, elle veut d'abord monter effectivement une chaîne YouTube, développer son compte Instagram.
Et il y a une troisième personne qui est sur place, Alex, le fils des fermiers. Et lui rêve de travailler pour Disney, pour une plateforme de streaming, quelque chose de totalement actuel, mais en même temps effectivement de très lié à un mode de vie urbain. Donc il y a ces destins croisés. Mais on sent bien aussi que très vite finalement, le personnage d'Alex, il est lui-même dans une sorte d'ambivalence, parce qu'il sait très bien qu’il est fier de ses racines, c'une certaine façon, il est fier d'habiter dans son coin. Il n'est pas du tout honteux ou gêné. Il est un peu envieux du mode de vie de David et Iris, mais en fait, très vite, il va se rendre compte que c'est pas si intéressant le mode de vie dans une grande métropole et il va lui-même quand même donner envie à ses deux autres compères de rester.
Philippe Chauveau
Alors la force de votre roman, c'est -on va planter le décor- On est dans cette situation que l'on a connue, c'est la sortie du confinement quand chacun se cherche un peu. Nous partons à la campagne et en même temps, c'est une sorte de huis clos parce que ces trois jeunes vont être dans cette ferme. On va s'occuper des vaches. Mais la situation tout autour est surprenante, ça dégénère. Et puis en plus, on se rend compte qu'il y a des vaches qui commencent à ne pas aller très très bien. Alors c'est quoi, est-ce c’est la suite de la pandémie ? Est-ce que ce ne serait pas cette usine de Flamanville qui est un peu plus loin ?
Plein de questions vont arriver. Ce qui est l'occasion pour vous, en tant que romancier, d'aborder beaucoup de sujets d'actualité. Celui de la pandémie, celui de la jeunesse qui se cherche ou qui se perd. Celui de l'écologie, du silence aussi, autour de la grosse industrialisation. Vous aviez envie d'aborder tous ces thèmes ou est-ce qu'ils se sont imposés à vous au fil de l'écriture ?
Tom Connan
Je pense que c’'est vraiment toujours les personnages qui donnent un peu le la, de comment est-ce que vous allez orienter votre récit et les différentes étapes qui vont le jalonner. C'est comme toujours comme ça que je fonctionne et c'est intéressant de se laisser embarquer par ces personnages en question. Et en effet, oui, c'est un huis clos que je voyais un peu comme étant quelque chose d'un peu oppressant, parce que j'ai voulu aussi retranscrire quand même l'atmosphère qu'on avait vécue pendant les confinements, notamment le premier où on était tous entre nous dans une atmosphère qui pouvait parfois être un peu conviviale et chaleureuse, mais quand même à l'extérieur, avec une grande peur, la peur de sortir, la peur de rencontrer d'autres personnes, la peur du corps des autres, du visage des autres. C'est terrible quand on y pense. Et aussi, j'aimais beaucoup ce type d'ambiance qu'on retrouve dans certains films d'Hitchcock par exemple, comme Les Oiseaux. Vous êtes à l'intérieur avec des personnes que vous aimez, mais on est fait à l'extérieur, il y a les villageois qui leur sont assez hostiles, qui vont accuser très vite Iris d'avoir un peu apporté le mal et d'avoir fait tomber des vaches malades alors qu'elles étaient en fait déjà malades avant d’arriver. Et puis derrière, il y a quand même, même si on n'est plus tout à fait dans le cœur de la pandémie, en effet, il y a une suspicion de pollution environnementale assez grave qui toucherait pas seulement les animaux, mais également les humains, puisqu'on on suppose assez vite qu'en fait le père d'Alex, s'il n'est pas là, c'est justement parce qu'en fait, il est hospitalisé à quelques kilomètres de là.
Philippe Chauveau
Vous avez choisi une écriture qui est très vive, une sorte de page turner, un esprit un peu thriller, parce qu'on a envie de savoir, donc on avance, on tourne les pages frénétiquement. On part d'une situation d'actualité donc, et puis, très vite, on va rentrer dans un roman d'anticipation. La politique n'est pas étrangère aussi. On ne va pas dévoiler la suite de l'intrigue, mais la politique n'est pas étrangère. Et là, on a un petit rappel peut-être de votre précédent roman radical, puisque l'extrémisme fait aussi son entrée en scène à un certain moment du roman. Comment le qualifieriez-vous ? Dans quel état d'esprit étiez-vous au point final ? Est-ce que vous aviez l'impression que vous aviez tout donné ? Vous aviez ce désenchantement, là encore, vous avez eu l'impression de dépeindre la société telle que vous la voyez, où vous faites œuvre de romancier ?
Tom Connan
Mais là, en fait, on vit dans un monde avec la nouvelle guerre mondiale que j'évoquais tout à l'heure, évidemment, après la question de la déliquescence de la planète et de l'entrée dans un nouveau monde qui n'est pas seulement le monde des réseaux sociaux, mais qui est peut être aussi un monde avec l'épuisement des ressources, avec une inflation généralisée et avec peut-être d'autres conflits, des famines dans certains pays, etc. Donc on vit un peu une fin de l'histoire, en tout cas une vision d'une fin de l'histoire qui est possible, qui est probable à l'échelle d'une vie humaine. En fait, c'est l'idée, pas forcément de l'apocalypse, mais en tout cas effectivement, l'idée d'une transformation du monde, telle et si puissante qu'elle pourrait modifier le quotidien de chacun. Après ce point final que j’ai mis à ce livre, j’ai l'impression que la suite a quand même plutôt confirmé cela. Il s'agit pas d'être noir pour le plaisir d'être noir mais plutôt d'anticiper, de voir un peu quelles sont les différentes possibilités. Et en réalité, j'ai l'impression que l'accélération de ce processus-là fait qu'on va devoir sans doute modifier un ensemble de structures politiques dans les prochaines années.
Philippe Chauveau
Des sujets qui nous parlent tous. La crise sanitaire, l'importance des réseaux sociaux et des influenceurs, la pollution, la planète qui est en déliquescence, l'extrémisme politique. Tout cela, vous l'abordez dans votre nouveau titre, Tom Connan, et puis avec une écriture très ciselée, très travaillée, très très vive, qui vraiment marque beaucoup. C'est un roman que je vous recommande particulièrement, Pollution aux éditions Albin Michel. Merci beaucoup.
Tom Connan
Merci.