Aurélien Delsaux

Aurélien Delsaux

Sangliers

Livre 7'52"

Livre

Philippe Chauveau : Dans ce nouveau roman, « Sangliers », avec cette couverture très colorée, vous nous emmenez dans une région que vous connaissez bien puisque c'est votre région. Nous sommes entre le Dauphiné et l'Isère, nous allons nous retrouver dans une petite commune qui s'appelle Les Feuges, ce n'est pas vraiment un village complètement isolé, c'est un village qui grossit parce qu'on est dans une zone péri-urbaine ; cela ressemble à ces territoires un peu oubliés mais qui existent dans notre pays. Pourquoi avez-vous fait le choix de placer votre action dans ce territoire que vous connaissez si bien et que vous aimez en plus ?

Aurélien Delsaux : Justement parce que je l'aime et que j'avais envie de le dire, ce paysage. Un paysage que Berlioz a connu. C'est un paysage qui donne envie de créer, qui donne envie de parler de lui. En même temps, le paysage du roman, c'est un paysage inspiré de la réalité, mais ce n'est pas vraiment un paysage littéraire. Un paysage qui part du réel et qui s'invente lui-même, et qui devient un véritable personnage, ce n'est pas seulement un décor interchangeable avec un autre. Le paysage dans le roman agit sur les personnages.

Philippe Chauveau : Le paysage est un personnage à part entière mais il y a aussi toute une galerie de personnages qui eux aussi sont inspirés de… Ce sont des gens que vous avez pu croisez ?

Aurélien Delsaux : Pas directement. Tous les personnages sont en partie inspirés de personnes qui existent mais ce sont des mélanges. Je voulais montrer que la campagne d'aujourd'hui, sociologiquement, est d'une grande diversité. Il n'y a pas que des paysans à la campagne, il y a des artistes, des intellos, des gens de milieux très divers qui sont côte à côte sans forcément se croiser.

Philippe Chauveau : Il est important de préciser qu'il ne s'agit absolument pas d'un roman de terroir. On est dans l'esprit d'un roman politique, sociétal, puisque vous nous parlez de ces campagnes qui se meurent, qui sont plus ou moins grignotées par des zones péri-urbaines, par des zones commerciales ou industrielles, vous nous parlez de ces gens qui parfois, par manque de moyens se retrouvent à vivre dans des zones campagnardes alors qu'ils rêveraient de vivre en centre-ville, vous aviez aussi envie de montrer la rudesse de ces territoires dont on ne parle pas ?

Aurélien Delsaux : Exactement. Roman politique, j'accepte tout à fait le qualificatif. C'est un discours qui est politique sans être marqué dans un parti mais ce sont des choses qu'on a en tête : les services publiques qui disparaissent, les lignes de trains qui ferment. Il me semble que cela doit être raconté. Un roman doit servir aussi à pousser à bout une hypothèse. Je me positionne en tant que romancier/artiste, je dis mon cauchemar.

Philippe Chauveau : Vous parlez de ce cauchemar dont vous avez peur, mais vous l'avez aussi précisé, dans ce roman il y a le beau et le monstrueux ; il y a des passages très violents, pleins d'agressivité. Et il y a aussi, parfois, cette nature qui est si belle, le coucher de soleil sur les pierres. Il y a des descriptions de paysages qui sont magnifiques parce que c'est cela aussi la campagne. Quels ont été vos inspirations pour écrire ce roman ? On a parlé de Faulkner, on a parlé de Giono, on a parlé de Julien Gracq en lisant votre roman. Vous prenez tout cela j'imagine… Etes-vous d'accord avec ces inspirations ?

Aurélien Delsaux : Il y a consciemment la volonté d'une littérature qui dit oui et qui dit non, d'une littérature qui assume le politique, l'histoire, les combats, le refus de ce qui arrive et en même temps qui dit oui au monde, à la nature. Je n'ai pas envie de choisir entre une littérature qui se contenterait de roucouler sur les beautés du monde et une littérature qui ne serait qu'engagement, poing levé, vocifération.. Non ! J'avais envie, je ne sais pas si j'y suis arrivé, de quelque chose qui peut dire la révolte et la gratitude.

Philippe Chauveau : Avec ce livre, vous avez envie de parler d'un monde qui est fini, celui de nos campagnes, et aussi d'un monde en devenir, qu'on ne connaît pas encore, le monde de nos campagnes de demain, que l’on envisage avec une certaine appréhension. Votre roman est contemporain, pendant les premières pages nous ne savons pas à quelle période nous sommes, et puis petit à petit, quelques détails vont nous donner des dates bien précises. On ne va pas rentrer dans les détails, mais c'était important pour vous de nous faire comprendre que l'actualité touchait aussi les campagnes ?

Aurélien Delsaux : Oui, c'est le roman qui m'a rattrapé. Je situais le roman un peu plus tôt mais l'actualité a été si forte qu'elle est entrée dans le roman, je n'ai pas eu le choix. Effectivement c'est en ça aussi que ce n'est pas un roman de terroir. Ce n'est pas un roman qui enferme dans un territoire mais au contraire, essaie de montrer que ce territoire à des liens très éloignés dans l'espace et très éloignés dans le temps.

Philippe Chauveau : Vous avez remarqué que volontairement je ne suis pas rentré dans l'intrigue parce qu'il y a plusieurs histoires en une. Il y a tous ces personnages qui s'entrechoquent, qui se croisent, qui se confrontent. On l'a dit en préambule le décor est important, l'ambiance est importante, il fait souvent chaud dans votre roman, on sent que la tension monte petit à petit, on sent que la violence est partout même si il y a de beaux paysages de campagnes. Vous vouliez qu'il y ait cette tension permanente pour arriver à une chute qu'on ne dévoilera pas ici ? Vous vouliez que le lecteur soit un peu embrigadé dans cette tension ?

Aurélien Delsaux : Oui je voulais que la tension monte, qu'on sente qu'un coup allait partir mais qu'on ne sache absolument pas d'où, ni qui il allait viser... Et effectivement j'ai essayé de tenir plusieurs fils : le fil politique mais aussi le fil géologique, climatique. Qu'on sente comme si à la fois les éléments naturels et les éléments politiques se liguaient contre ce petit hameau ; il y a une petite ambiance d'apocalypse dans le roman. On sent que l'on est dans un moment ou les temps changent, dans un moment de crise. Et encore une fois, ce n'est pas que dénoncer, c'est aussi louer, c'est aussi dire ce qui est beau et espérer. On peut dire que le roman est noir, mais il y a de l'espérance. L'espérance ne vient que dans la nuit, l'espérance ne vient pas quand tout va bien.

Philippe Chauveau : On va vous suivre avec beaucoup d'intérêt. L'espérance naît dans la nuit... « Sangliers », c'est votre actualité

Aurélien Delsaux, vous venez de recevoir le prix Révélation de la SGDL. Merci beaucoup. Vous êtes publié chez Albin Michel.

Philippe Chauveau : Dans ce nouveau roman, « Sangliers », avec cette couverture très colorée, vous nous emmenez dans une région que vous connaissez bien puisque c'est votre région. Nous sommes entre le Dauphiné et l'Isère, nous allons nous retrouver dans une petite commune qui s'appelle Les Feuges, ce n'est pas vraiment un village complètement isolé, c'est un village qui grossit parce qu'on est dans une zone péri-urbaine ; cela ressemble à ces territoires un peu oubliés mais qui existent dans notre pays. Pourquoi avez-vous fait le choix de placer votre action dans ce territoire que vous connaissez si bien et que vous aimez en plus ?

Aurélien Delsaux : Justement parce que je l'aime et que j'avais envie de le dire, ce paysage. Un paysage que Berlioz a connu. C'est un paysage qui donne envie de créer, qui donne envie de parler de lui. En même temps, le paysage du roman, c'est un paysage inspiré de la réalité, mais ce n'est pas vraiment un paysage littéraire. Un paysage qui part du réel et qui s'invente lui-même, et qui devient un véritable personnage, ce n'est pas seulement un décor interchangeable avec un autre. Le paysage dans le roman agit sur les personnages.

Philippe Chauveau : Le paysage est un personnage à part entière mais il y a aussi toute une galerie de personnages qui eux aussi sont inspirés de… Ce sont des gens que vous avez pu croisez ?

Aurélien Delsaux : Pas directement. Tous les personnages sont en partie inspirés de personnes qui existent mais ce sont des mélanges. Je voulais montrer que la campagne d'aujourd'hui, sociologiquement, est d'une grande diversité. Il n'y a pas que des paysans à la campagne, il y a des artistes, des intellos, des gens de milieux très divers qui sont côte à côte sans forcément se croiser.

Philippe Chauveau : Il est important de préciser qu'il ne s'agit absolument pas d'un roman de terroir. On est dans l'esprit d'un roman politique, sociétal, puisque vous nous parlez de ces campagnes qui se meurent, qui sont plus ou moins grignotées par des zones péri-urbaines, par des zones commerciales ou industrielles, vous nous parlez de ces gens qui parfois, par manque de moyens se retrouvent à vivre dans des zones campagnardes alors qu'ils rêveraient de vivre en centre-ville, vous aviez aussi envie de montrer la rudesse de ces territoires dont on ne parle pas ?

Aurélien Delsaux : Exactement. Roman politique, j'accepte tout à fait le qualificatif. C'est un discours qui est politique sans être marqué dans un parti mais ce sont des choses qu'on a en tête : les services publiques qui disparaissent, les lignes de trains qui ferment. Il me semble que cela doit être raconté. Un roman doit servir aussi à pousser à bout une hypothèse. Je me positionne en tant que romancier/artiste, je dis mon cauchemar.

Philippe Chauveau : Vous parlez de ce cauchemar dont vous avez peur, mais vous l'avez aussi précisé, dans ce roman il y a le beau et le monstrueux ; il y a des passages très violents, pleins d'agressivité. Et il y a aussi, parfois, cette nature qui est si belle, le coucher de soleil sur les pierres. Il y a des descriptions de paysages qui sont magnifiques parce que c'est cela aussi la campagne. Quels ont été vos inspirations pour écrire ce roman ? On a parlé de Faulkner, on a parlé de Giono, on a parlé de Julien Gracq en lisant votre roman. Vous prenez tout cela j'imagine… Etes-vous d'accord avec ces inspirations ?

Aurélien Delsaux : Il y a consciemment la volonté d'une littérature qui dit oui et qui dit non, d'une littérature qui assume le politique, l'histoire, les combats, le refus de ce qui arrive et en même temps qui dit oui au monde, à la nature. Je n'ai pas envie de choisir entre une littérature qui se contenterait de roucouler sur les beautés du monde et une littérature qui ne serait qu'engagement, poing levé, vocifération.. Non ! J'avais envie, je ne sais pas si j'y suis arrivé, de quelque chose qui peut dire la révolte et la gratitude.

Philippe Chauveau : Avec ce livre, vous avez envie de parler d'un monde qui est fini, celui de nos campagnes, et aussi d'un monde en devenir, qu'on ne connaît pas encore, le monde de nos campagnes de demain, que l’on envisage avec une certaine appréhension. Votre roman est contemporain, pendant les premières pages nous ne savons pas à quelle période nous sommes, et puis petit à petit, quelques détails vont nous donner des dates bien précises. On ne va pas rentrer dans les détails, mais c'était important pour vous de nous faire comprendre que l'actualité touchait aussi les campagnes ? Aurélien Delsaux : Oui, c'est le roman qui m'a rattrapé. Je situais le roman un peu plus tôt mais l'actualité a été si forte qu'elle est entrée dans le roman, je n'ai pas eu le choix. Effectivement c'est en ça aussi que ce n'est pas un roman de terroir. Ce n'est pas un roman qui enferme dans un territoire mais au contraire, essaie de montrer que ce territoire à des liens très éloignés dans l'espace et très éloignés dans le temps.

Philippe Chauveau : Vous avez remarqué que volontairement je ne suis pas rentré dans l'intrigue parce qu'il y a plusieurs histoires en une. Il y a tous ces personnages qui s'entrechoquent, qui se croisent, qui se confrontent. On l'a dit en préambule le décor est important, l'ambiance est importante, il fait souvent chaud dans votre roman, on sent que la tension monte petit à petit, on sent que la violence est partout même si il y a de beaux paysages de campagnes. Vous vouliez qu'il y ait cette tension permanente pour arriver à une chute qu'on ne dévoilera pas ici ? Vous vouliez que le lecteur soit un peu embrigadé dans cette tension ?

Aurélien Delsaux : Oui je voulais que la tension monte, qu'on sente qu'un coup allait partir mais qu'on ne sache absolument pas d'où, ni qui il allait viser... Et effectivement j'ai essayé de tenir plusieurs fils : le fil politique mais aussi le fil géologique, climatique. Qu'on sente comme si à la fois les éléments naturels et les éléments politiques se liguaient contre ce petit hameau ; il y a une petite ambiance d'apocalypse dans le roman. On sent que l'on est dans un moment ou les temps changent, dans un moment de crise. Et encore une fois, ce n'est pas que dénoncer, c'est aussi louer, c'est aussi dire ce qui est beau et espérer. On peut dire que le roman est noir, mais il y a de l'espérance. L'espérance ne vient que dans la nuit, l'espérance ne vient pas quand tout va bien.

Philippe Chauveau : On va vous suivre avec beaucoup d'intérêt. L'espérance naît dans la nuit... « Sangliers », c'est votre actualité Aurélien Delsaux, vous venez de recevoir le prix Révélation de la SGDL. Merci beaucoup. Vous êtes publié chez Albin Michel.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Lorsque l'on est journaliste littéraire, on a la chance de faire souvent de belles rencontres, avec des auteurs consacrés, certes, mais aussi avec de jeunes écrivains dont l'enthousiasme, l'érudition, l'envie du partage, la discrétion et l'humilité peuvent vous toucher au plus haut point. C'est le cas avec Aurélien Delsaux. Découvert en 2014 avec « Madame Diogène » qui avait reçu un accueil très élogieux, Aurélien Delsaux confirme son talent avec « Sangliers ». Professeur de lettres, comédien lui-même à la tête...Sangliers d'Aurélien Delsaux - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau : Bonjour Aurélien Delsaux. Aurélien Delsaux : Bonjour Philippe. Philippe Chauveau : Votre actualité chez Albin Michel, « Sangliers ». Il y avait eu précédemment « Madame Diogène » qui avait été primé à plusieurs reprises. « Sangliers » reçoit notamment le prix SGSL Révélations 2017, mais on va faire un peu plus connaissance avant d'entrer précisément dans votre travail d'auteur. Vous vivez en Isère, vous avez fait ce choix de la vie en province, vous êtes professeur de lettres, vous...Sangliers d'Aurélien Delsaux - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau : Dans ce nouveau roman, « Sangliers », avec cette couverture très colorée, vous nous emmenez dans une région que vous connaissez bien puisque c'est votre région. Nous sommes entre le Dauphiné et l'Isère, nous allons nous retrouver dans une petite commune qui s'appelle Les Feuges, ce n'est pas vraiment un village complètement isolé, c'est un village qui grossit parce qu'on est dans une zone péri-urbaine ; cela ressemble à ces territoires un peu oubliés mais qui existent dans notre pays. Pourquoi...Sangliers d'Aurélien Delsaux - Livre - Suite