Tom Connan

Tom Connan

Pollution

Livre 00'07'42"

Philippe Chauveau

Dans ce nouveau titre, Tom Connan, vous allez nous tout de suite nous placer dans une situation qu'on a connue il y a quelques mois maintenant. Nous sommes en plein confinement, en pleine pandémie. C'est David qui décide de quitter Paris. Plus rien ne le retirer à Paris. Vous l'expliquez dès les premières lignes, et il va partir faire du woofing, c'est- à-dire qu'il va s'engager à aller donner un coup de main dans une ferme biologique dans le Cotentin, pas loin de Cherbourg, en échange du gîte et du couvert. Et là, il va rencontrer Alex, qui est le fils de la ferme. Et puis Iris, qui est une Youtubeuse qui a décidé de faire un petit peu la même chose. David, il est, il est quoi ? C'est un jeune d'aujourd'hui. C'est la représentation du jeune d'aujourd'hui, un peu paumé ?

Tom Connan

C'est une version, il est parisien, même s'il habite Porte de la Chapelle, donc il n'est quand même pas très loin du périphérique. Disons que c'est la condition un peu standard pour ceux, en tout cas qui vivent dans des grandes villes, dans les grandes métropoles, même françaises, en effet, on est souvent dans de petits studios, dans des chambres de bonne jusqu'à parfois des âges assez avancés. Donc il est dans cette situation-là, effectivement, et donc, à un moment donné, vivre dans 20 mètres carrés, la crise du COVID, de la pandémie et le confinement, c'est un peu compliqué, donc il n'a plus rien à perdre. Il est en chômage partiel par ailleurs.

Philippe Chauveau

Parce que la boite dans laquelle il bosse risque de fermer suite à la crise sanitaire.

Tom Connan

Exactement, et donc il n'a plus vraiment de perspectives et du mal à se projeter parce que c'est toujours pareil, dans le monde d'aujourd'hui, la jeunesse, et pas que la jeunesse d'ailleurs, c'est vrai aussi pour ceux qui sont en transition de carrière etc., ne se projettent pas vraiment à plus d'un an ou deux ans, cinq ans. Quand vous n'avez pas comme ça d’engagement vers un dessein, vers un objectif un peu clair, c'est moins motivant. Et donc à tout moment vous pouvez changer. C’est ce qui fait aujourd’hui que beaucoup de gens changent de boulot, changent de vie. David, de ce point de vue-là, représente assez bien, pas seulement la jeunesse, mais cette tentation de l'exil, de l'exode et notamment de l'exode urbain.

Philippe Chauveau

Alors effectivement, c'est l'image de l'exode urbain. Partir faire une autre vie à la campagne. Sauf que là, ça ne se passe pas forcément comme il l'aurait souhaité. Alors certes, il se propose pour aider dans cette ferme biologique. Il est accueilli par Axel. Les parents sont là, mais vraiment par intermittence. Parce que très vite, on va comprendre que le père n'est pas très en forme et qu'il doit se faire soigner. Et donc on va retrouver ces trois jeunes. Alex, qui accueille David et puis Iris aussi, cette Youtubeuse qui, elle aussi, a des envies, des envies d'ailleurs, mais qui a surtout envie de filmer sa vie H24.

Tom Connan

Elle, elle est aussi parisienne, mais elle travaille dans une galerie d'art. Elle est stagiaire, elle veut partir faire du woofing pour goûter aux plaisirs de la campagne. A priori, c'est ça. Mais effectivement, c'est quand même un objectif plus utilitaire. Alors que David est plus quelqu'un d’un peu paumé qui cherche vraiment à quitter Paris. Elle, effectivement, elle veut d'abord monter effectivement une chaîne YouTube, développer son compte Instagram.

Et il y a une troisième personne qui est sur place, Alex, le fils des fermiers. Et lui rêve de travailler pour Disney, pour une plateforme de streaming, quelque chose de totalement actuel, mais en même temps effectivement de très lié à un mode de vie urbain. Donc il y a ces destins croisés. Mais on sent bien aussi que très vite finalement, le personnage d'Alex, il est lui-même dans une sorte d'ambivalence, parce qu'il sait très bien qu’il est fier de ses racines, c'une certaine façon, il est fier d'habiter dans son coin. Il n'est pas du tout honteux ou gêné. Il est un peu envieux du mode de vie de David et Iris, mais en fait, très vite, il va se rendre compte que c'est pas si intéressant le mode de vie dans une grande métropole et il va lui-même quand même donner envie à ses deux autres compères de rester.

Philippe Chauveau

Alors la force de votre roman, c'est -on va planter le décor- On est dans cette situation que l'on a connue, c'est la sortie du confinement quand chacun se cherche un peu. Nous partons à la campagne et en même temps, c'est une sorte de huis clos parce que ces trois jeunes vont être dans cette ferme. On va s'occuper des vaches. Mais la situation tout autour est surprenante, ça dégénère. Et puis en plus, on se rend compte qu'il y a des vaches qui commencent à ne pas aller très très bien. Alors c'est quoi, est-ce c’est la suite de la pandémie ? Est-ce que ce ne serait pas cette usine de Flamanville qui est un peu plus loin ?

Plein de questions vont arriver. Ce qui est l'occasion pour vous, en tant que romancier, d'aborder beaucoup de sujets d'actualité. Celui de la pandémie, celui de la jeunesse qui se cherche ou qui se perd. Celui de l'écologie, du silence aussi, autour de la grosse industrialisation. Vous aviez envie d'aborder tous ces thèmes ou est-ce qu'ils se sont imposés à vous au fil de l'écriture ?

Tom Connan

Je pense que c’'est vraiment toujours les personnages qui donnent un peu le la, de comment est-ce que vous allez orienter votre récit et les différentes étapes qui vont le jalonner. C'est comme toujours comme ça que je fonctionne et c'est intéressant de se laisser embarquer par ces personnages en question. Et en effet, oui, c'est un huis clos que je voyais un peu comme étant quelque chose d'un peu oppressant, parce que j'ai voulu aussi retranscrire quand même l'atmosphère qu'on avait vécue pendant les confinements, notamment le premier où on était tous entre nous dans une atmosphère qui pouvait parfois être un peu conviviale et chaleureuse, mais quand même à l'extérieur, avec une grande peur, la peur de sortir, la peur de rencontrer d'autres personnes, la peur du corps des autres, du visage des autres. C'est terrible quand on y pense. Et aussi, j'aimais beaucoup ce type d'ambiance qu'on retrouve dans certains films d'Hitchcock par exemple, comme Les Oiseaux. Vous êtes à l'intérieur avec des personnes que vous aimez, mais on est fait à l'extérieur, il y a les villageois qui leur sont assez hostiles, qui vont accuser très vite Iris d'avoir un peu apporté le mal et d'avoir fait tomber des vaches malades alors qu'elles étaient en fait déjà malades avant d’arriver. Et puis derrière, il y a quand même, même si on n'est plus tout à fait dans le cœur de la pandémie, en effet, il y a une suspicion de pollution environnementale assez grave qui toucherait pas seulement les animaux, mais également les humains, puisqu'on on suppose assez vite qu'en fait le père d'Alex, s'il n'est pas là, c'est justement parce qu'en fait, il est hospitalisé à quelques kilomètres de là.

Philippe Chauveau

Vous avez choisi une écriture qui est très vive, une sorte de page turner, un esprit un peu thriller, parce qu'on a envie de savoir, donc on avance, on tourne les pages frénétiquement. On part d'une situation d'actualité donc, et puis, très vite, on va rentrer dans un roman d'anticipation. La politique n'est pas étrangère aussi. On ne va pas dévoiler la suite de l'intrigue, mais la politique n'est pas étrangère. Et là, on a un petit rappel peut-être de votre précédent roman radical, puisque l'extrémisme fait aussi son entrée en scène à un certain moment du roman. Comment le qualifieriez-vous ? Dans quel état d'esprit étiez-vous au point final ? Est-ce que vous aviez l'impression que vous aviez tout donné ? Vous aviez ce désenchantement, là encore, vous avez eu l'impression de dépeindre la société telle que vous la voyez, où vous faites œuvre de romancier ?

Tom Connan

Mais là, en fait, on vit dans un monde avec la nouvelle guerre mondiale que j'évoquais tout à l'heure, évidemment, après la question de la déliquescence de la planète et de l'entrée dans un nouveau monde qui n'est pas seulement le monde des réseaux sociaux, mais qui est peut être aussi un monde avec l'épuisement des ressources, avec une inflation généralisée et avec peut-être d'autres conflits, des famines dans certains pays, etc. Donc on vit un peu une fin de l'histoire, en tout cas une vision d'une fin de l'histoire qui est possible, qui est probable à l'échelle d'une vie humaine. En fait, c'est l'idée, pas forcément de l'apocalypse, mais en tout cas effectivement, l'idée d'une transformation du monde, telle et si puissante qu'elle pourrait modifier le quotidien de chacun. Après ce point final que j’ai mis à ce livre, j’ai l'impression que la suite a quand même plutôt confirmé cela. Il s'agit pas d'être noir pour le plaisir d'être noir mais plutôt d'anticiper, de voir un peu quelles sont les différentes possibilités. Et en réalité, j'ai l'impression que l'accélération de ce processus-là fait qu'on va devoir sans doute modifier un ensemble de structures politiques dans les prochaines années.

Philippe Chauveau

Des sujets qui nous parlent tous. La crise sanitaire, l'importance des réseaux sociaux et des influenceurs, la pollution, la planète qui est en déliquescence, l'extrémisme politique. Tout cela, vous l'abordez dans votre nouveau titre, Tom Connan, et puis avec une écriture très ciselée, très travaillée, très très vive, qui vraiment marque beaucoup. C'est un roman que je vous recommande particulièrement, Pollution aux éditions Albin Michel. Merci beaucoup.

Tom Connan

Merci.

À la une : Tom Connan - Pollution
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