Olivier Adam

Olivier Adam

Chanson de la ville silencieuse

Livre 7'04"

Philippe Chauveau :

Olivier Adam, vous allez nous parler de cet Antoine Scheffer, c'est une rock-star, c'est un grand artiste qui a un peu brûlé la vie par les deux bouts, qui s'est réfugié ailleurs, qui a été brûlé par la notoriété, d'ou vient-il Antoine Scheffer ?

Olivier Adam :

Il vient de ma passion pour la musique. Ce livre, c'était une manière pour moi de régler mon ardoise par rapport à tous les gens qui m'ont influencé, qui m'ont porté. Je revendique le fait que l'écriture de chanson est une écriture et qu'elle influence nombre d'écrivains, et moi en particulier. Il y avait une envie de créer un livre qui ne soit pas seulement sur la chanson mais travaillé de l'intérieur par la chanson.

Philippe Chauveau : Je me permets de résumer brièvement. Antoine Scheffer a été une immense star, il a eu du mal à gérer la notoriété, il est parti vivre en ermite dans une grande maison de la Drome, pas loin de Valence. Et un jour on retrouve sa voiture avec ses vêtements à l'intérieur et on imagine qu'il s'est donné la mort mais on n'a pas retrouvé le corps. Quelque temps plus tard, sa fille, qui travaille dans le milieu littéraire à Paris, découvre une photo avec un chanteur des rues capté à Lisbonne qui ressemble étrangement à son père. Et elle va partir pour essayer de le retrouver. Va-t-elle partir pour retrouver son père ou pour se retrouver elle même ? A travers ce personnage féminin, c'est le deuil du père et le deuil de l'enfance, il est important ce personnage féminin.

Olivier Adam :

En allant à la recherche d'un fantôme, elle essaye de régler son compte à ce fantôme.

Philippe Chauveau :

Une relation conflictuelle ?

Olivier Adam :

Pas vraiment conflictuelle mais en tous cas, la question de savoir où est son père, est-ce qu'il est mort ou est-ce qu'il s'est métamorphosé en moine soldat de la chanson dans les rues. Revient aussi à poser la question de quelle place elle tenait auprès de lui. Pour des enfants/adolescents, savoir quelle place on tient auprès de ses parents quand on a le sentiment d'avoir été oublié, laissé à soi-même. Revient aussi la question de savoir qui on est et quelle place on tient dans ce monde, c'est un livre sur la construction aussi.

Philippe Chauveau :

Il n'est pas facile de grandir à l'ombre des grands arbres, et vous faites dire à votre héroïne : « Je suis cette fille qui n'a pas besoin d'exister pour vivre, celle qui tremble quand on l'interroge, qui perd ses moyens devant une assemblée, dont le coeur s'affole quand on s'assoit à ses côtés, qu'on lui adresse un mot ou un simple regard, je suis la fille seule au fond des cafés dont personne ne vient prendre la commande, celle dans le bus, la tête collée contre la vitre, le menton et la bouche cachée dans son écharpe, la fille perdue dans ses livres, celle qui doute d'être en vie. » Ca a été difficile de vous mettre dans la peau de cette jeune femme ?

Olivier Adam :

En tant qu'auteur, je me sens toujours à équidistance de mes personnages, qu'ils soient masculins, féminins, jeunes, vieux, peu importe... Et ça me donne même une plus grande liberté parce que le masque est plus épais, je suis beaucoup plus méconnaissable et comme je reste assez pudique dans mon écriture, j'ai du mal à me livrer sans masque, ça me permet souvent d'aller au plus près de ma propre nature sans qu'on puisse se dire « ah, là, il parle de lui ».

Philippe Chauveau :

Vous faites évoluer votre personnage dans trois paysages bien distincts. Il y a Paris où elle vit et où elle travaille, où il y a ses amis Théo et Sofiane. Il y a les paysages de la Drome, près de Valence dans cette maison où le chanteur s'était réfug ié et ensuite, il y a Lisbonne, où cette jeune femme va rencontrer Guillaume et va partir sur les traces de son père. Trois univers complètement différents, comment avez-vous travaillé ces ambiances ?

Olivier Adam :

Lisbonne est une ville très proche de ma topographie générale, celle qui gouverne mes livres, et ça me semblait être une ville extrêmement en lien avec la disposition intérieure d'Antoine Scheffer qui est dans une espèce d'abandon. Après l'espèce de frottement entre Paris et l'Ardèche, c'était vraiment un retrait radical, un contraste très fort entre les années parisiennes d'Antoine Scheffer et ce refuge dans une grande maison de province. On est vraiment dans une espèce de repli...

Philippe Chauveau : Trois univers, et trois parties dans la construction de votre roman, pourquoi ce choix ?

Olivier Adam :

C'est comme trois mouvements d'une sonate. Le livre est influencé par la musique, pour une fois, on a choisi de mettre une illustration pour que ça ressemble à un album. On a la composition comme un morceau ou un album en trois parties. On a la rythmique des phrases qui empreinte beaucoup à la chanson, et on a un visuel.

Philippe Chauveau :

Au-delà de l'histoire et de l'intrigue, on sent qu'il y a un hommage aux artistes et à la musique qui vous touche. Il y a des titres, des chansons qui sont reprises, des artistes qui sont cités; vous-même, avez-vous écrit en musique ?

Olivier Adam :

J'écris toujours en musique, ils sont tous en perfusion d'un certain nombre d'artistes. Quand j'écris, c'est avec de la musique qui contient des paroles et souvent en français. Par contre, quand je retravaille le livre, il faut cesser cet afflux de mots et j'ai besoin de me concentrer avec Bach ou Schubert. Sur Bach ou Schubert, vous savez si vous êtes à côté, si vous êtes juste, trop lyrique, trop ténu... Ce sont mes juges de paix.

Philippe Chauveau :

Une histoire forte portée par une écriture pleine de sensibilité, c'est l'un des coups de coeur de cette rentrée de janvier 2018. C'est votre actualité Olivier Adam : « Chanson de la ville silencieuse ». Vous êtes publié chez Flammarion. Merci beaucoup.

Olivier Adam :

Merci à vous.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Olivier Adam est un incontournable dans le milieu littéraire français. Depuis 2000, avec son premier titre « Je vais bien, ne t’en fais pas », il a fédéré autour de lui un large public, touché par la pudeur de son univers, la fragilité de ses personnages, la sensibilité de ses mots. Apparaissant régulièrement dans les sélections des grands prix littéraires, il a reçu le prix Goncourt de la nouvelle en 2004 avec « Passer l’hiver » adapté depuis au cinéma comme plusieurs autres de ses ouvrages. Confrontant ses...Dessous les roses d'Olivier Adam - Présentation - Suite
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