Tom Connan

Tom Connan

Pollution

Portrait 00'07'48"

Philippe Chauveau

Bonjour Tom Connan.

Tom Connan

Bonjour.

Philippe Chauveau

Pollution, c'est votre actualité, c'est chez Albin Michel. C'est à la fois votre deuxième livre et plutôt le troisième puisqu'il y avait eu un précédent titre en 2017, il s'appelait Le Camp. Le camp, c'est ça ? Et puis, c'est vrai qu'on vous a découvert en librairie avec Radical, qui était considéré par votre éditeur, Albin Michel, comme votre premier roman. Il y a l'écriture romanesque, mais pas que, parce qu'il y a aussi la musique. Il y a la création artistique, plus largement avec l'art digital. Si vous deviez donner une définition de ce que vous êtes, vous êtes un touche-à-tout ? Plus que ça ?

Tom Connan

Non, je n'aime pas trop ceux qui touchent trop à tout, qui accumulent les titres. Vous savez, dans les émissions, ils sont à la fois plasticien, chanteur, comédien. Je trouve ça un peu un pénible. Mais après, artiste, au sens très humble du terme, créatif, créateur de contenus comme vous voulez, mais après c'est avec lui. J'ai créé il y a peu près deux-trois ans un label qui s'appelle Connan et où je fais pas mal de choses assez différentes, de l'art digital, de la musique, des vêtements, pas mal de productions que je considère comme étant toutes plus ou moins liées. En fait, j'aime beaucoup l'idée, ça nous amène peut-être sur un autre sujet, mais ce qu'on appelle l'art total, total art et qui est justement une approche beaucoup plus qu'un courant artistique à proprement parler, mais où justement, on utilise plusieurs médiums pour envisager la culture, pour envisager l'art, la création d'émotions, etc. J'aime beaucoup cette idée de l'art total.

Philippe Chauveau

Alors expliquez-moi comment on passe des hautes études de HEC justement à l'art total, au fait d'être artiste. Est-ce qu'il y avait un lien, une évidence ? Est-ce que c'est un changement de vie, ou finalement, est-ce que c'est une suite logique pour vous ?

Tom Connan

Oui, un changement quand même très brutal. C'est assez vrai. J'aime énormément un écrivain qui s'appelle Guillaume Dustan, qui est décédé il y a pas mal de temps, en 2005 je crois, qui était un écrivain gay assez trash, mais qui avait un parcours aussi… Je me compare pas à Dustan, mais un parcours de vie qui me parle puisqu'il avait fait des études justement assez brillantes. Il a fait Sciences-Po, l'ENA tout ça, j'ai fait aussi Sciences-Po. Il avait ensuite, à un moment donné de sa vie, vers 25 ans, quelque chose comme ça, un peu envoyé tout paître, cette remise en question très profonde l’avait amené après à abandonner la fonction publique. Il était juge administratif à Versailles, je crois. Et ensuite, il s'est lancé en littérature. Mais c'est vrai que c'est un parcours, sans doute un peu de premier de la classe, dans lequel je me reconnais un peu effectivement où à un moment donné, les événements de la vie... Bon, dans mon cas, c'est plus peut être des histoires d'amour très difficiles, très violentes, ou en tout cas que j'ai vécues comme telles, qui m'ont ensuite amené à abandonner définitivement en tout cas, ce que je pensais à l'époque, ce que je pense toujours d'ailleurs maintenant, l'idée d'une carrière axée sur la carrière, sur l'argent, la réussite professionnelle et sociale au sens le plus évident, le plus courant. Je me suis dit à un moment c'est un peu vain. Il y a deux ou trois trucs qu'on veut faire dans sa vie. Peut-être les livres, peut-être la création, allons-y et perdons pas de temps.

Philippe Chauveau

Néanmoins cette activité que vous avez aujourd'hui, dans ce que vous appelez l'art total et notamment l'écriture, puisqu'on va se concentrer sur ce domaine-là, est-ce qu'il y avait quand même des influences ? Est-ce que dans votre famille, on vous a déjà ouvert les portes de la culture ? Ou bien est-ce vous tout seul qui découvrez cet univers ?

Tom Connan

Depuis qu'on est enfant, on a toujours été incité à lire très fortement. Après, en grandissant, j'ai beaucoup lu des Frison-Roche, notamment tous ces récits d'aventure dans la montagne, que je trouvais absolument fascinants. Jules Verne etc… Des essais aussi. Après, quand j'ai commencé à devenir ado, j'ai beaucoup lu de philo, de penseurs critiques, comme Alain Badiou comme Frédéric Lordon, etc. C'est vraiment des gens qui m'ont aussi beaucoup influencé. Ça a toujours été quand même quelque chose qui était ancré dans la famille.

Philippe Chauveau

L'envie de prendre vous-même la plume, c'est quand même très lié à vos études. C'est un peu HEC où vous ne vous sentez peut-être pas dans votre univers ? Le camp qui raconte justement un peu cet univers étrange dans lequel vous êtes propulsé Et puis, après, ce qui est votre premier roman est publié chez Albin Michel, Radical, cette histoire d'amour entre deux garçons, mais une histoire d'amour impossible puisque l'un des deux est un extrémiste et que l'autre ne supporte pas ce positionnement politique. Donc ça veut dire que finalement, s'il n'y avait pas eu votre passage à HEC, l'ouverture vers l'écriture aurait peut-être été différente ?

Tom Connan

Je crois que c'est Modiano qui explique qu'on écrit quand on va mal. Il semble que c'est lui. Peut-être que je me trouve, mais je crois que c'est lui. Effectivement, si on ne va pas mal, on n'écrit pas. Je sais que Radical, concrètement parlant, quand j'avais commencé à l'écrire, j’allais effectivement assez mal après une rupture amoureuse très violente que vous avez rappelée en effet, que j'ai transformée en fiction, malgré tout, et j'étais à Beaubourg, dans la bibliothèque, dans le centre de Paris. Et vraiment, c'était la dégringolade intérieure. Comme beaucoup de gens peuvent le vivre après les épisodes de ce type, évidemment, ou après des deuils. Je pense que la séparation amoureuse est une forme de deuil, évidemment. Et j'avais pris un relevé de banque que j'avais sur moi, que je trouvais que j'avais reçu. J'avais commencé à écrire Radical à la main, comme ça, parce qu'on n’a besoin de rien d’autre. J'avais emprunté un stylo à un mec à côté, puis j'ai commencé à écrire. La littérature, l'écriture, c'est ça. C'est d'abord ça. C'est un accès direct à l'expression et à l'émotion.

Philippe Chauveau

Alors j'entends bien pour Radical, il y a cette inspiration très personnelle. Et puis il y a aussi ce sujet plus universel qui est l'extrémisme politique que vous dénoncez. Là cette fois ci dans Pollution, on va en reparler, mais on parle d'une société au bord de l'implosion, avec après une crise sanitaire et puis avec l'écologie, une société qui ne prend pas soin de sa planète, est-ce qu'il y a une écriture revendicatrice de votre part ? Vous parlez d'écrire quand on va mal, vous vous faites aussi pour mission d'écrire pour montrer que la société va mal ?

Tom Connan

Oui, enfin en tout cas, si c'est le cas, il faut le dire en effet. J’aurais effectivement de grandes difficultés, je pense, je ne sais pas pour quelle raison d'ailleurs, mais à m'extraire du monde dans lequel nous sommes, même le monde spécifique, c'est-à-dire la France, l'Occident, l'Europe, le monde concret que je connais, je pourrais difficilement écrire sur une autre époque ou sur un monde que j'ignore totalement. J'ai l'impression que j'ai toujours et j'ai toujours pensé que la littérature, enfin que les romans, devaient être un instrument de connaissance. Je pense qu'on est dans un monde aujourd'hui où l'essai de 450 pages sur les problèmes économiques contemporains, ça peut être aride, c'est compliqué, surtout qu'on est vraiment dans un monde où il y a beaucoup de flux de divertissement en continu, les réseaux sociaux, les applications et donc c’est difficile aussi de se concentrer. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire. Mais à un moment donné, le roman, c'est aussi quelque chose qui peut permettre d'amener d'autres publics qui n'auraient pas forcément le réflexe, le temps, etc, de se taper des essais de 450 pages sur l'économie, la politique ou l'écologie et donc dans les personnages, à travers des idées, des situations plus universelles qui parlent à tout un chacun, potentiellement, en tout cas si c'est réussi, on peut effectivement parler de la politique, de la société etc. Je pense que le roman vraiment est là-dedans, la création d'émotions, de personnages, mais également le contact direct avec le réel et avec le social.

Philippe Chauveau

J'ai lu dans un papier, un journaliste écrivait de vous que vous étiez un auteur désabusé mais engagé. Vous êtes d'accord avec cette définition ?

Tom Connan

Oui, désabusé. Je pense qu'on peut l'être quand même parce qu’il y a quand même un nombre de crises, de difficultés qui s'accumulent. Le monde du travail est totalement changé. La planète se disloque, l'extrémisme monte à gauche, à droite, etc. J’ai l'impression qu'on passe un peu d'une phase à une autre. Même aujourd'hui, regardez le journal de 20 h, ça devient quand même très très compliqué à supporter mentalement. Donc en effet, je pense que oui, être désabusé, désenchanté comme disait Mylène Farmer, c'est un peu le point de départ, mais engagé aussi, bien sûr. Parce que justement, face à cela, je pense qu'à sa petite échelle, on peut tous faire un certain nombre de choses… Je pense d’ailleurs même qu'on est même désabusé sur les moyens d'action.

Philippe Chauveau

C'est votre actualité, Tom Connan, avec cette couverture qui fait froid dans le dos, ça s'appelle Pollution. C'est chez Albin Michel.

À la une : Tom Connan - Pollution
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  • LIVRE
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