Bernard Lecomte

Bernard Lecomte

Le dictionnaire amoureux des papes

Livre 6'56

Philippe Chauveau : Les papes, il en est fortement question. Alors je vais tout de suite le dire Bernard Lecomte, vous êtes le Pape de la papaulogie, puisque vous le mettez dans le livre, vous rêves que des journalistes vous appellent comme ça donc je le dis : vous êtes le pape de la papaulogie. « Le dictionnaire amoureux ». Rappelons que cette collection, le souhait des éditions Plon c'est effectivement que l'auteur qui travaille sur un sujet fasse partager à la fois sa culture, son savoir mais aussi sa passion. Mission réussie. Les papes, il y en a eu 266 ?

Bernard Lecomte : Oui. 266 en 2000 ans, ce qui est quand même pas mal. Inutile de vous dire, vous l'avez constaté vous-même, que je ne parle pas des 266 papes dans un livre. Ca c'est un autre travail, d'historie, qui peut tout à fait être fait avec beaucoup de science et beaucoup de passion. Moi, non, j'ai isolé une soixantaine de papes de personnages.

Philippe Chauveau : De figures marquantes.

Bernard Lecomte : Voilà, qui m'ont paru le plus marquant. Ceux sur lesquels il y avait à raconter ou ceux qui m'ont inspiré ou qui ont provoqué chez moi une émotion. Vous l'avez très justement dit : « Le dictionnaire amoureux » c'est d'abord un dictionnaire subjectif, passionné. Alors moi il y a des personnages de papes que j'adore et d'autres que je n'aime pas mais il y en a qui me paraissent tellement fous dans cette histoire assez extraordinaire que je me suis évidemment précipité sur eux. Je pense à un que beaucoup de gens connaissent parce que c'est une caricature mais Alexandre VI Borgia qui est le pape le plus flamboyant des Borgias : évidemment que ce pape là il est étonnant aussi, il fait partie des soixante que j'ai sélectionné.

Philippe Chauveau : On sait que vous avez côtoyé Jean-Paul II, bien sûr vous l'évoquez dans ce livre mais il y a d'autres papes moins connus sur lesquels on sent que vous avez un vrai attachement, Pie XI par exemple, avant la seconde Guerre mondiale.

Bernard Lecomte : Pie XI, c'est un personnage extraordinaire. Cet homme-là qui est aussi un très grand bibliothécaire, c'est un formidable bibliothécaire, c'est un gars dont la passion c'est la bibliothèque. Il a dirigé les deux bibliothèques les plus extraordinaires du monde, qui sont la Bibliothèque Ambrosienne à Milan puis la Bibliothèque Vaticane. Et puis il est devenu pape, Pie XI. Et ce pape là était un pape extrêmement politique parce que il a fait face à une des périodes les plus compliquées du vingtième siècle. C'est lui Pie XI, qui a écrit, rédigé et publié, les fameuses encycliques contre le nazisme, contre le fascisme et contre le communisme, ce qui est, avouez-le, un sacré parcours pour un pape, qui aurait pu se détacher des événements du monde. Non, lui il était les deux pieds dedans. C'est lui qui a lancé en quelque sort le futur Pie XII puisque Pie XII était son Secrétaire d'état et donc vous voyez qu'entre Pie XI et Pie XII, c'est toute une partie du vingtième siècle qui se joue.

Philippe Chauveau : Et justement ce qui est intéressant, c'est que vous nous rappelez au fil des pages et au fil des siècles l'importance politiques des souverains pontifs. Il y a une entrée – moi j'ai été surpris – une entrée que vous avez intitulé « Missile » et je me suis dit : « Dans un livre sur les papes, qu'est-ce qui peut se cacher derrière ? ». Et là vous nous parlez du pouvoir, le rôle de Jean XXIII dans la crise de Cuba entre Kennedy et Khrouchtchev : un passage de l'Histoire complètement oublié.

Bernard Lecomte : Oui on est en octobre 1962 et c'est là en effet que Kennedy et Khrouchtchev, à cause de cette installation de missiles soviétiques sur l'ile de Cuba en viennent à la montée aux extrêmes, comme le disent les spécialistes, c'est-à-dire tout simplement une montée vers la guerre atomique. Et c'est en effet le Pape Jean XXIII qui se retrouve avec une mission, en tout cas une demande : « Est-ce que vous pouvez intervenir auprès de Khrouchtchev pour faire arrêter cette montée inéluctable ? ». Et le Pape en effet a rédigé un texte, s'est adressé à Khrouchtchev afin de transformer cette terrifiante montée vers l'apocalypse en une négociation qui était devenue impossible. C'est une histoire formidable et, vous avez raison, elle est très peu connue, je ne pouvais pas parler de Jean XXIII sans parler de cette histoire de missiles de Cuba, c'était formidable cette histoire.

Philippe Chauveau : Vous retracez un petit peu aussi l'Histoire et la vie quotidienne du Vatican à travers diverses entrées, puisqu'on le sait, vous y avez beaucoup travaillé – j'ai envie de dire que vous y avez vos propres entrées. Et il y a donc beaucoup d'infos qui sont distillées. Et puis vous revenez aussi dans ce dictionnaire amoureux sur des thématiques ou sur des sujets polémiques auxquelles le monde catholique est confronté ou a été confronté, c'est-à-dire que vous ne vouliez rien passer sous silence ?

Bernard Lecomte : Non, vous savez on ne peut pas parler de l'Eglise aujourd'hui sans parler de son passé, bien sûr, mais de son présent. Il ne faut pas oublier que l'Eglise catholique... Je veux dire : le Pape, c'est quand même le leader spirituel d'une communauté d'1 milliard 200 millions de gens, de fidèles, de croyants, c'est pas rien. Moyennant quoi, on ne peut pas regarder la Terre tourner et les problèmes s'accumuler sur nos sociétés sans avoir le Pape comme point de repère. Les problèmes de pédophilie, les problèmes de divorcés-remariés dont on a parlé beaucoup l'année dernière au moment du synode. Les problèmes... La contraception, la famille surtout ! La famille qui est un des sujets de préoccupations principaux du Pape et de l'Eglise. Tout ça, ça fait partie de notre Histoire contemporaine, ce ne sont pas des sujets marginaux ou folkloriques. Donc quand vous traitez la papauté, la papauté d'aujourd'hui, vous êtes forcé de traverser ces sujets qui sont pas toujours glorieux, l'affaire de la pédophilie c'est même pas ragoutant du tout mais vous ne pouvez pas ne pas traiter ces sujets là.

Philippe Chauveau : Et c'est aussi un peu la volonté de l'éditeur avec ce « Dictionnaire amoureux », et ça je pense que ça vous a plu, c'est qu'il y a toujours tout de même une petite patte, une petite touche humoristique. Il y a dans votre écriture des petites pointes où l'on sourie à chaque page, ça vous ressemble ça ?

Bernard Lecomte : Moi si je suis finalement écrivain, enfin je suis surtout journaliste mais je fais des articles de 600 pages, c'est aussi pour prendre des choses avec le recul. C'est-à-dire on ne peut pas examiner des choses, essayer de les mettre en perspective, essayer d'en tirer éventuellement des enseignements si on ne prend pas du recul et l'humour est une forme de recul et puis ça permet peut-être une lecture un peu moins austère que si c'était un traité sur les papes des origines à nos jours.

Philippe Chauveau : Mais vous qui connaissez bien les arcanes du Vatican, vous êtes toujours surpris par le Pape François aujourd'hui ? Vous êtes étonné de ses réactions, de ses commentaires qu'il apporte ?

Bernard Lecomte : Ah ce pape là est quand même ébouriffant. Il arrive du sud, ce qui est évidemment son originalité première : il arrive d'Amérique. Et on voit bien qu'il n'est pas fait de la même pâte que ses prédécesseurs, ses prédécesseurs italiens cela va sans dire mais le bavarois et le polonais aussi qui sont européens, qui sont presque même des européistes. Celui-là arrive du tiers-monde, cette Amérique latine où vit aujourd'hui 40% des catholiques du monde entier donc c'est un continent extrêmement dynamique. Ce pape qui arrive de là-bas, il ne voit pas les choses comme nous, il n'a pas l'Europe comme point de repère systématique comme l'ont eu tous ses prédécesseurs et ça nous force, nous les européens, à le suivre dans ses innovations et encore une fois, c'est un peu ébouriffant.

Philippe Chauveau : « Le dictionnaire amoureux des Papes », c'est votre actualité Bernard Lecomte et vous êtes publié aux éditions Plon. Merci.

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